mardi 27 septembre 2022

Avenue Country par Jacques Dufour

 

Miranda LAMBERT

"Palomino" 

Cela va bientôt faire vingt ans (2003) que Miranda Lambert se classait troisième du concours Nashville Star derrière Buddy Jewell et John Arthur Martinez. Et vingt ans après, comme l‘aurait écrit Alexandre Dumas, la triplette enregistre toujours, ce qui est remarquable quand on sait que bon nombre des vainqueurs suivants ont sombré dans l’oubli. Miranda Lambert fait partie de ces (trop) peu nombreux artistes à se positionner légèrement en marge de la country-pop. Certes, toutes ses chansons ne conviendront pas à tout le monde, mais chacun y trouvera, en principe, matière à se sustenter. Et puis son vocal est des plus agréables. Seulement le vocal ne fait pas tout. Et sur cet ouvrage trop de chansons se situent au-delà du territoire de la country. On ne s’attendait quand même pas à du honky-tonk ou a du western swing (encore que) mais un fiddle ou une pedal steel guitare par ci par là auraient été les bienvenus. Un EP d’une demi-douzaine de titres aurait été suffisant à la place de cet album de quinze chansons qui pour la plupart ne sont guère attachantes. 

 

Billy BRONSTED

"Rhythm Racket & Romance" 

Le premier titre est une country rapide avec pedal steel et dobro. Hélas il ne sera suivi d’aucun autre dans le même style. Pour le reste imaginez un vocal entre Dylan et Chris Stapleton dans un registre folk/rock. L’accompagnement est assez riche avec une bonne guitare, acoustique ou électrique, du fiddle et sur le dernier titre plus traditionnel un banjo et une mandoline. Pour public averti donc. 

 

 

  KAROLINE & The FREE FOLKS

"Reckless Dances" 

Voici le premier album de cette jeune auteur-compositeur basée à Lyon. Un pied dans le folk et l’autre dans la country, elle nous offre douze compositions, parfois étranges, immergée dans son monde où l’on croise une sirène sans cœur, une barbe qui swingue, un saule, des lutins, une chouette et d’autres personnages. Ce qui démarque Karoline de la plupart des singer-songwriters au vocal relativement uniforme c’est sa manière de chanter tout à fait personnelle et originale, ce qui la rend immédiatement reconnaissable à la première écoute (si on la déjà vue en concert évidemment). Une autre originalité dans le monde des auteurs-compositeurs est le fait qu’elle laisse ses accompagnateurs briller par eux-mêmes au cours de solos de guitares acoustiques ou électriques ainsi que d’harmonica. Dans ce registre musical l’accompagnement est souvent sobre alors que Karoline introduit banjo, mandoline et fiddle dans sa musique. Allez la voir, elle se produit souvent dans et autour de Lyon. 

 

Laura BENITEZ and The HEARTACHE

"California Centuries" 

Voici une chanteuse qui n’a peut-être pas le velouté d’une Martina McBride ou d’une Lee Ann Womack mais qui a au moins le mérite de produire une musique authentique. Un son qui a déserté Nashville depuis longtemps. Il est plus proche des honky tonks d’Austin et se révèle comme héritier de la musique de Bakersfield popularisée par Buck Owens. Entre hillbilly, honky tonk et country traditionnelle voici Laura Benitez et son allure vintage. La pedal steel guitare brille sur tous les titres et le fiddle en option sur certains. Si vous séjournez dans la baie de San Francisco, surveillez les affiches de concerts… 

 

MIDLAND

"The Last Resort: Greeting From" 

Cette excellente formation qui a enflammé le public de Gstaad en 2018 est encore à la recherche d’une hypothétique consécration à Nashville, tout comme Mo Piney d’ailleurs. Il faut dire que Midland pratique la country et non le pop/rock pseudo new-country. Deux albums viennent de sortir en quelques mois. Leaving The Highway est le plus récent. If I Lived Here est une chanson qui semble inspirée de par sa structure, l’allure montant crescendo, de la mythique formation Alabama dont le trio reprend un titre phare sur scène. C’est du reste ma chanson préférée sur cet album 12 titres avec Longneck Way To Go partagée avec John Pardi et qui est également une dynamique country song. Leurs deux essais en rock ne sont pas convainquant, étant davantage Deep Purple que country rock. Leurs ballades ont tendance à m’endormir mais il y en a peu et les autres chansons sont en mode relax à écouter avec un verre de tequila à la main.

 

The WHITMORE SISTERS

"Ghost Stories" 

Au visu de la photo de pochette j’ai pensé tout d’abord avoir affaire à la ré-édition d’enregistrements de l’époque de la Carter Family. Des bandes magnétiques datant des années 30 et retrouvées dans une grange des Appalaches. En fait les deux femmes figées sur la photo ne sont autres que deux charmantes sœurs bien contemporaines, Eleanor et Bonnie Whitmore. Bien qu’encore très jeunes elles ont des antécédents. Bonnie a déjà quatre albums solo à son actif de même que sa sœur aînée Eleanor qui a réalisé les siens avec son mari Chris sous le nom des Mastersons. Ce premier album sous la forme d’un duo est une réussite. Je qualifierai leur musique de country-folk avec cependant plusieurs chansons résolument country. Mais ce qui frappe avant tout l’auditeur c’est la qualité de leurs harmonies vocales. Elles rendent du reste hommage à un duo de légende en reprenant On The Wings Of A Nightingale que Paul McCartney avait composé pour les Everly Brothers. C’est parfois doux, parfois plus remuant, mais en aucun cas ennuyeux. J’espère que ce premier essai sera transformé. 

 

Wheeler WALKER, Jr.

"Sex, Drugs & Country Music" 

Voici un album à ne pas laisser traîner n’importe où si des oreilles sensibles sont à proximité. La musique est excellente mais les textes sont à ranger dans la catégorie "olé, olé". Des exemples? Fucked A Country Boy, Pussy & Beer, Honky Tonk Whore… J’aurai la décence de ne pas traduire. Un album pareil est osé dans les deux sens du terme car son auteur sait pertinemment que les radios ne le passeront pas. En effet les stations country sont connues pour leur aspect plus que prude qui n’évolue guère du reste. Il y a quelques dizaines d’années était paru un album intitulé Country Porn. L’artiste était inconnu et on a pensé à l’époque qu’il pouvait s’agir d’un pseudonyme cachant une star de l’époque. Toujours est-il que c’est devenu une rareté que les collectionneurs recherchent (je peux vous en faire une copie à la demande…). Bref, quel est le public de Wheeler Walker, Jr.? Je l’ignore mais en concert on doit passer un bon moment car son style musical est bien country avec pedal steel guitare et harmonica. On évolue entre outlaw et country-rock et la ballade God Told Me To Fuck You (!!) m’a fait penser à Au Bonheur Des Dames dans leur version porno de Laura Nous On T’Aime

 

MOTEL SUNDOWN

"If You Were Listening" 

Ces deux jeunes femmes aperçues saur la pochette harmonisent à la perfection. C’est léger, aérien et l’accompagnement musical est assez varié. Le résultat aurait pu être très intéressant si le répertoire avait été à la hauteur de leur potentiel. Mais l’ensemble manque de relief et on s’enlise dance une douce torpeur. On pédale dans la plaine et on aurait aimé un Tourmalet ou deux. Les chansons n’accrochent pas. Le troisième élément, le garçon, intervient sur deux titres. Il aurait mieux fait de continuer à leur tenir le micro. Rappelez-moi si elles se décident à faire du swing un jour. Ce trio nous arrive de Liverpool mais il n’aura pas la longévité d’un certain quatuor.

samedi 24 septembre 2022

Du côté de chez Sam, du côté de ces Dames, par Sam Pierre

 

 

Monica TAYLOR

"Trains, Rivers & Trails" 

Surnommée The Cimarron Songbird et membre des Cherokee Maidens, avec lesquelles elle a publié trois albums lors de la dernière décennie, Monica Taylor est originaire du cœur du pays de la red dirt music, à Stillwater, Oklahoma, et a prêté sa voix à des noms historiques du genre parmi lesquels Bob Childers, Tom Skinner, Greg Jacobs et les Red Dirt Rangers, mais aussi Ellis Paul, Jared Tyler et "notre" Martha Fields. Après trois disques en duo avec Patrick Williams aka The Farm Couple, elle a publié sous son nom Cimarron Valley Girl (2005) et Cotton Shirt (2009). Un fan du Canada lui ayant suggéré d'enregistrer un album entier de chansons de trains, ce qu'elle se sentait capable de faire, Monica décida néanmoins que son disque raconterait des histoires de trains, mais aussi de rivières et de chemins car chacun, à sa manière, mène vers un ailleurs nouveau. Trains, Rivers & Trails est donc né, constitué de compositions originales mais aussi de reprises au premier rang desquelles figurent Gentle On My Mind (John Hartford) et The Ballad Of Easy Rider (Byrds), deux superbes réussites. Il y a aussi Minor Key (aka Way Over Yonder In The Minor Key), texte de Woody Guthrie mis en musique par Billy Bragg. Il faut citer deux titres coécrits avec des amis disparus, Bob Childers (When You Let Your Love Light Shine) et Patrick Williams (Just Came In To Say Goodbye). Notons aussi, parmi les titres originaux, Salty Tears, inspiré par son arrière-grand-mère qui vivait près de la rivière Tennessee où débuta pour elle la piste des larmes (The trail of tears). Quant aux musiciens qui accompagnent la superbe voix de Monica, ils constituent le gratin de l'Oklahoma. Travis Fite (guitares et mandoline) et Jared Tyler (dobro, Weissenborn et aures guitares) sont également co-producteurs avec Monica, Casey van Beck tient la basse et Jack Lynn la batterie. Luke Bulla (fiddle), John Fullbright (accordéon, pianos Wurlizer et Steinway), Roger Ray (pedal steel) et quelques autres apportent leur concours occasionnel à ce bien bel album. 

 

Kerri POWERS

"Words On The Wind" 

La carrière de Kerri est un peu chaotique. Après des débuts prometteurs qui l'ont vue se produire sur les scènes de Nouvelle Angleterre, un mariage avec un partenaire peu enclin à la supporter, elle dû remiser ses ambitions jusqu'en 2014 et un EP sans titre, autoproduit. Avec Starseeds en 2019, elle a enfin eu un début de reconnaissance internationale, malgré l'épidémie de COVID qui a empêché une promotion correcte de l'album. Pour Words On The Wind, Kerri a choisi d'interpréter, seule, onze titres qui l'ont bercée. Une guitare, quelques percussions, et une voix très soul, telle est la panoplie de l'artiste. Quant aux chansons, elles proviennent aussi bien de chanteuses dont elle se rapproche vocalement comme Janis Joplin (Mercedes Benz) ou Karen Dalton (Something On Your Mind) que de groupes britanniques tels que Blind Faith (Can't Find My Way Home de Steve Winwood qui ouvre l'album après avoir clôturé Starseeds) et les Bee Gees (To Love Somebody, que les frères Gibb avaient écrit en pensant à Otis Redding). Il y a a aussi quelques-uns des plus grands songwriters: John Prine (Speed Of The Sound Of Loneliness), Townes Van Zandt (I'll Be Here In The Morning), Bob Dylan (Cold Irons Bound), Neil Young (For The Turnstiles) et Janis Ian (l'émouvant Jesse). Les deux autres titres sont First Time Ever I Saw Your Face (Ewan MacColl) et Always On My Mind (popularisé par Elvis Presley et interprété aussi par Brenda Lee, Johnny Cash ou Willie Nelson). Tout cela donne un disque bien agréable et superbement chanté.

 

Bobby DOVE

"Hopeless Romantic" 

Voici encore une artiste (comme Kerri Powers) distribuée en Europe par nos amis néerlandais de Continental Record Services. Après un EP, Dovetales, paru en 2013, et un LP, Thunderchild, publié en 2016, Hopeless Romantic est le troisième album de Bobby Dove. Il atterrit sur nos rivages dix-huit mois après sa parution outre Atlantique. Si les opus précédents se nourrissaient d'influences variées, celui-ci est résolument tourné vers la country music et le honky-tonk. Originaire de Montreal, Bobby confirme avec cet cet album qu'elle est une compositrice et une interprète avec qui il faut compter. Il est difficile de détacher un titre du lot, même si le morceau titulaire qui ouvre l'album emporte immédiatement l'adhésion, un pur standard country. Gas Station Blues est la chanson la plus rythmée du disque, avec un piano (Steve O'Connor) que l'on imagine dans l'ambiance d'un bar enfumé aux heures sombres de la nuit. Il y a aussi la pedal steel habitée (jouée par Burke Carroll) de Haunted Hotel, la touche hispanique avec El Hormiguero, Chance In Hell avec la participation vocale de Jim Cuddy (Blue Rodeo), Golden Years, ballade nostalgique où Bobby démontre ses qualités à la guitare acoustique en fingerpicking. Tout cela étant dit et écrit, un constat s'impose avec Bobby Dove: "tout est bon chez elle, y'a rien n'est à jeter, sur l'île déserte il faut tout emporter" (merci Georges Brassens). 

 

Lucy KAPLANSKY

"Last Days Of Summer" 

Docteur en psychologie, Lucy Kaplansky a désormais 9 albums solo à son actif, sans compter les projets alternatifs Cry Cry Cry (avec Dar Williams et Richard Shindell), Red Horse (avec Eliza Gilkyson et John Gorka) et The Pine Hill Project (avec Richard Shindell). Après avoir commencé à chanter dans les folk-clubs de Chicago avant ses vingt ans, elle a pris la direction de New York où elle a rencontré de nombreux artistes tels Steve Forbert et Suzanne Vega, mais aussi Shawn Colvin avec qui elle a formé un duo avant de se consacrer à ses études. Le retour à la musique aboutit à la publication de The Tide en 1994, disque qui donnait une idée de la qualité de l'écriture de Lucy dont la voix un peu grave était le parfait véhicule pour des textes ancrés dans la vraie vie, la réalité quotidienne dans laquelle chacun pouvait se reconnaître. Vingt-huit ans plus tard, The Last Days Of Summer s'inscrit parfaitement dans la continuité de la qualité d'une artiste qui n'a cessé de se bonifier. À côté de six compositions de Lucy et son partenaire de toujours Richard Litvin, il y a quatre reprises: Ford Econoline de la regrettée Nanci Griffith, These Days de Jackson Browne, These Boots Are Made For Walking de Lee Hazlewood et Gold Watch And Chain d'A.P. Carter. Lucy (guitare acoustique et piano) est accompagnée par les seuls Duke Levine (guitares variées, mandoline et mandole), Mike Rivard (basse) et Ben Whittman (batterie, percussions et harmonium) avec en prime les harmonies des amis Richard Shindell et John Gorka. Le tout nous donne une ambiance folk-rock du meilleur tonneau, à l'mage de Mary's Window ou Song Of The Exiled, avec aussi l'émouvant Requiem, à l'ambiance liturgique, rythmé par le piano de Lucy. Le seul reproche que l'on peut faire à ce disque est qu'il n'est disponible que sur le site web de Lucy (les frais de port coûtent plus cher que l'album). Mais cette dernière est une personne accessible et sympathique et il est possible de trouver un arrangement pour l'achat de plusieurs CD. 

 

Kelsey WALDON

"No Regular Dog" 

Je vous avais présenté White Noise / White Lines, précédent album de Kelsey Waldon dans le numéro 163 du Cri du Coyote. J'étais un peu resté sur ma faim tout en ayant la certitude d'assister à l'éclosion d'un vrai talent, ce que confirme No Regular Dog. Kelsey ne veut en effet pas être une artiste ordinaire, une nouvelle chanteuse country revivaliste de l'ouest Kentucky, mais tracer son propre sillon malgré les doutes qui peuvent l'assaillir, les hauts et les bas, comme elle l'exprime si bien dans Tall And Mighty. Vaut-il mieux vivre un rêve de honky-tonk ou mener une vie ordinaire? Kelsey a choisi la première solution, même si elle confesse qu'elle ne peut pas être grande et forte tout le temps. Les dix titres qui composent l'album sont tous écrits par Kelsey et oscillent entre ballades folk ou country et chansons plus rythmées qui nous démontrent que le country-rock a encore droit de cité au vingt-et-unième siècle. Produit par Shooter Jennings, No Regular Dog met en lumière le talent de musiciens tels que Brett Resnick (pedal steel), Aubrey Richmond (fiddle) ou encore Doug Pettibone (guitares, dobro, mandoline) et la qualité de compositions comme Sweet Little Girl, la balade You Can't Ever Tell, le plus rythmé History Repeats Itself et le plus franchement country Peace Alone (Reap What You Saw), avec Herb Pedersen au banjo. Mais j'ai une tendresse particulière pour le touchant Season's Ending, qui évoque John Prine comme un écho à son Summer's End,

 

Caroline SPENCE

"True North" 

Voici le quatrième LP de Caroline Spence, le deuxième pour Rounder Records , et comme les précédents il nous délivre un message de poésie et de beauté. Les douze titres ont été écrits ou coécrits par Caroline et l'ensemble est produit par Jordan Lehning. Il est intéressant de noter, à la lecture du livret, que Caroline remercie ses consœurs Michaela Anne, Erin Rae et Kelsey Waldon pour l'avoir aidée à revenir vers le vrai nord, comme des boussoles qui lui auraient permis de ne pas se perdre en route. Qu'on ne s'attende pas à entendre des rythmes qui font battre du pied et invitent à la danse, on peut juste constater que le morceau le plus électrique du disque, Icarus, succède au plus éthéré, I Know You Know. Dans l'ensemble, tout est en retenue et la jolie voix de Caroline est souvent comme en suspension au-dessus des notes d'un quatuor à cordes, d'un piano, d'une pedal steel guitar, ou d'une simple guitare acoustique, comme dans The Next Good Time, pour mieux nous faire apprécier des textes superbement ciselés, et procurer à l'auditeur une pure émotion.

lundi 19 septembre 2022

Avenue Country, par Jacques Dufour

 

Douglas WAYNE

"Coyote" 

Comment ne pas chroniquer un album intitulé Coyote! Le souci est que Douglas Wayne, malgré un patronyme accrocheur, n’est autre qu’un chanteur de bar à audience régionale et que les chansons qu’il interprète sur cet album n’ont rien de bien country malgré la présence furtive d’un fiddle et d’une pedal steel sur deux titres. On évolue entre pop et variété et tout cela sans éclat particulier.

 

 

 Grace ASBURY

"Outlier" 

Si dans votre discothèque vous avez un petit coin où ranger vos disques de Shania Twain, Little Big Town ou Miranda Lambert, vous pourrez y glisser cet album de Grace Asbury. Nous sommes dans le monde de la new-country ou country-pop, mais de qualité. Certains parmi vous feront la grimace mais le nashpop est un style à part entière et qui a ses adeptes, surtout chez les plus jeunes. Grace Asbury possède un vocal puissant et n’a rien à envier aux noms cités plus haut. Cet album est de très bonne qualité pour qui apprécie le genre. Après ce n’est qu’une question de goûts. La country music est pratiquement inexistante dans le pop/rock de cette artiste à l’exception des trois chansons glissées en fin d’album, un gospel et deux jolies ballades excellemment interprétés. Du potentiel mais pour l’instant pas suffisant pour justifier l’achat. 

 

Micki FUHRMAN

"Westbound" 

Sympa la photo de la chanteuse au volant, son chien sur les genoux. Espérons qu’un gendarme ne soit pas caché derrière un buisson. Album un peu surprenant qui ouvre sur un très court titre acoustique rapide joué au violon, se poursuit par une chanson western suivi d’un western swing et d’une remarquable reprise de River Of No Return, oui la Rivière Sans Retour avec Marilyn et Robert Mitchum. Le vocal de cette chanteuse est clair et puissant. Parti sur ces très bonnes bases je m’attendais à d’autres découvertes aussi variées pour la suite mais le reste de l’album se limite à une série de six ballades, comme si Micki Fuhrman désirait attendre l’album suivant pour nous dévoiler toutes ses facettes. Parmi ces titres plus calmes vous reconnaitrez une version d’une chanson peu reprise, Calling You, le thème central du très beau film Bagdad Cafe, qui vous rappellera certainement des souvenirs. Je suis impatient de découvrir la suite de la carrière de cette louisianaise.

 

Dustin HERRING

"Acquired Taste" 

Ce chanteur me fait penser à Toby Keith et à Tracey Lawrence tant pour le style de certaines chansons que pour le vocal. Dustin Herring est un excellent chanteur mais le répertoire majoritairement constitué de ballades est loin d’être véritablement country. Certains titres sonnent un peu moderne et j’aurais peine à déterminer quel est son public potentiel. Cet album n’est pas désagréable pour quiconque dispose d’un spectre musical assez large. 

 

 

 

TEDDY and the ROUGH RIDERS

Voici un groupe qui demande certainement à être vu en concert leurs country-rock sont excellents avec une solide guitare, un piano et un fiddle. Les titres lents ou medium par contre sont molassons L’enregistrement, sûrement live en studio, ne leur offre pas le son qui les mettaient davantage en valeur. On retrouve parfois le parfum des groupes West Coast période Byrds dans leur musique, ce qui est quand même une bonne référence. 

 

Dale WATSON

"Juke Box Fury" 

Un nouvel album de Dale Watson est toujours un évènement pour tous ceux qui suivent la carrière de cet artiste qui est certainement le Texan qui s’est produit le plus souvent en France. Et de loin. Cette nouveauté 2022 est un album de reprises, certaines étant fort éloignées de son registre habituel. Dale s’est entouré de musiciens de renom tels Earl Poole Ball, Steve Cropper ou Danny B Harvey qui contribuent grandement à la réussite des interprétations fort réussies de Polk Salad Annie, Always On My Mind (en duo avec Linda Gail Lewis), Treat Her Right (Roy Head), I’ve Always Been Crazy (en duo avec Lorrie Morgan), Have You Ever Seen The Rain, The Gambler, A Horse With No Name, Act Naturally… La voix chaude et profonde de Watson s’adapte à tous les genres qui sont comme vous pouvez le voir fort variés. Il arrive même à imiter le vocal de Jennings et de Kenny Rogers. De Tony Joe White à Creedence en passant par Buck Owens ou America, Dale Watson nous démontre qu’il peut briller sur tous les terrains, et surtout qu’il est un artiste ans oreillères. Peut-être son meilleur album.

 

Aaron WATSON

"Unwanted Man" 

Cet album doit être le cinquième pour le Texan depuis sa venue à Craponne sur Arzon en 2011. La canicule n’est certes pas la meilleure période pour écouter un album dans lequel culminent les ballades et j’avoue avoir piqué du nez à certains moments. Pour ne pas afficher une certaine torpeur il aurait fallu écouter un album de Bob Wills mais surtout pas ce nouveau Aaron Watson sur lequel les ballades s’enchaînent sans qu’aucune ne se démarque de l’autre. Les deux ou trois titres de tendance red dirt sont plus proches du rock que de la country (opinion toute personnelle). Le vocal de Watson est pourtant accrocheur mais le problème réside dans le choix des chansons. De surcroit le honky tonk semble n’être qu’un vieux souvenir pour le Texan. Un album à oublier (à mon humble avis).

 

Dolly PARTON

"Run, Rose, Run" 

Quel qu’un parmi les lecteurs connait-il le nombre exact d’albums enregistrés par Dolly Parton? Il doit être impressionnant vu qu’elle a commencé sa carrière discographique en 1967 et qu’elle a traversé les décades suivantes sans temps mort, ayant obtenu des numéros 1 dans les années 70, 80 et 90. Dolly est toujours restée country, abordant même le bluegrass, malgré un léger faux pas variété/pop à l’époque de ses duos avec Kenny Rogers dans les années 80. Comme compositrice/interprète elle a créé des chansons devenues des classiques telles que Coat Of Many Colors, Jolene ou I Will Always Love You. Après plus de 100 chansons classées au Billboard et cinquante-cinq années de carrière Dolly a toujours la gnaque et à l’âge de soixante-seize ans elle nous présente son tout nouvel album qui pétille de titres rapides et festifs dont le bluegrass traditionnel Firecracker. A rendre bien pâlichonnes certaines de ses consoeurs de vingt ans plus jeunes et dont les dernières réalisations sont trop tristes pour être diffusées lors de funérailles. Le poids des ans ne semble pas atteindre Dolly ni pour son vocal ni pour son dynamisme. La méthode Willie Nelson? A noter deux duos sympathiques l’un avec Joe Nichols et l’autre avec Ben Haggard (Demons) le plus jeune fils de Merle. La musique country en 2022 a beaucoup de chance d’avoir une artiste du calibre de Dolly Parton.

samedi 17 septembre 2022

Du côté de chez Sam, par Sam Pierre

 

Numéro spécial made in France

 

Jean-Luc LEROUX

"Country Music Time" 

Country Music Time est le treizième album de ce musicien français qui a un pied en Nouvelle-Calédonie et l'autre au Texas. Cette situation génère de grands écarts musicaux, toujours placés sou le signe du bon goût. Ici, comme le titre l'indique, on est dans l'imagerie américaine, avec ses grands espaces, ses camions, ses amours perdues et une dose de whiskey. Jean-Luc a tout réalisé dans son studio, a écrit les chansons à l'exception de On A Bad Day de Kacey Chambers (Whiskey Courage a été coécrit par Jean-Luc et Amy Ames, sa compagne), et chante, évidemment, en s'accompagnant à la mandoline et à la guitare. Le disque se compose de quatre titres en français, dont Quand le printemps reviendra,suivis de l'instrumental Just In Time, puis de quatre titres en anglais, pour se terminer par l'instrumental After All, comme la face A et la face B d'un 33 tours. Tout cela est fort bien chanté, d'une voix chaude et amicale, sur des mélodies qui accrochent. Quant aux musiciens, qu'ils soient américains ou français, ils tutoient tous le haut niveau: Jean-Marie Redon, Thierry Loyer, Stéphane Missri, Thierry Lecoq, Christian Poidevin & Kelsey Crews, mais aussi Doug Jernigan, Aaron Till, Matt Hooper, Carole Stacey, Orville Grant et Michael Guerra sont au générique et la liste de ces noms en dit plus que tout discours.

 

MISSRI and Friends

"My Zombie Girl" 

On ne devrait pas avoir à présenter Stéphane Missri, tellement sa carrière est longue et riche. Mais l'homme au banjo a toujours préféré l'ombre et la discrétion, préférant mettre sa musique dans la lumière. Pour My Zombie Girl, Stéphane se contente de jouer de la guitare et de chanter, ce qu'il fait bien et avec beaucoup de sensibilité. Cet album réunit une belle équipe de musiciens avec notamment Barry "The Fish" Melton (souvenez-vous de Woodstock et de Country Joe & The Fish) avec qui Stéphane collabore régulièrement. Parmi les autres amis, figurent aussi Jay Ryan qui chante sa co-composition She Loves Junk Food), Christian Poidevin (voix lead sur sa composition Heed The Earth, guitares, harmonica), Paul Susen (fiddle), Marten Ingle (basse) et Marty Vickers (batterie). Tous font partie avec Stéphane de Jay and the Cooks, le groupe de Jay Ryan. N'oublions pas de citer également Gabriela Arnon et ses claviers. On est assez loin ici du bluegrass et des musiques roots américaines. La tendance est plutôt à un country-rock teinté de psychédélisme que n'aurait pas renié le Grateful Dead des années 1970. Les voix sont bien posées, les mélodies au rythme chaloupé révèlent leurs qualités au fil des écoutes pour devenir quasiment addictives. Fake Is The Name (chanté par Barry Melton), Voices Along The Way (avec un fiddle bluegrass), Rickie Lee And Lyle ou encore She Still Not Even Care sont de belles illustrations de mes propos et contribuent à rendre ce disque digne de figurer dans toute bonne discothèque. 

 

David GASTINE

"From Either Side" 

David Gastine est ce que l'on appelle une pointure dans le domaine du jazz gypsy (je n'aime pas le mot manouche), biberonné à la musique du Django Reinhart. Sans mon frère Denis, j'avoue que je n'aurais jamais prêté attention à ce remarquable musicien qui, à partir de 2013, a effectué un retour vers la musique country et folk, explorant notamment le répertoire de Johnny Cash. Avec l'harmoniciste Vincent Bucher et son frère Sébastien Gastine (contrebasse), il se produit désormais régulièrement en trio acoustique. Cette passion débouche aujourd'hui sur From Either Side, un disque enregistré avec le renfort estimable de la guitare de Samy Daussat. Le disque commence par une reprise de City Of New Orleans de Steve Goodman et, dès les premières notes, dès les premiers accents de la voix grave de David, les doutes que je pouvais avoir se sont évaporés. Johnny Cash est à l'honneur avec I Walk The Line, Folsom Prison Blues et So Doggone Lonesome. Quelques classiques sont revisités: I'll See You In My Dreams, (Ghost) Riders In The Sky, The Wayfaring Stranger, Green, Green Grass Of Home, Tennessee Waltz. S'y ajoutent You Don't Say A Word (composé et chanté par Vincent Bucher), Here's My Story de Roxane Arnal (aperçue récemment aux côtés de Valentine Lambert et qui publie prochainement un album, ELIOR, chez Dixiefrog) et Nuit américaine, un instrumental de David. L'album se termine de manière plus surprenante par La chanson de Prévert de Gainsbourg, comme une façon de continuer à briser les barrières, tout en démontrant que la virtuosité n'est pas incompatible avec l'émotion et la passion.

 

Laurent CHOUBRAC & Jean-Christophe PAGNUCCO

"Miettes d'éternité" 

Laurent Choubrac et Jean-Christophe Pagnucco ont une vie en dehors de la musique. Et en musique, ils ont aussi leur propre vie. Ils produisent et ont enregistré, en groupe (Westbound pour Laurent, Les Witch Doctors pour Jean-Christophe) ou en solo (La parenthèse pour Laurent et Une raison de vivre pour Jean-Christophe). Ils se rejoignent aussi souvent qu'ils le peuvent, sur scène ou en studio et cela a donné le duo Gravel Road et un disque de reprises en Anglais, ainsi que Va savoir où ce chemin nous mène, premier album enregistré sous leurs noms. Tout cela vous a été présenté dans le Cri du Coyote, de manière élogieuse. Avec Miettes d'éternité, un double CD, avec leur "americana francophone", les deux amis ont toutes les chances de s'attirer beaucoup de superlatifs. Ils ont beau avoir une vingtaine d'années de différence à l'état-civil, ils sont parfaitement à l'unisson, animés par la même passion et par une immense culture commune où se mêlent harmonieusement folk, country, rock, blues, swing, chanson française… Il n'est pas besoin de connaître les deux hommes pour deviner leur amour de la musique ni leur désir de le faire partager. La chanson titre figure en deux versions, au début et à la fin de l'album, elle résume le plaisir d'être sur scène et le désir de le faire durer. Mais ces Miettes d'éternité sont aussi la quête de tout musicien qui grave ses œuvres sur disque, l'envie de laisser une trace. Pas seul dans cette histoire évoque l'avenir du monde et de l'humanité, oscillant entre pessimisme et espoir. Le bonheur, plein de swing, est un remerciement à la vie chanté par les deux hommes expriment leur gratitude, leur bonheur d'être ce qu'ils sont, de faire ce qu'ils font. Il en va ainsi au long des vingt-quatre titres, graves ou légers. Certaines chansons vous captent à la première écoute; je peux notamment citer Rester debout, Petit matin (avec un yodel inattendu), Hey Mister so Young (pour Neil Young), Le temps de vivre, Hello part'naire, Donner sans compter, Qui suis-je pour te dire… Et à la troisième rotation de cet album addictif, on s'aperçoit que tout est du même calibre. Musicalement, Laurent et Jean-Christophe naviguent avec aisance et fluidité entre les genres, un coup de blues, un coup de rock, des accents country, le tout écrit dans une belle langue qui n'est pas celle de Molière mais un Français actuel, à la fois simple et recherché, que chacun peut comprendre, qui sait faire rêver aussi bien que réfléchir. Les deux hommes ont tout fait avec le seul renfort de deux choristes (Océane Banon et Dorothée Veron) et d'un solo de guitare d'Emmanuel Desnos (Witch Doctors) sur Tant de choses à faire. Guitares électriques et acoustiques (6 et 12 cordes), guitare résonateur, basse, lap steel, piano, mandoline et même batterie (sans batteur), tout est dû à Laurent et Jean-Christophe. C'est du fait maison, du cousu main, mais de la haute couture musicale, le tout pour 13,00€, fais de port compris: qui peut dire, et surtout faire, mieux?

 

Patrick ABRIAL & JYE

"New Morning"

 Les fidèles lecteurs du Cri du Coyote seront peut-être surpris de trouver Patrick Abrial, ici accompagné de Jye (alias Jean-Yves Hellou) dans ces colonnes. Mais, sinon, qui en parlerait? Sa carrière a pris son envol en 1966 et s'est interrompue en 1982 avec en point d'orgue un tube inoubliable, Chanson pour Marie, en 1969. Ses mélodies teintées de folk ont ensuite évolué vers du rock, parfois progressif mais toujours avec une coloration tirant vers un blues teinté de romantisme (au sens non édulcoré du terme), comme un cousin de Jacques Brel qui aurait mis de l'électricité dans sa six-cordes. Et puis, pendant plus de trente ans, Patrick s'est consacré à d'autre activités, toujours en rapport avec la musique et le spectacle, faisant juste une parenthèse en 1995 consacrée aux fables de La Fontaine, avant de recommencer à se produire avec Jye en 2015 et de publier L'arnaque, au printemps 2018. Quelques mois après, ce spectacle au New Morning à donné lieu à un enregistrement (que l'on peut voir sur la chaîne YouTube de Patrick) et à ce disque qui fait l'effet d'un véritable coup de poing. L'alchimie entre les deux hommes est parfaite, et ils parviennent à transformer en brûlots, sans les dénaturer, des titres comme La chanson de Prévert (Serge Gainsbourg) et Il nous faut regarder (Jacques Brel). On retrouve pas mal de chansons anciennes avec des sommets comme Grand-Mère, Condamné amour, Les souvenirs du futur, Requiem pour un roi fou, qui prennent toutes une autre dimension par la grâce de la guitare inspirée de Jye, cheveux au vent,  et la voix de feu de Patrick, chapeau vissé sur la tête. Et ce n'est sans doute pas un hasard si l'introduction du dernier titre de l'album, Le Testament, est celle de Voodoo Chile de Jimi Hendrix. Ce disque coupe le souffle de l'auditeur qui peut le reprendre en écoutant trois bonus en studio, deux inédits (Au bout du monde et Le vieil Indien) et une nouvelle version de Chanson pour Marie. MONSIEUR Patrick Abrial (comme le nomme Jye) est un grand. À l'approche de ses 76 ans (le 29 septembre), il serait temps que chacun le sache.

mardi 13 septembre 2022

Extra! Read all about it! Ray Charles par Gérard Herzhaft

 

 

Ray CHARLES

"The ABC Paramount Years 1959-62" (Frémeaux & Associés FA 5829)

Au moment où le marché du disque est en train de devenir marginal, tandis que désormais on écoute de la musique en streaming pré-payé sans avoir la moindre idée de connaître l'essence, l'origine, la composition ni même les interprètes de ce que l'on écoute, Frémeaux & Associés continue d'éditer des coffrets d'anthologie avec présentation soignée, photographies et notes copieuses qui remettent en perspective la musique et permettent de mieux la comprendre. 

Après plusieurs excellents volumes consacrés au grand Ray Charles (dont on ne dira jamais assez l'importance dans la naissance de la Soul et de la musique noire contemporaine), Frémeaux nous offre maintenant un coffret de 4 CDs qui regroupent tout ce que le pianiste et chanteur a enregistré pour ABC Paramount durant 1959-62, les années les plus prolifiques d'une très longue carrière. Alternent classiques du blues revisités (Basin Street Blues, Worried Life Blues, Chattanooga Choo Choo, Outskirts Of Town) avec des séances jazz (Moanin') puis de plus en plus de compositions originales comme Unchain My Heart, Hit The Road Jack ou Georgia On My Mind qui seront d'énormes succès à leur parution, installant Ray au top des ventes autant en R&B que Pop et même vendus en tant que "Twist" en France! Il faut souligner que Ray employait les plumes de plusieurs grands compositeurs (et bluesmen) comme Percy Mayfield pour créer ses magnifiques morceaux devenus autant de classiques encore très écoutés et interprétés de nos jours.

Le son est excellent, les livrets copieux et documentés avec une discographie complète et détaillée, le tout signé de Joël Dufour qui est certainement le grand spécialiste de Ray Charles. Encore une fois, toutes nos félicitations à Frémeaux. (Gérard Herzhaft)

vendredi 9 septembre 2022

L'Art selon Romain, par Romain Decoret

 

  L'Art (selon) Romain 

 

 

DR. JOHN 

"Things Happen That Way" (Rounder / Concord / Universal) 

Sur ce disque studio finalisé par sa famille et ses amis proches après sa disparition en 2019, Malcolm John Rebennack, sorcier musical voodoo, a tenu à revenir à la musique qu’il écoutait à ses débuts quand il était guitariste avec Ronnie & The Delinquents. La musique en question est la country-music et les hymnes religieux, mais avec un beat New Orleans qui est la signature de Dr John. Il y a deux titres de Hank Williams: Ramblin’ Man et I’m So Lonesome I Could Cry, et un hit de Johnny Cash période Sun, Guess Things Happen That Way. Aaron Neville est invité sur End Of The Line des Travelin’ Wilburys et Lukas Nelson, fils de Willie, joue sur une version métaphorique de I Walk on Gilded Splinters. Mac Rebennack traite seul Funny How Time Slips Away, mais Willie Nelson lui-même joue sur Gimme That Old Time Religion. Les originaux de Dr. John sont confessionnels (Holy Water traite de son arrestation en 1960), ou des paraboles philosophiques comme Sleeping Dogs Best Left Alone et Give Myself a Good Talkin’. Une carrière aussi important que celle de Dr. John ne se résume pas en 10 chansons, mais l’évolution de son style est bien évoquée, toujours en rajoutant dans les standards les plus connus des aspects que l’on n’aurait pas imaginés auparavant. (Romain Decoret

 

CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL 

"At The Royal Albert Hall - April 14 & 15 1970" (Craft Recordings)

 Gardé dans les archives du label Fantasy pendant plus de 50 ans, ce live inédit réapparait aujourd’hui après de longues mésaventures juridiques entre John Fogerty, Fantasy et le reste du groupe, Tom Fogerty, Doug Clifford & Stu Cook. Des univers entiers et même des métavers quantiques sont passés. Le groupe a implosé après cette tournée européenne de 1970 mais John Fogerty a continué en solo avec succès. Plus qu’une relique, ce disque permet de réaliser la puissance et l’inspiration de Creedence dans leur période la plus créative. Le groupe est au sommet en 1969 avec cinq singles n°2 (ils n’ont jamais eu de n°1 parce que Fantasy ne pratiquait pas le payola) et un trio d’albums dans le Top 10 (Bayou Country, Green River et Willy and The Poor Boys). La remasterisation par Giles Martin et Sam Okell (The. Beatles Get Back) de ce live ultime est accompagnée d’un DVD du réalisateur Bob Smeaton (Beatles Anthology, Jimi Hendrix Band Of Gypsys) intitulé Travelin’ Band, qui retransmet le show de l’Albert Hall dans son intégralité et l’acteur Jeff Bridges narrant sur de nombreuses images inédites le parcours du groupe depuis sa formation jusqu’à cette tournée européenne. Toutes les compositions sont signées John Fogerty, sauf Night Time Is The Right Time du bluesman Nappy Brown - bien que John Fogerty se soit probablement inspiré de la version de John Lee Hooker pendant que le groupe chante les chœurs des Raelettes de Ray Charles. Good Golly Miss Molly de Little Richard Penniman est aussi une reprise. Le set commence avec le swamp-rock archetypal de Born On The Bayou et tous les guitaristes reconnaitront dans le backline avec un petit coup au coeur les amplis Kustom de John Fogerty recouverts du fameux padding Tuck and Roll de l’époque. Vient ensuite un véritable trésor rarement rejoué sur scène: Tombstone Shadow évoque Wyatt Earp et Doc Holliday marchant dans la rue principale de Tombstone, Arizona à la recherche du gang Clanton pour le gunfight d’OK Corral. Il est juste de rappeler que John Fogerty a toujours été un démocrate anti-Nixon, Reagan, Bush et autres mais ses chansons étaient les favorites des G.I.s au Vietnam. Proud Mary est une autre œuvre majeure de John Fogerty, reprise par Ike & Tina Turner, puis par Elvis Presley lui-même. Le show se clôture avec Keep On Chooglin’, célébration du rythme adopté par Creedence: basse et grosse caisse sur les temps 1 et 3, guitare rythmique sur le 2 et le 4. Originalement, personne n’aurait attendu un tel swamp rhythm de la part d’un groupe californien d’El Cerrito. Un disque live était sorti en 1980, prétendument enregistré au Royal Albert Hall, mais en fait la captation pro-venait du Coliseum d’Oakland en 1970. J’ai d’ailleurs du mal à croire que c’était une erreur de notation. De plus 1980 était le moment où John Fogerty refusait de jouer les morceaux qu’il avait écrits pour Creedence car les droits allaient directement dans la poche de Saul Zaentz de Fantasy Records. Donc de1980 à 1997, John Fogerty ne toucha plus au répertoire de CCR. Pour cette raison, il est exceptionnel d’avoir retrouvé ce Live 1970 au Royal Albert Hall, comme un instantané perdu depuis longtemps qui permet d’apprécier à nouveau la cohésion très spéciale du groupe, jamais vraiment retrouvée en dépit des jams en solo avec les superstars, Bruce Springsteen, Billy Gibbons ou Dave Gröhl. (Romain Decoret

 

BERT JANSCH 

"Bert Jansch at the BBC" (Earth Records) 

Ce coffret monumental contient 4 LP vynile et 8 CDs digitaux, avec un livret de 40 pages pour 147 morceaux enregistrés de 1966 à 2009 en concert ou à la radio. Le son remasterisé est parfait et permet de découvrir d’autres aspects du jeu inspiré et puissant de Bert Jansch, décédé en 2011. Le songwriter écossais était, avec Davey Graham et John Renbourn, le meilleur guitar-picker et le plus influent dès le début des sixties. Son jeu fut une inspiration directe ou indirecte pour Jimmy Page (Black Mountain Side de Led Zep est en fait Black Water Side de Bert Jansch), Paul Simon (Angie), Neil Young (The Needle and the Damage Done vient de Needle Of Death de Jansch), et Donovan écrivit House Of Jansch avant de montrer à John Lennon le picking utilisé par ce dernier sur Julia du White Album. Ces performances en concert et à la radio accueillent des invités: John Renbourn et Danny Thompson de Pentangle, Jacqui McShee, Ralph McTell, mais aussi Johnny Marr et Bernard Butler, fans issus d’une génération plus tardive. Ces archives de la BBC sont un réservoir inépuisable de folk, blues, jazz, avec un style unique de poésie et un son qui rend justice au jeu dynamique Bert Jansch, sa main gauche est parfaite, d’une grande exactitude dans les hammerings et sa main droite a une puissance de picking et de frappe que Jimmy Page n’est jamais arrivé à égaler en acoustique. Tous les morceaux fondateurs sont là: Come Back Baby, Angie, Sally Free and Easy, mais aussi Blues Run The Game ou Kingfisher de l’album que Bert Jansch avait dédié aux oiseaux. Les véritables guitaristes acoustiques légendaires sont rares, en voici un, loin de la pop-music et de la simple distraction. (Romain Decoret)