mardi 28 février 2023

Disqu'Airs, par les Coyauteurs Associés (Éric, Phil, Romain & Sam)

  The BROKEN SPOKES

 "Where I Went Wrong" 

À la question d’un novice qu’est-ce que le Honkytonk? Eh bien cet album en est l’incarnation parfaite. On ne saurait faire plus classique. Le vocaliste Brent McLennan a un timbre clair et aigu dans la veine des figures des années 60-70, l’ensemble a pourtant sur scène un son plus contemporain que sur ce disque où rien ne dépasse et où tous les plans attendus se déroulent sans accroc. J’aime bien le travail de Kevin Skrla à la pedal steel. C’est très bien foutu, crédible dans l’objectif affiché de rentrer dans un canon bien balisé. C’est du bon shuffle et du bon western swing tardif. Trois reprises de grands classiques renvoient aux années 50-60. Carl Butler, Webb Pierce, Hank Thompson. Le moins convaincant dans ce choix reste le Honkytonk Song, peut-être trop repris, et dont la pulsion originale un peu bourrine semble échapper au groupe. C’est sinon très maitrisé, riche en arrangements et tout coule de source. C’est probablement ici que l’exercice touche ses limites: un respect des formes qui manque peut-être un peu de personnalité. J’ai du mal à me prononcer, sachant que depuis des décennies je consomme cette esthétique à haute dose et que j’en étudie les évolutions sur des décennies. La revue de presse du site tente de coller The Broken Spokes à Wayne Hancock ou BR5-49, c’est abusif, car on est ici pas du tout dans la démarche d’opposition au mainstream de ces deux références. Il n’y aura pas de surprise donc, et après tout c’est aussi ce qu’on est en droit de rechercher quand on a affiné son goût et ses références. Le plaisir n’est il pas la tentative de reproduire à l’infini ce qui a été vécu comme agréable tout en explorant les nuances? (Éric Allart

 

Sam BUSH

"Radio John: Songs of John Hartford" 

Huit ans se sont écoulés depuis le dernier album de l’ami Sam Bush et la pandémie est passée par là, ce qui explique en partie l’originalité de ce nouvel opus de l’un des plus grands innovateurs que le bluegrass ait compté depuis ces cinquante dernières années. Sur les dix titres qui composent cet album hommage à son ami et mentor, l’immense John Hartford, seul le dernier, Radio John, est une composition originale et les neuf autres sont des reprises jouées entièrement par Sam lui-même qui assure les chants, la mandoline, le violon, la guitare, le banjo et la basse, en re-recording et le résultat est totalement bluffant. Seul le dernier morceau est joué par le Sam Bush Band, ce qui lui confère une sonorité sensiblement différente. Certains esprits chafouins pourraient trouver à redire sur le manque de spontanéité de l'enregistrement multiple mais au demeurant, l’esprit des chansons de John Hartford est ici largement magnifié par son ami de toujours et ceci prouve, s’il en était besoin, l’intemporalité de ces chansons remontant quasiment toutes aux années 70/80. Mention particulière à In Tall Buildings dont la beauté reste inaltérable et pour le côté humoristique, Granny Wontcha Smoke Some Marijuana (Mamie veux-tu fumer de la majijuana). Une belle réussite de la part d’un musicien dont le nombre de concerts et festivals annuels sont époustouflants et qui, à 70 ans, ne semble pas du tout prêt à raccrocher les gants et c'est tant mieux! (Philippe Ochin

 

Van MORRISON

"Moving On Skiffle" (Caroline/Universal)

Le poète-rocker irlandais (sa spécialité: les accroches mystiques) était encore à l’école primaire quand il a joué avec son premier groupe de skiffle: deux guitares, washboard (planche à laver) et tea-chest bass (une grande boîte de thé avec un manche à balais et une seule corde). Il con-nait déja les chansons de Leadbelly et lorsque Lonnie Donegan explose le Top 10 en 1956 avec Rock Island Line, Van Morrison est intuitivement en avance sur le mouvement qui va toucher tous les ados britanniques de 56 à 58. Ce nouveau disque retranscrit les chansons de cette époque. Mais l’on se doute bien que l’ex-leader de Them n’a pas laissé les choses dans l’état. Il a électrifié le son au maximum, avec guitare et contrebasse électrique, piano, et batterie plutôt que percussions. Il sort même son saxophone sur Greenback Dollar, avec un clin d’œil à la version de Gene Vincent. Streamline Train est sur les même rails que le Mystery Train d’Elvis via Jr. Parker. Mama Don’t Allow est transformé en Gov Don’t Allow par le chanteur rebelle aux prescriptions gouvernementales. No Other Baby des Vipers de 58 avait déjà été repris par Paul McCartney mais Van Morrison ajoute un beat caribéen et un solo de sax. Gospel avec This Loving Light Of Mine. Détour honky-tonk avec les classiques de Hank Williams Cold Cold Heart et I’m So Lonesome I Could Cry, ou I’m Movin’ On de Ray Charles via Hank Snow. Et je vous laisse deviner ce qu’il aborde dans Yonder Comes A Sucker, chanson du quartier des Red Light Houses de New Orleans…. Disque du mois, sans problème. (Romain Decoret

 

REDLIGHT KING

"In Our Blood" (AFM Records)

Leur nom vient du Red Light Bandit, un passionné de stock-cars, invaincu sur les circuits de Toronto jusqu’en Ontario et au Canada. C’est là que le groupe a été formé en 2009 par Mark Kasprzyk (chant & Telecaster gaucher), Julian Tomarin (lead, Gibson Les Paul), Brian Weever et Mark Goodwin. Leurs chansons sont dans la B.O. originale de films comme Iron Man 3 et The Avengers, on les entend souvent aussi dans les retransmission des courses de stock-cars de la NASCAR. Leur power-rock est particulièrement apprécié par Neil Young qui leur donna la permission de sampler des extraits de sa chanson Old Man pour leur premier album Something For The Pain. Sur leur quatrième disque ils gardent ce son rock qui est le leur de-puis le début mais avec des pics mélodiques évoquant les groupes de l’Ontario comme Bachman-Turner Overdrive ou le Crazy Horse de Neil Young. Un mix de rock du Grand Nord et de la Californie, spécialement élaboré dans Cold Killer, Paid Off ou End Of a Shotgun avec des breaks rythmiques incandescents et des guitares en disto-fuzz mémorable. Heavy Heart et Raise The Dead sont plus bluesy, mais toujours avec des leads acérées. L’apex est atteint sur Eye Of a Hurricane qui est constitué de plusieurs segments différents et évoque encore un Crazy Horse & Neil Young réactualisés. Comme l’indique le titre, ils ont ça dans le sang… (Romain Decoret

 

Nico Wayne TOUSSAINT

"Burning Light (L’autre Distribution)

C’est le douzième album de Nico Wayne qui a été harmoniciste de Luther Allison, jouant en duo avec l’immense et regretté James Cotton et autres bluesmen. Une différence toutefois, il est aujourd’hui passé à la guitare et pas n’importe lesquelles: une Tricone Regal Steel qu’il joue en slide à la Fred McDowell ou Ry Cooder et une Supro électrique pour l’accordage standard style Lightning Hopkins et John Lee Hooker. Le disque démarre avec un coup de chapeau au fabuleux et méconnu John Campbell, malheureusement disparu en juin 93. Campbell était un master du voodoo blues (on peut ici se rappeler son stratosphérique Voodoo Edge de 91). Nico Toussaint aborde aussi Jesse James comme l’avait fait Ry Cooder pour la B.O. du film The Long Riders, ainsi que le Grease Band de Joe Cocker en 72 ou Harry McLintock en… 1928. Sauf que là, il a écrit SA version personnelle en compagnie de Neal Black. Toutes les chansons sont des compos qui voyagent comme Living On The Highway ou Go On Greyhound. Un nouveau départ intense pour Nico Wayne Toussaint qui se rapproche encore de la sagesse du bluesman accompli… (Romain Decoret

 

Roxane ARNAL feat. Baptiste BAILLY

"Elior" (Quart de Lune / Dixiefrog)

Il y a six mois, Roxane Arnal n'était pour moi qu'un nom qui figurait sur le disque de David Gastine, From Either Side (que j'avais eu le plaisir de chroniquer en ces colonnes), parce qu'elle avait composé un titre, Here's My Story, qui figurait au milieu de chansons rendues célèbres par Johnny Cash en particulier. Belle introduction pour la dame, à la voix envoûtante et par ailleurs excellente actrice, dont j'ai à nouveau croisé le nom aux côtés de celui de sa consœur, l'excellente Valentine Lambert. Elle a aussi joué avec Dear John, formé le duo Beauty and The Beast avec Michel Ghuzel, avant de s'associer avec Baptiste Bailly, connu en 2018, pour de nouvelles aventures qui se concrétisent aujourd'hui sous la forme d'un premier album, Elior, après la rencontre de Clément Faure (guitares et basse) et Antony Gatta (batterie et percussions). Disons-le tout net, ce disque est un petit miracle de pures grâce et beauté, aussi inclassable qu'inspiré. Le premier titre est un classique du gospel folk, I'll Fly Away, qui démarre comme tel, avant qu'un piano ne vienne ajouter une touche de jazz. Cette alchimie est présente tout au long de l'album dont le deuxième titre, Come Back To Me, est la première confirmation. Parmi les invités connus, on trouve Manu Bertrand (Dobro et Weissenborn) sur September Without Rain et No One Knows My Name (de David Rawlings et Gillian Welch), mais aussi Jessie Lee Houllier (de Jessie Lee & The Alchemists) à la guitare électrique et aux chœurs sur Rushed To Fly, le morceau le plus blues-rock de l'opus. Elior, le personnage de la chanson-titre, a été inspiré à Roxane par la sonde Persévérance qui venait de se poser sur Mars. Ce petit "légionnaire de l'amour" comme il se définit lui-même, est un peu comme la conscience de l'artiste face au progrès, quelque part entre l'attirance et la peur mais il est surtout à l'origine d'un très beau moment musical de Roxane et Baptiste.(Sam Pierre)

dimanche 26 février 2023

Bluegrass & Co., par Dominique Fosse

 

Sam BUSH

"Radio John: Songs of John Hartford" 

L’admiration de Sam Bush pour John Hartford, décédé en 2001, n’est pas nouvelle. Sam Bush a déclaré à plusieurs reprises que, sans l’album Aereo-Plain de Hartford, le newgrass n’aurait sans doute jamais vu le jour. Dans les années 70, avec la première formation de New Grass Revival, il a enregistré trois compositions de Hartford (votre mission consiste à retrouver les titres). Ils ont souvent joué ensemble sur scène (Hartford joue du violon dans Lonesome & A Long Way From Home dans un album en public de NGR), Sam Bush a accompagné Hartford sur plusieurs albums à la fin des années 70 et c’est lui qui a rédigé les notes du livret de la réédition de Aereo-Plain en 1997. Pour cet album hommage à John Hartford, Sam Bush a composé un titre (Radio John) qu’il a enregistré avec son groupe et repris neuf compositions de Hartford pour lesquelles il joue de tous les instruments: guitare, mandoline et fiddle, ce qui est habituel chez lui mais aussi banjo et basse, ce qui est inédit. Ce qui m’a plu dans cet album, c’est que Sam Bush parvient à associer de nombreux éléments du style de JohnHartford à sa propre personnalité musicale. Je ne sais pas sur quel banjo il joue mais soit il utilise un banjo long neck comme Hartford soit un low banjo, il a en tout cas un magnifique son grave typique de Hartford dans California Earthquake et No End Of Love (et il joue bien). De même, il a tendance à chanter plus grave qu’à son habitude (Morning Bugle), dans une tessiture proche de celle de Hartford. Il respecte également son phrasé particulier dans plusieurs chansons. Côté touche personnelle, le chant de Sam est plus dynamique que celui de Hartford, ce qui ne l’empêche pas de rendre toutes les subtilités de la mélodie de California Earthquake. In Tall Buildings est mélancolique à souhait. Les arrangements sont très travaillés. La mandoline, la guitare, le banjo, le fiddle plus rarement, se répondent et se mélangent savamment dans plusieurs arrangements, notamment les deux instrumentaux (Down et John McLaughlin). Le Sam Bush mandoliniste donne sa pleine mesure dans l’excellent et dynamique accompagnement de I’m Still Here, une très bonne chanson de John Hartford qui n’est pas parmi les plus connues (et que Billy Strings reprend également parfois sur scène). Un très bel hommage qui vous donnera certainement envie de replonger dans la discographie de John Hartford

 

Jim HURST

"From the Ground Up" 

Depuis plus de vingt ans, Jim Hurst n’avait sorti que des CD autoproduits. From The Ground Up sort sur le label Pinecastle. Peut-être la raison pour laquelle il est l’album le plus bluegrass de sa carrière solo. Celui qui fut élu guitariste de l’année en 2001 et 2002 (IBMA) est accompagné par une bonne quinzaine de musiciens talentueux parmi lesquels Shawn Lane, Wayne Benson, Kristin Scott Benson, Alan Bibey, Scott Vestal, Jason Carter et Michael Cleveland. L’album n’est cependant pas à la hauteur de ce casting prestigieux car Jim Hurst n’est pas un chanteur extraordinaire. Surtout, sa voix ne convient pas vraiment au bluegrass. Il a interprété dans ses albums précédents, et de manière épatante, des swings et des titres de Jerry Reed. Dans From The Ground Up, il n’y a malheureusement que le swing Train Of Trouble qui soit dans cette veine, formidablement interprété en format réduit avec Shawn Lane à la mandoline et un bassiste. Parmi les titres bluegrass, il y a cependant des titres intéressants, en premier lieu une très jolie chanson intitulée John Williams, accompagnée par Lane, Steve Wilson (banjo) et Michael Witcher (dobro). Fifteen Miles To Birmingham en duo avec Don Rigsby est très bien joué et ne souffre guère des limites vocales de Hurst qu’à la fin du refrain. Le seul titre vraiment connu est Oh Lonesome Me de Don Gibson, joué avec Kati Penn (fiddle) et Danny Roberts (mandoline), plus dynamique que les autres chansons de l’album, interprétées avec une intensité insuffisante malgré le bon soutien de Darin et Brooke Aldridge sur plusieurs titres et quelques solos bien sentis (Weary Old Highway notamment). 

 

The MOUNTAIN GRASS UNIT

"Places I’ve Been" 

Cri du 💚

Quand un groupe associe les mots "mountain" et "grass" dans le nom qu’il se choisit, il y a fort à parier qu’il s’agit d’un groupe de bluegrass traditionnel. Ce n’est pourtant pas le cas de The Mountain Grass Unit qui ne compte même ni banjoïste ni fiddler dans ses rangs. Cette formation originaire de l’Alabama est constituée d’un trio d’adolescents au talent fou. Le répertoire de ce premier album comprend sept très bonnes chansons originales et un instrumental d’inspiration grismanienne intitulé Boundary Waters. Le mandoliniste Drury Anderson chante avec l’assurance des vieux routiers. La formule en trio peut paraître pauvre pour un groupe bluegrass. The Mountain Grass Unit parvient néanmoins à nous offrir des arrangements riches grâce aux rythmiques façon Sam Bush de Anderson (Jericho), la contrebasse solide de Sam Wilson et au jeu fourni de l’excellent guitariste Luke Black qui rajoute des notes dans tous les coins (Same Old Moon notamment). C’est dynamique (Shoot The Gun) et bien arrangé (Another Day In Disguise chanté entièrement en duo). Il y a une intro jazzy sur le blues chaloupé Either End. Tate’s Hell est joliment accompagné en fingerpicking. L’énergique Shay’s Rebellion est dynamisé par des duos guitare-mandoline qui reviennent en motif. Un pur bonheur. 

 

AUTHENTIC UNLIMITED

(self-titled) 

Plusieurs groupes bluegrass sont nés du départ de musiciens de Doyle Lawson & Quicksilver: Blueridge (qui s’est appelé dans un premier temps New Quicksilver), IIIrd Tyme Out, Mountain Heart. Il s’agissait pour ces musiciens de trouver leur propre voie et les deux derniers au moins ont marqué l’histoire du bluegrass de leur empreinte. Le cas de Authentic Unlimited est différent. Pour Jerry Cole (banjo), Eli Johnstone (bassa) et Stephen Burwell (fiddle), créer ce groupe n’a pas été un choix mais une nécessité, Doyle Lawson ayant décidé de prendre sa retraite à 78 ans après 42 années passées à la tête de Quicksilver (et quelques autres comme membre du groupe de JD Crowe puis des Country Gentlemen). Pour compléter la formation, ils se sont adjoint un mandoliniste qui a pour le moins fait ses preuves, Jesse Brock (il a joué avec Chris Jones, Lynn Morris, Dale Ann Bradley, Michael Cleveland, les Gibson Brothers et a été élu deux fois mandoliniste de l’année par IBMA) et John Meador, un guitariste beaucoup moins connu mais qui se révèle être un excellent chanteur. Quicksilver a été une formidable école de chant pour la plupart des musiciens qui sont passés dans ses rangs. Cole et Johnstone ont bien retenu les leçons de Lawson et les harmonies de Authentic Unlimited (avec Meador et Brock) sont top niveau, parfois plus proches du style de Blue Highway que de Quicksilver (Long Gone). Meador a une voix haut perchée et un joli timbre délicat qui colle très bien à la finesse de l’arrangement de Hannah et à la balade Autumn Fell. Cole a également un registre de tenor mais avec plus de puissance. Il chante notamment le boogie Before You Miss Me (une de ses sept compositions sur l’album) et Long Gone de Neil Diamond, seule chanson qui n’ait pas été écrite par un membre du groupe. Eli Johnstone se montre également très bon chanteur dans Leavin’ Chicago à la rythmique tout en légèreté. En plus de leurs qualités de chanteurs et songwriters, les membres de Authentic Unlimited sont tous de bons musiciens, Jesse Brock se distinguant particulièrement par la finesse de ses interventions. 

 

BREAKING GRASS

"Somewhere Beyond" 

Cri du 💚

L’objet même d’une formation réunissant un guitariste, un banjoïste, un mandoliniste, un fiddler et un contrebassiste est habituellement de jouer de la musique bluegrass. Le cas de Breaking Grass est un peu différent. Ce quintet du Mississippi est certes un groupe bluegrass mais il existe essentiellement pour jouer les compositions de son guitariste chanteur Cody Farrar, qu’elles soient bluegrass ou pas. Les arrangements s’organisent autour de son accompagnement à la guitare, quelquefois typique du bluegrass (Pauline, les couplets de Let The Good Times Go), souvent plus complexe (The Boy On The Black Horse) et parfois très éloigné de la musique de Bill Monroe (Free, It Ain’t Enough). Pour ce sixième album de Breaking Grass, Cody Farrar a encore écrit les dix chansons, The Gift avec Ronnie Bowman, les autres seul. Cody est un formidable chanteur à la voix claire, intense, puissante et expressive. Les musiciens de Breaking Grass s’adaptent bien à ses chansons, avec beaucoup de sensibilité et de naturel. Le banjo est rarement en avant, même sur un titre où il pourrait davantage tirer la couverture à lui (Money Can’t Buy You). Le musicien le mieux mis en valeur est le fiddler Tyler White, notamment sur l’excellent blues 100 Degrees In The Shade. C’est l’un des deux joyaux de Somewhere Beyond avec It Ain’t Enough qui est dans la même veine blues et tout aussi bon. Farrar aborde avec le même talent la pop (Free), une ballade swing (Money Can’t Buy You) ou un refrain newgrass (Let The Good Times Go). Après Warning Signs (2017) et Cold (2019), Somewhere Beyond confirme que Breaking Grass est un des groupes bluegrass les plus intéressants de ces dernières années. 

 

MAD MEADOWS

"That Day" 

Mad Meadows est un duo basé en Allemagne, formé du guitariste Beni Feldmann et du mandoliniste californien Edward Fernbach. Pour ce premier album, ils interprètent quatre titres en duo mais ont choisi pour les six autres une instrumentation bluegrass complète avec le concours de Susanne Sievers (fiddle), Steffen Thede (banjo) et Alain Kempf (contrebasse) (oui, le Alain Kempf de L’Avis d’Alain). Les "folles pâtures" sont sans doute celles où pousse l’herbe bleue puisque, parmi les quatre titres en duo, trois sont des classiques bluegrass. J’aime surtout leur approche très originale de Rock, Salt & Nails avec Edward à la mandole (il joue aussi Footprints In The Snow et Spanish Pipedream de John Prine au mandoloncelle). Parmi les titres en formation bluegrass, se détache l’instrumental Peacock’s Perch, composé par Edward, un fiddle tune moderne, dynamique et mélodique où chaque soliste a l’espace pour s’exprimer. Il n’y a qu’une seule chanson originale, That Day, et c’est dommage car c’est une bonne composition de Beni. Les chants sont plutôt d’inspiration hillbilly même quand il s’agit d’une reprise de Travis Tritt (Here’s A Quarter). Le duo vocal de Beni et Edward fonctionne même si le phrasé est parfois trop haché ou le chant trop appliqué (That’s How I Can Count On You). C’est mieux quand Susanne Sievers vient apporter une troisième voix (Just Think I’ll Go Away des Stanley Brothers). Grâce à Alain, il est possible qu’on puisse les apprécier sur scène en France cette année.

vendredi 24 février 2023

Du Côté de Chez Sam, par Sam Pierre

 

Helene CRONIN

"Landmarks" 

Le précédent album, Old Ghosts & Lost Causes, d'Helene Cronin avait été présenté dans Le Cri du Coyote n°163. Elle considère Landmarks comme son deuxième album, même si elle avait déjà enregistré auparavant deux LP d'inspiration religieuse et deux EP. L'équipe qu'elle avait réunie pour son premier album (Bobby Terry: guitares acoustiques, banjo, steel et mandoline; Kenny Vaughan: guitares; Byron House: basse) est toujours là, sous la direction du même Matt King, seule la batterie a changé de titulaires (Jerry Roe et Paul Eckberg se partagent le siège). Helene a écrit ou co-écrit l'ensemble des onze titres. Landmarks, la chanson, a une histoire particulière: elle a été écrite avec une jeune femme de 16 ans, Ava Paige, rencontrée dans une chambre d'hôpital, et évoque des souvenirs de pêche partagés avec leurs pères respectifs. Il y a des titres forts comme Just A Woman qui démarre tranquillement puis va crescendo vers un final porté par un bouquet final de voix féminines. J'ai personnellement une préférence pour le titre au son country-rock qu'est Halfway Back To Knoxville ou le mid-tempo You Do, mais le son globalement rock de l'album, car il s'agit bien d'un album cohérent, n'est pas pour me déplaire, bien au contraire. What They Didn't Build en est une belle illustration. Il se dégage de Landmarks une véritable force qui est comme une réponse aux problèmes de santé dont l'artiste a souffert récemment et l'on entend aussi la passion d'une femme dont la qualité de l'écriture se révèle à chaque titre et dont la voix sait se charger d'émotion comme dans le tranquille Bodies Of Water, seule chanson écrite entièrement par Helene

 

Ben BEDFORD

"Valley Of Stars" 

Pour ce qui est de son sixième album (les trois précédents ont été chroniqués par mes soins pour le Cri du Coyote, numéros 131, 149 et 159), Ben Bedford continue de surprendre et d'enchanter. Les premières notes de Leaping nous font penser au folk britannique des années 1960/70, avec un jeu de guitare tout en finesse (Ben et Chas Williams sont aux guitares acoustiques) et une voix qui évoque celle de David McWilliams ou Ralph McTell. Ben est pourtant originaire de Springfield, Illinois, et a enregistré Valley Of Stars à Shelbyville, Tennessee, avec l'aide de Dave Sinko. On pourrait penser que le songwriter a conçu ce disque comme un concept album alors qu'il a en fait enregistré une trentaine de titres pendant le confinement pour en retenir onze (dont cinq instrumentaux) et se rendre compte du fait que certaines chansons étaient connectées entre elles. Dans son disque précédent, Hermit's Spyglass, Ben nous laissait guider par Darwin le chat. Ici, ce sont les aventures de Hare (dont la silhouette se dessine fièrement sur la pochette) que nous sommes invités à partager au travers de rencontres parfois inattendues (Leopard & Hare, In The Court Of The Bear). Ben Bedford n'a pas choisi la facilité, et ceux qui savent déjà qu'il est un songwriter essentiel, à l'écriture littéraire et au sens de la mélodie imparable le suivront les yeux fermés (et les oreilles grandes ouvertes) au long de ce magnifique opus, interprété par une équipe aussi réduite que talentueuse. Aux côtés de Ben et Chas, qui joue également de la guitare électrique et du dobro, on ne trouve en effet que Kari Floyd (harmonies) et Ethan Jodziewicz (basses et percussions). Valley Of Stars, qui se clôt par l'instrumental au titre improbable In The Shelter Of Indomitable Momma Badger, est un album tout en légèreté et en beauté qui confirme que Ben est un digne héritier de ses glorieux aînés, au premier rang desquels figure Townes Van Zandt dont il se revendique. 

 

The WHISKEY CHARMERS

"On The Run" 

Ce groupe basé à Detroit repose sur le talent de Carrie Shepard (voix et guitare acoustique) qui a écrit les dix titres ici présentés, et de son compagnon Lawrence Daversa (guitares électrique et steel, harmonies). À leurs côtés, on trouve Brian Ferriby (batterie et percussion), Daniel "Ozzie" Andrews (basse) et David Roof (claviers). On The Run est le quatrième LP du combo et il confirme ce que les trois précédents avaient laissé entendre. Nous avons affaire à un soft-rock teinté de folk et de country qui repose sur la voix claire et les compositions inspirées de Carrie ainsi que sur des arrangements où les guitares de Lawrence brillent. De Nobody Cares à Wrinkle, en passant par les moments magiques de Water, Gold ou Stop Running Your Mouth, on est sous le charme des Whiskey Charmers qui ont atteint ici une dimension qui devrait leur permettre de démontrer que Detroit a désormais d'autres porte-drapeaux que Motown, les Stooges, MC5 ou Alice Cooper et que MC signifie aussi bien Music City que Motor City. 

 

Craig BICKHARDT

"Outpourings" 

J'avais découvert Craig Bickhardt il y a environ trente-cinq ans avec l'album No Easy Horses de Schuyler, Knobloch and Bickhardt. J'ai eu le plaisir de découvrir ensuite son œuvre en solo (cinq albums dont un live entre 2001 et 2018) ou au sein du duo Idlewheel qu'il forme avec Jack Sundrud. L'homme se définit ainsi: "Father, husband, poet, prognosticator of insignificant events, guitar alchemist and singer-songwriter" (Père, mari, poète, pronostiqueur d'événements insignifiants, alchimiste de la guitare et auteur-compositeur-interprète). Outpourings se présente sous la forme d'un double CD de vingt-six titres (limité à 350 exemplaires, mais il existe aussi une version simple de treize titres) tous de sa plume avec neuf coécritures. Deux ans de création, une vie de préparation, c'est un cadeau pour les nombreux amis, famille, fans et followers de Craig. C'est un cadeau car l'album est aussi riche que l'homme est généreux et tourné vers les autres. Le disque a été enregistré principalement dans les studios de John Mock qui l'a coproduit avec Craig tout en jouant de la guitare classique, du pennywhistle et de l'harmonium. La liste des musiciens est trop longue pour être reproduite mais constitue un véritable who's who de Nashville et des environs. Breaking The Bread, qui ouvre l'album, en donne le ton avec des arpèges de guitare acoustique, une voix claire et touchante, une mélodie prenante et des textes pleins d'humanisme. Jamais l'impression ressentie ne se démentira au long des vingt-six titres qui raviront les amateurs, par exemple, de James Taylor ou de Dan Seals, s'il faut citer des références. C'est parfois le piano de Pete Wasner qui est en vedette comme sur She Won't Be Yours Alone ou I Don't Know Much About Love sans altérer la tonalité générale de l'ensemble. L'apport du violoncelle de Michael G. Ronstadt est aussi fort appréciable. Écoutez, à cet égard, Trees où l'instrument répond à la guitare classique avec en complément, une voix féminine qui vient compléter celle de Craig. Ce double album, simple en apparence, avec une recette rodée par un demi-siècle de pratique, révèle en fait des richesses qui se laissent découvrir à chaque écoute. C'est le fruit du travail d'un artisan passé maître en son domaine et qui nous livre ici ce qui est sans doute son chef d'œuvre. Ce dernier se referme sur A Family Quartet quatre titres qui nous montrent à quel point Craig Bickhardt porte haut les valeurs de la famille.

 

Freedy JOHNSTON

"Back On The Road To You" 

En écoutant Back On The Road To You, son dixième album studio, on a du mal à imaginer que le premier LP de Freedy Johnston a été publié trente-deux ans plus tôt. L'homme a toujours la même fraîcheur et, huit ans après Neon Repairman, il nous délivre dix titres d'un excellent tonneau, avec cette capacité qu'ont ou avaient d'autres songwriters comme Ron Sexsmith ou Moon Martin, de nous offrir des mélodies entraînantes sur fond de guitares qui qui brillent, la rythmque de Freedy et la lead (ainsi que la steel) de Doug Pettibone. La voix n'a pas changé au cours des années et se montre à l'aise sur de véritables petits hymnes pop-rock, parfois rejointe par celle de consœurs prestigieuses comme Aimee Mann (Darlin'), Susan Cowsill (The Power Of Love) ou Susanna Hoffs (That's Life). Freedy Johnston a toujours bénéficié de la reconnaissance des critiques rock et des ses pairs, il n'est pas trop tard pour que celle du public suive et que chacun chante avec lui le surperbe titre de clôture, The I Really Miss You Blues

 

Mark ERELLI

"Lay Your Darkness Down" 

Le précédent album de Mark Erelli paru en 2020 s'appelait Blindsided. Il ne se doutait alors pas qu'une atteinte de la rétine allait le condamner à perdre progressivement la vue. Le nouveau disque dont le titre, Lay Your Darkness Down, n'est nullement dû au hasard est l'œuvre de quelqu'un qui a décider de ne pas baisser les bras et de combattre à sa manière l'inéluctable en s'appuyant sur tout ce qui est positif dans sa vie. Il se dresse Up Against The Night, armé d'une guitare électrique sur ce titre, dans l'attente du crépuscule. Pour l'occasion, Mark s'est appuyé sur une équipe réduite: le fidèle Zachariah Hickman (basse, Mellotron, Omnichord), Dave Brophy (batterie et percussions), Charlie Rose (pedal steel sur Love Wins In The Long Run), Anthony Da Costa (guitare électrique sur Fuel For The Fire qu'il a co-composé) et Lori McKenna (voix sur Lay Your Darkness Down et co-composition de You're Gonna Remember This. Pour le reste, à l'exception des chœurs sur Love Wins In The Long Run, Mark a tout fait, de l'enregistrement à la production. Et, bien sûr, il chante et joue (en particulier des guitares) toujours aussi bien, sur ses compositions inspirées, avec une énergie jamais prise en défaut. Mark Erelli avait chanté à Paris il y a tout juste quinze ans grâce à Hervé Oudet et Acoustic in pAris. Les trops rares spectateurs avaient découvert un artiste de grand talent mais aussi un être humain d'une qualité rare. Lay Your Darkness Down est une superbe confirmation, un album qui est aussi une leçon de vie, à l'image de ce couplet de la chanson titre: "Rest easy, brother, and travel light / You had your mama’s eyes / But you were your father’s son / Lay your darkness down / Shadows lie upon the ground / To show us where the light is coming from" (Repose-toi tranquillement, mon frère, et voyage léger / Tu avais les yeux de ta maman / Mais tu étais le fils de ton père / Repose ton obscurité / Les ombres se couchent sur le sol / Pour nous montrer d'où vient la lumière).

vendredi 17 février 2023

Labonne Blog, par Christian Labonne

 

49 WINCHESTER

"Fortune Favors the Bold" 

Rien à voir avec la carabine, c'est l'adresse d'Isaac Gibson, le leader de ce groupe formé en 2013 dans les Appalaches et qui sort son 4ème CD. Le groupe se décrit comme dépositaire de "l'Appalachian country soul", une appellation qui ne peut que me réjouir ! On est en terrain connu entre Americana et Country-Rock avec basse, batterie, guitares, piano, pedal steel et le vocal volontaire, légèrement voilé et très expressif d'Isaac Gibson, lequel porte une barbe à la Billy Gibbons mais finalement, c'est un détail. L'excellent Russell County Line décrit leur ville natale et All I Need parle de leur vie sur la route avec un solo de guitare proche d'une de leurs références, le fameux Lynyrd Skynyrd. Ne loupez pas le clip vidéo de ce titre, une animation inventive présente sur leur site! Leur credo est aussi le nom de cet album : “La fortune sourit aux audacieux”. Tous nos vœux de réussite !

 

Corb LUND

"Songs My Friends Wrote" 

Après un EP de reprises en 2019, Cover Your Tracks, Corb Lund a une dizaine d'albums dont le dernier en 2020 s'appelait Agricultural Tragic, un CD de compositions qui avait reçu un excellent accueil. Il récidive avec les 10 titres de cet album de reprises d'auteurs compositeurs qu'il admire. On trouve une histoire de tatouage, Blue Wing de Tom Russell avec un bel accompagnement à la Telecaster, 2 chansons du Canadien Ian Tyson, Montana Waltz et Road To Las Cruces, 2 jolies valses lentes, bien aussi lentes que jolies mais chacun se fera son opinion. J'aime bien le titre That’s What Keeps The Rent Down de Geoff Benner. Et puis, il y a cette lignes d'une grande naïveté et peut-être d'un intérêt limité mais qui sonne tellement bien : "I may not know where I'm going but I sure know where I've been" extraite de Highway 87 de Hayes Carll. Enfin, le CD se termine sur le joyeux Age Like Wine de Todd Snider dans lequel il espère vieillir aussi bien que le vin. Qui l'aurait (grand) cru? 

 

Matt YORK

"Gently Used" 

Quand un auteur compositeur interprète écrit avoir fait 180 dates en 2022 en sachant rarement à l'avance dans quelles conditions se déroulera le concert du soir ou du lendemain, quand il avoue, devant une audience réduite, se demander ce qu'il fout là, on a une idée de ce à quoi la vie en tournée peut ressembler. Maintenant, il reconnaît être heureux de cette existence pour les bons moments qui, visiblement, l'emportent sur les galères. Pour ce CD, Matt a mis les petits plats dans les grands et embauché des musiciens de studio de Nashville pour enregistrer ces 11 titres à ses côtés : Joshua Hedley (violon), Dillon Warnek (piano), Tim Deenan (batterie), Taylor Hollingsworth (guitares) et Spencer Cullum (pedal steel), que du beau monde. If You Want Love démarre pied au plancher, il chante Baby Doll avec une intonation que Bob Dylan ne pourrait renier, Gently Used est une ballade au piano avec une très belle deuxième voix et Let’s Try Failure au rythme médium possède une mélodie qu'on imaginerait bien chantée par Bruce Springsteen. Quant à parler de timbre de voix, on se surprend à penser à Van Morisson sur The Perfect Crime. Sur son site, Matt York exprime son envie de changer de braquet au niveau de sa popularité. Au vu de la concurrence, des modes et des conjonctures, cépagagné.

 

Randy PALMER

"Deeper Water" 

Deuxième CD de ce chanteur du Texas et 12 compositions dans un registre folk acoustique bon enfant et, est-ce un gros mot, assez plan-plan. Comment expliquer le gouffre que l'on peut ressentir entre l'écoute de ces chansons gentillettes et celles d'auteurs reconnus dont Randy Palmer revendique l'influence? Entre Virginia's Reel de Guy Clark et Summer Of 65 de l'intéressé, il y a un océan, même si ces 2 chansons ont une petite similitude au niveau des mélodies. Cette remarque est totalement subjective et met plus ou moins fin à cette chronique. Bonne chance Randy, rien de personnel.

 

Wyatt EASTERLING

"From Where I Stand" 

From Where I Stand est le cinquième album qui nous est proposé par ce chanteur américain au parcours singulier puisqu'après avoir été pendant plusieurs décades producteur à Nashville, il a décidé de s'investir sur sa propre carrière d'auteur compositeur. On a ici 10 titres pour faire connaissance. Arpèges de guitare sur la plupart des chansons qui accompagnent cette voix bien définie et pleine d'émotion. From Where I Stand fait le point sur le temps qui passe, I Know Who You Are est une chanson d'amour et Love Says It Best traite de tolérance et d'empathie. Musique douce qui apaise sans être de la guimauve (pure), comme seuls réussissent à le faire des artistes comme James Taylor. Et si vous avez besoin ou envie de conseils, sachez que Wyatt a conservé une activité de consultant pour les groupes qui projettent d'enregistrer à Nashville et à qui il fera profiter de l'expérience dans le métier. On ne sait jamais, ça peut servir! 

 

SUGARCREEK

"Bad Business" 

Avec sa pochette pop-art représentant 6 canettes de bière, on devine que ce n'est pas du clavecin qui va sortir des enceintes. On découvre un combo de rock-blues explosif avec tout l'arsenal, des guitares distordues aux nappes d'orgue posées sur une rythmique compacte et soutenant un vocal idoine d'une chanteuse pleine d'énergie! Maintenant, pour mieux connaître ce groupe, on va sur Internet pour là, surprise, il y 3 groupes différents qui portent le même nom! Le premier avec son look de boys band vient de Caroline du Nord, s'est formé en 1981 et a splitté en 1990. Le deuxième joue de temps en temps et ne ressemble pas au premier, même en imaginant une version "mûrie" et enfin, j'ai reconnu le troisième avec la vidéo du titre Leavin' You figurant sur cet album. C'est bien d'envoyer des MP3, une copie de la jaquette du CD et de mettre le CD en vente sur Amazon et consorts mais c'est dur de s'y retrouver quand un groupe ne juge pas utile d'avoir son site ni de vérifier que le nom de son groupe a déjà été utilisé. Du coup, on ne connaît pas le nom des musiciens ni d'où ils viennent; ce qui mérite une petite mise au point : je ne suis pas Sherlock Holmes et si je n'ai pas d'éléments, j'arrête. Oui, vous avez raison, je suis bougon.
PS / NDLR: après de longues recherches menées avec l'aide du Docteur Watson, Sherlock Holmes a fini par trouver trace de ce groupe, "Boot Stompin’, Beer Drinkin’, Buttcheek Shakin’, Country Music from Columbus, OH" qui se cachait sur la toile sous l'appellation SugarCreek Country! Il a même retrouvé l'identité des musiciens: Megan Francis (voix), Bobby Withers (voix, guitare), Steve Geroski (basse),  Andrew Lewallen (batterie) et Paul Valdiviez  (Claviers, voix)...

samedi 11 février 2023

Disqu'Airs par Jean-Christophe Pagnucco

 

Eric BIBB

"Ridin’" (Dixiefrog, 2023) 

Quelle magistrale carrière que celle d’Eric Bibb! Il n’est sans doute pas utile de rappeler la singularité de la destinée de ce bel artiste, né à New York il y a près de 72 ans, fils du chanteur Folk et activiste Leon Bibb, que Pete Seeger a fait sauter sur ses genoux et à qui Bob Dylan lui-même a enseigné ses premiers accords, tout en lui recommandant de "Keep it simple"! Après différents voyages en Europe, c’est depuis sa Suède d’adoption, où il s’est fixé il y a des décennies, qu’il a démarré, à l’approche de la cinquantaine, une carrière scénique et discographique qui l’a mené sur toutes les scènes du monde. Le label français Dixiefrog demeure cependant son épicentre et nous avons la chance de pouvoir le croiser, avec une impeccable régularité et toujours un égal bonheur, sur nos scènes où il distille, en solo, en duo, ou en groupe, son folk blues servi par sa voix chaude, son fingerpicking magistral, mâtiné des influences les plus riches, reliant par son art le Delta du Mississippi et les rives de l’Afrique Subsaharienne. De cette personnalité si créative et irradiante, naît, à intervalles très réguliers, une production discographique invariablement passionnante, et il faut saluer bien bas le talent de notre homme pour parvenir encore à émouvoir, remuer, mobiliser et satisfaire ses très nombreux aficionados après 36 parutions successives. Sans surprise, mais avec le même ravissement, son dernier album Ridin’ déboule sur nos platines, toujours porteur de cette même énergie enrobante et fascinante, qui le voit, comme à son habitude, entouré de façon splendide et cohérente. Au cœur de la réalisation pleine de bon goût et de sobriété de Glen Scott, qui connaît bien son bonhomme, Eric dialogue, avec sa générosité et son sourire habituels, avec Taj Mahal et Jontavious Willis, respectivement parrain et jeune pousse du mariage blues roots et world music qui sied si bien à notre artiste, mais aussi Harrison Kennedy, Amar Sundy et le toujours fascinant Habib Koité, pour servir un répertoire délicat, marqué par des reprises très symbolique (500 Miles, bande son du folk boom des sixties qui l’a vu naître artistiquement, mais également Sinner Man, marqué par la relecture de Nina Simone), et par des compositions aussi poétiques et que spirituelles. Comme chacun des albums d’Eric Bibb, Ridin' est une invitation au voyage, voyage qui nous rappelle que l’artiste est sans doute l’une plus belles choses qui soit arrivées au blues ces 30 dernières années, au cœur d’un genre où les véritables créateurs sont rares et dont il réalise la synthèse de tout ce qu’il y a de bouleversant. 

 

Bai KAMARA Jr and the VOODOO SNIFFERS

"Travelling Medicine Man" (Zigzag World-Moosicus 2023)

Trois ans après son remarquable opus Salone, chroniqué dans ces colonnes, Bai Kamara Jr est de retour, guitare en main, pour creuser le sillon de son blues, aussi intense que dansant, mâtiné de jubilatoires influences africaines, dont il réalise, en sa personnalité solaire, la parfaite synthèse et qui frappe tant par sa cohérence que son côté envoûtant. C’est l’occasion pour cet artiste si singulier, fils d’un ancien ambassadeur de la Sierra Leone installé à Bruxelles, de réaffirmer haut et fort sa filiation avec les pères du World Blues, à savoir Taj Mahal, Ry Cooder et leurs plus contemporains enfants spirituels que sont Corey Harris, Keb Mo et Eric Bibb. On appréciera particulièrement le minimalisme acoustique de Good, Good Man, convoquant le fantôme de Lightnin’Hopkins, l’onirique Miranda Blue, qui n’est pas sans évoquer Terry Callier ou encore Star Angel et sa psalmodie si typique des ambiances boueuses sculptées par l’art perdu de John Lee Hooker, dont on jurerait entendre la guitare, période Groundhogs et british boom, sur l’irrésistible I Don’t Roll With Snakes. La glorieuse confirmation apportée par ce nouvel opus invite à souhaiter que Bai Kamara Jr recueille, au plus vite, la consécration scénique que la qualité de son world blues, évitant tout gimmick et toute facilité pour servir l’authenticité sans faille de sa démarche toute personnelle, mérite amplement. 

 

WHITE FEET - NASSER BEN DADOO

"Blue Legacy" (La Clique Production, 2022)

Attention! Blues passionnant! Bluesman originaire de la cité phocéenne installé en Bourgogne, celui dont les patronymes sont déjà une invitation au voyage transméditerranéen et transatlantique, signe ici un album qui marquera son histoire discographique, déjà riche de quelques chapitres très remarqués. A la guitare, souvent slide, et à la voix, qui évoque plus souvent qu’à son tour les plus belles heures du Chris Rea de Blue Guitars, Nasser Ben Dadoo traverse et transcende le Delta Blues gospelisant de Blind Willie Johnson (Keep Your Lamp Trimmed And Burning), la psalmodie desespérée de Son Thomas (Cairo) ou le cri hanté de Charley Patton, tout en s’évadant de tout académisme pour convoquer, notamment en compa-gnie de Vieux Farka Touré, les racines africaines (Yema, Gat Fish) ou européennes les plus intimes de cet idiome musical (Laurier Rose), dont il s’affirme comme l’un des artisans contemporains les plus habiles pour le renouveler. Passionnant de bout en bout, le voyage proposé ici par Nasser Ben Dadoo n’en est qu’à ses prémices et il faut souhaiter le meilleur à cet artiste si diaboliquement habile à nous convier dans ce monde multicolore et transpercé des émotions les plus intimes comme les plus intenses, à l’image d’un Tom Waits que l’on jurerait entendre sur So Far Away. A écouter absolument. 

 

DELAYNE

"Karu" (Dixiefrog, 2023)

"Le blues maori" au féminin, comme l’annonce le communiqué de presse accompagnant la sortie de Karu, premier album de la chanteuse Delayne, qui n’est déjà plus une inconnue, puisqu’elle a partagé la vedette avec le nouvel artiste majeur de l’écurie Dixiefrog, à savoir Grant Haua, lui-même bluesman polynésien qui vient de signer coup sur coup deux albums hautement enthousiasmants et signalés comme tels dans les colonnes du Cri. 2023 est décidément l’année du blues métissé, comme le prouve la pertinence des chansons que cette chanteuse pleine de passion et d’énergie défend partiellement en dialecte maori (Karu, Small Change et To Be Loved), au répertoire plein de groove et de passion, confirmant pleine-ment la sensation qui entourait ses interventions sur scène. En parlant de groove, l’infernal Shame On You incite à remuer tous les os de son corps, tout comme l’évocation réussie de Junior Wells par une appropriation du standardissime Little By Little. Il est aussi particulièrement réjouissant de retrouver toute la verve de son glorieux parrain Grant Haua, ici responsable de l’essentiel des compositions et qui lui offre un duo mémorable, en mode passage de flambeau, sur le tout aussi mémorable Billie Holliday, appelé à devenir un standard de leur répertoire respectif, ainsi que la soul touch jubilatoire et contagieuse du grand David Noël, leader des Supersoul Brothers et compagnon d’écurie artistique, sur une belle acoustique et sensible, très 70’s, baptisée Please, comme une invitation à retenir le nom de Delayne, qui n’a assurément pas fini de faire parler d’elle par son talent et son originalité. 

 

MOONLIGHT BENJAMIN

"Wayo" (Ma case Absylone Socadisc, 2023)

Moonlight Benjamin, proclamée par son cercle grandissant d’admirateurs de par le monde comme la Voodoo Queen Haitienne", publie ces jours-ci son 3ème album, plus rugissant et plus rock que jamais, en convoquant les racines des chants tribaux perpétués par les Black Indians de New Orleans, des vocaux psalmodiés et habités, servis sur un tapis de guitares que ne renieraient ni les Alabama Shakes, ni les Black Keys, tant le résultat final est un métissage absolument réussi de traditionalisme et de modernité. Souvent comparé à Angelique Kidjo pour le chant, Moonlight Benjamin ajoute à ce vocabulaire une noirceur, un abîme d’émotions et une profondeur qui font de ce Wayo un genre d’œuvre au noir de la musique blues. Le résultat est épatant: le chant créole, aux accents parfois opératiques, propulsé sur des harmonies hypnotiques gorgées d’électricité ne sont pas sans rappeler quelques belles heures de Led Zeppelin, pour servir un propos sans équivalent connu. Le torrent rock de Taye Banda, le rugissement tribal de Wayo, la tournerie mantresque de Ouvé Lespri, ou l’épais blues Bafon, se logent dans votre esprit pour ne plus en sortir et donnent l’envie de s’enfoncer plus avant dans les ténèbres de ce monde étrange, à la fois inquiétant et accueillant. L’écoute de Wayo, hautement recommandable, est un voyage remuant qui promet de faire chavirer bien des certitudes musicales. 

 

The SUPERSOUL BROTHERS

"The Road to Sound Live" (Dixiefrog Live Series 2023)

Attention ! L’avenir de la Southern Soul Made In France est en marche! Après un brûlant premier album en 2021, chroniqué dans les colonnes du Cri, véritable manifeste classic soul totalement renversant et jubilatoire, voici le live, qui confirme, avec ô combien de panache, tous les espoirs placés dans ce groupe décapant et habité. Après une ouverture tonitruante sur le standard Ain’t That A Lot Of Love, le gang cuivré fait exploser un groove de tous les diables, le sextet étant emmené par son leader charismatique et époustouflant vocaliste David Noël, en enfilant une série d’originaux que l’on croirait enfantés dans les moiteurs du Muscle Shoals Studio (Common People, quelle claque; Don’t Lockdown Your Heart, d’actualité et de circonstance, et un Only Love que ne renierait pas William Bell), tout en se ressourçant régulièrement à la source des inspirateurs du genre (épatante version de Is It Because I’m Black, de Syl Johnson). Conclu par leur mastodonte de scène que constitue la reprise décalée et géniale du Heroes de David Bowie, les Supersoul Brothers nous laissent haletants, en s’affirmant définitivement comme les derniers défenseurs en date de la Black Music dans ce qu’elle a de mieux. Beau challenge relevé pour les gars du Béarn!