"Where I Went Wrong"
À la question d’un novice qu’est-ce que le Honkytonk? Eh bien cet album en est l’incarnation parfaite. On ne saurait faire plus classique. Le vocaliste Brent McLennan a un timbre clair et aigu dans la veine des figures des années 60-70, l’ensemble a pourtant sur scène un son plus contemporain que sur ce disque où rien ne dépasse et où tous les plans attendus se déroulent sans accroc. J’aime bien le travail de Kevin Skrla à la pedal steel. C’est très bien foutu, crédible dans l’objectif affiché de rentrer dans un canon bien balisé. C’est du bon shuffle et du bon western swing tardif. Trois reprises de grands classiques renvoient aux années 50-60. Carl Butler, Webb Pierce, Hank Thompson. Le moins convaincant dans ce choix reste le Honkytonk Song, peut-être trop repris, et dont la pulsion originale un peu bourrine semble échapper au groupe. C’est sinon très maitrisé, riche en arrangements et tout coule de source. C’est probablement ici que l’exercice touche ses limites: un respect des formes qui manque peut-être un peu de personnalité. J’ai du mal à me prononcer, sachant que depuis des décennies je consomme cette esthétique à haute dose et que j’en étudie les évolutions sur des décennies. La revue de presse du site tente de coller The Broken Spokes à Wayne Hancock ou BR5-49, c’est abusif, car on est ici pas du tout dans la démarche d’opposition au mainstream de ces deux références. Il n’y aura pas de surprise donc, et après tout c’est aussi ce qu’on est en droit de rechercher quand on a affiné son goût et ses références. Le plaisir n’est il pas la tentative de reproduire à l’infini ce qui a été vécu comme agréable tout en explorant les nuances? (Éric Allart)
"Radio John: Songs of John Hartford"
Huit ans se sont écoulés depuis le dernier album de l’ami Sam Bush et la pandémie est passée par là, ce qui explique en partie l’originalité de ce nouvel opus de l’un des plus grands innovateurs que le bluegrass ait compté depuis ces cinquante dernières années. Sur les dix titres qui composent cet album hommage à son ami et mentor, l’immense John Hartford, seul le dernier, Radio John, est une composition originale et les neuf autres sont des reprises jouées entièrement par Sam lui-même qui assure les chants, la mandoline, le violon, la guitare, le banjo et la basse, en re-recording et le résultat est totalement bluffant. Seul le dernier morceau est joué par le Sam Bush Band, ce qui lui confère une sonorité sensiblement différente. Certains esprits chafouins pourraient trouver à redire sur le manque de spontanéité de l'enregistrement multiple mais au demeurant, l’esprit des chansons de John Hartford est ici largement magnifié par son ami de toujours et ceci prouve, s’il en était besoin, l’intemporalité de ces chansons remontant quasiment toutes aux années 70/80. Mention particulière à In Tall Buildings dont la beauté reste inaltérable et pour le côté humoristique, Granny Wontcha Smoke Some Marijuana (Mamie veux-tu fumer de la majijuana). Une belle réussite de la part d’un musicien dont le nombre de concerts et festivals annuels sont époustouflants et qui, à 70 ans, ne semble pas du tout prêt à raccrocher les gants et c'est tant mieux! (Philippe Ochin)
"Moving On Skiffle" (Caroline/Universal)
Le poète-rocker irlandais (sa spécialité: les accroches mystiques) était encore à l’école primaire quand il a joué avec son premier groupe de skiffle: deux guitares, washboard (planche à laver) et tea-chest bass (une grande boîte de thé avec un manche à balais et une seule corde). Il con-nait déja les chansons de Leadbelly et lorsque Lonnie Donegan explose le Top 10 en 1956 avec Rock Island Line, Van Morrison est intuitivement en avance sur le mouvement qui va toucher tous les ados britanniques de 56 à 58. Ce nouveau disque retranscrit les chansons de cette époque. Mais l’on se doute bien que l’ex-leader de Them n’a pas laissé les choses dans l’état. Il a électrifié le son au maximum, avec guitare et contrebasse électrique, piano, et batterie plutôt que percussions. Il sort même son saxophone sur Greenback Dollar, avec un clin d’œil à la version de Gene Vincent. Streamline Train est sur les même rails que le Mystery Train d’Elvis via Jr. Parker. Mama Don’t Allow est transformé en Gov Don’t Allow par le chanteur rebelle aux prescriptions gouvernementales. No Other Baby des Vipers de 58 avait déjà été repris par Paul McCartney mais Van Morrison ajoute un beat caribéen et un solo de sax. Gospel avec This Loving Light Of Mine. Détour honky-tonk avec les classiques de Hank Williams Cold Cold Heart et I’m So Lonesome I Could Cry, ou I’m Movin’ On de Ray Charles via Hank Snow. Et je vous laisse deviner ce qu’il aborde dans Yonder Comes A Sucker, chanson du quartier des Red Light Houses de New Orleans…. Disque du mois, sans problème. (Romain Decoret)
"In Our Blood" (AFM Records)
Leur nom vient du Red Light Bandit, un passionné de stock-cars, invaincu sur les circuits de Toronto jusqu’en Ontario et au Canada. C’est là que le groupe a été formé en 2009 par Mark Kasprzyk (chant & Telecaster gaucher), Julian Tomarin (lead, Gibson Les Paul), Brian Weever et Mark Goodwin. Leurs chansons sont dans la B.O. originale de films comme Iron Man 3 et The Avengers, on les entend souvent aussi dans les retransmission des courses de stock-cars de la NASCAR. Leur power-rock est particulièrement apprécié par Neil Young qui leur donna la permission de sampler des extraits de sa chanson Old Man pour leur premier album Something For The Pain. Sur leur quatrième disque ils gardent ce son rock qui est le leur de-puis le début mais avec des pics mélodiques évoquant les groupes de l’Ontario comme Bachman-Turner Overdrive ou le Crazy Horse de Neil Young. Un mix de rock du Grand Nord et de la Californie, spécialement élaboré dans Cold Killer, Paid Off ou End Of a Shotgun avec des breaks rythmiques incandescents et des guitares en disto-fuzz mémorable. Heavy Heart et Raise The Dead sont plus bluesy, mais toujours avec des leads acérées. L’apex est atteint sur Eye Of a Hurricane qui est constitué de plusieurs segments différents et évoque encore un Crazy Horse & Neil Young réactualisés. Comme l’indique le titre, ils ont ça dans le sang… (Romain Decoret)
"Burning Light (L’autre Distribution)
C’est le douzième album de Nico Wayne qui a été harmoniciste de Luther Allison, jouant en duo avec l’immense et regretté James Cotton et autres bluesmen. Une différence toutefois, il est aujourd’hui passé à la guitare et pas n’importe lesquelles: une Tricone Regal Steel qu’il joue en slide à la Fred McDowell ou Ry Cooder et une Supro électrique pour l’accordage standard style Lightning Hopkins et John Lee Hooker. Le disque démarre avec un coup de chapeau au fabuleux et méconnu John Campbell, malheureusement disparu en juin 93. Campbell était un master du voodoo blues (on peut ici se rappeler son stratosphérique Voodoo Edge de 91). Nico Toussaint aborde aussi Jesse James comme l’avait fait Ry Cooder pour la B.O. du film The Long Riders, ainsi que le Grease Band de Joe Cocker en 72 ou Harry McLintock en… 1928. Sauf que là, il a écrit SA version personnelle en compagnie de Neal Black. Toutes les chansons sont des compos qui voyagent comme Living On The Highway ou Go On Greyhound. Un nouveau départ intense pour Nico Wayne Toussaint qui se rapproche encore de la sagesse du bluesman accompli… (Romain Decoret)
Roxane ARNAL feat. Baptiste BAILLY
"Elior" (Quart de Lune / Dixiefrog)
Il y a six mois, Roxane Arnal n'était pour moi qu'un nom qui figurait sur le disque de David Gastine, From Either Side (que j'avais eu le plaisir de chroniquer en ces colonnes), parce qu'elle avait composé un titre, Here's My Story, qui figurait au milieu de chansons rendues célèbres par Johnny Cash en particulier. Belle introduction pour la dame, à la voix envoûtante et par ailleurs excellente actrice, dont j'ai à nouveau croisé le nom aux côtés de celui de sa consœur, l'excellente Valentine Lambert. Elle a aussi joué avec Dear John, formé le duo Beauty and The Beast avec Michel Ghuzel, avant de s'associer avec Baptiste Bailly, connu en 2018, pour de nouvelles aventures qui se concrétisent aujourd'hui sous la forme d'un premier album, Elior, après la rencontre de Clément Faure (guitares et basse) et Antony Gatta (batterie et percussions). Disons-le tout net, ce disque est un petit miracle de pures grâce et beauté, aussi inclassable qu'inspiré. Le premier titre est un classique du gospel folk, I'll Fly Away, qui démarre comme tel, avant qu'un piano ne vienne ajouter une touche de jazz. Cette alchimie est présente tout au long de l'album dont le deuxième titre, Come Back To Me, est la première confirmation. Parmi les invités connus, on trouve Manu Bertrand (Dobro et Weissenborn) sur September Without Rain et No One Knows My Name (de David Rawlings et Gillian Welch), mais aussi Jessie Lee Houllier (de Jessie Lee & The Alchemists) à la guitare électrique et aux chœurs sur Rushed To Fly, le morceau le plus blues-rock de l'opus. Elior, le personnage de la chanson-titre, a été inspiré à Roxane par la sonde Persévérance qui venait de se poser sur Mars. Ce petit "légionnaire de l'amour" comme il se définit lui-même, est un peu comme la conscience de l'artiste face au progrès, quelque part entre l'attirance et la peur mais il est surtout à l'origine d'un très beau moment musical de Roxane et Baptiste.(Sam Pierre)
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