mardi 26 septembre 2023

ôté de Chez Sam, par Sam Pierre

 

Josh GRAY

"Walk Alone" 

Après un EP sans titre en 2015 et Songs Of The Highway en 2019, Josh Gray nous propose un album de dix chansons, Walk Alone. Le titre reflète mal le son du disque qui apparaît dès Radio Stations comme un bel effort collectif. "On m'a dit / D'innombrables fois / Ne sais-tu pas / Que tu ne seras jamais connu / Mais je me connais très bien / Parfois on doit / Marcher seul" (Walk Alone, la chanson). Seul mais bien entouré par notamment Julio Matos (basse), Jason Munday (batterie), Sean Thompson (guitare), Brett Resnick (pedal steel), ou encore Ian Miller (claviers) et Kenzie Miracle (fiddle), Josh avance sans se retourner sûr de sa force et son art. À l'écoute, un nom me vient immédiatement à l'esprit, celui de Lee Clayton qui vient de nous quitter. Une chanson comme Money Or Blood (très rock) illustre particulièrement mon propos. Comme lui, il se situe à la croisée des chemins folk et rock, blues et country. Comme lui, il a une véritable qualité d'écriture qui en fait vite sa signature, alternant entre des ambiances un peu sombres (Cheyenne) et plus légères (She Thinks The World Of Me), avec un détour par New Orleans (Mystic Queen). Sur ces deux derniers titres, on peut entendre l'accordéon de Micah Hulscher. Lorsque s'égrènent les dernières notes de Building Paradise (chanté en duo avec Morgan Conners), on ne peut que se féliciter que nos amis néerlandais de Continental Record Services aient choisi de distribuer Walk Alone en Europe. Le songwriter de Nashville (qui est né à San Francisco et a grandi dans le Maryland) a un bel avenir devant lui et, s'il marche seul, je parie que nous serons nombreux à le suivre. 

 

Erin VIANCOURT

"Won't Die This Way" 

Née et élevée à Cleveland, Ohio, Erin Viancourt a grandi en écoutant Patsy Cline, Jerry Jeff Walker, Asleep At The Wheel, The Desert Rose Band, Eddy Arnold, John Denver, Dean Martin et situe elle-même sa musique comme faisant partie du monde de la country music à la fois traditionnelle et moderne. Il ne faut pas longtemps pour tomber sous le charme d'Erin et, dès les premières notes de Cheap Paradise, ode aux plaisirs simples de la vie et premier titre de Won't Die This Way, on est séduit et on ne va pas être déçu par la suite. Crazy In My Mind est un honky-tonk alors que Straight Down The Line a un côté country-funk revigorant. Des titres comme Old Time Melody et le très folk Mountain Boy sont plus paisibles et permettent d'apprécier le côté sensuel de la voix d'Erin. Le disque, produit par Kyle Dreaden et Erin Viancourt, a été enregistré à Nashville et publié sur Late August Records, label de Cody Jinks qui a participé à l'écriture du morceau-titre. Treize titres en tous constituent ce bel album, dix ont été écrits par Erin en collaboration alors qu'elle s'est chargée seule de Pray, Old Time Melody et Letters To Waylon (particulièrement touchant). On appréciera aussi B24 avec la pedal steel de Mike Daly, Should've Know Better, tout en retenue avec un solo de guitare (Jake Lenter) qui exprime une forme de colère. Won't Die This Way est un album plein d'énergie qui sait offrir à l'auditeur des moments de respiration, à l'image du dernier titre, Beautiful Night For Goodbye, un coup d'essai dont on sent qu'il a été mûri pendant longtemps avant de voir le jour et que l'on a envie d'écouter encore et encore. 

 

Les CHICS TYPES

"Comme Si" 

Voici Comme Si, sixième album du sympathique gang lyonnais Les Chics Types, composé de Christian Biral (chant, guitares), Éric Corbet (saxophone), Jean-Yves Demure (batterie), Pierre Nony (claviers) et Cédric Vernet (basse, harmonica). Si les racines du groupe se situent dans le territoire blues et rock (voir le morceau d'ouverture, Don't Let It Go), nos cinq amis ne cachent pas que la (bonne) chanson française fait aussi partie de leurs influences, comme le prouvent Les filles de l'aurore, reprise de William Sheller, et Quand la terre se dérobe, un moment très fort de l'album coécrit par Cédric Vernet et Christian Biral avec Kent. Ce dernier ajoute sa voix, avec Hélène Piris au violoncelle et aux chœurs. Le résultat fait penser aux meilleures productions de Claude Putterflam (Système Crapoutchik, Ilous & Decuyper). La nostalgie, jamais triste, comme un écho au phénomène vintage, a doit de cité avec En 504 aux accents sixties, Our Last Summer, bande-sonore d'une époque révolue, ou encore Ferme les yeux. Pour Ce qui se passe, avec un piano très rock 'n' roll, les Chics Types font sonner amplificateurs et guitares, gravant sur disque un titre qu'ils jouaient déjà sur scène. Dernier Western, dernier titre de l'album, trace un constat doux-amer sur une Amérique qui a perdu son âme et un monde qui se meurt lentement, c'est le scénario d'un film jamais tourné qui aurait parfaitement illustré la Dernière Séance d'Eddy Mitchell. La qualité de Comme Si tient bien sûr à celle des compositions et au talent plein de fraîcheur des musiciens, mais il ne faut pas oublier le sixième homme du groupe, le producteur et ingénieur du son québécois Frédéric Pellerin (alias They Call Me Rico) qui ajoute à l'ensemble quelques guitares, chœurs, percussions et claviers. 

 

Colline HILL

"In Between" 

Colline Hill (un pseudonyme, évidemment), est une Bretonne du Morbihan qui a posé ses valises et sa guitare du côté de Liège (Belgique) et qui s'exprime en Anglais. Après deux albums orchestrés (Wishes en 2012 et Skimmed en 2015), elle a publié Shelter, un EP de sept titres, en formule guitare-voix. L'accueil réservé à ce disque l'a sans doute convaincue qu'elle avait choisi la meilleure recette pour nous proposer son folk mélodieux et sensible tout au long des douze titres de In Between. Cette qualité est perceptible dans le jeu de guitare, mais aussi dans la voix, plus grave et mieux posée que jamais. La réalisation (enregistrement, mixage, mastering) a été confiée à Géraldine Capart qui réussit ici un véritable travail d'orfèvre. Colline cite parmi ses influences John Denver, Jim Croce, Patty Griffin, Karen Carpenter ou Eva Cassisy. S'il fallait se risquer au jeu hardi des comparaisons, je citerais Anne Vanderlove (une Néerlandaise adoptée par la Bretagne) pour les artistes de langue française et Tracy Chapman pour le folk anglophone. Elle partage avec ces deux-là un pouvoir émotionnel qui s'appuie sur ces deux piliers essentiels que sont la sincérité et l'authenticité. Le titre de l'album, In Between, est un peu le fil rouge de l'album. Cet état intermédiaire, cette sensation d'être entre deux mondes, entre deux personnes, suscite beaucoup de questions, souvent sans réponse, que l'on retrouve au long des douze chansons du disque. Dès le premier titre (premier extrait diffusé aussi), Make It Your Own, on en a un aperçu: "Resteras-tu ici ou vas-tu suivre ta voie? Resteras-tu ici ou vas-tu me suivre pour un autre jour? Et le présent est la réponse à beaucoup de questions que tu gardes ensevelies au plus profond de ton cœur". Comment réagir quand la vie bascule (Out Of The Blue), quand on ne sait pas exprimer ce que l'on ressent pour quelqu'un d'autre (Lonely, We Won't Be Friends)? Ne croyez cependant pas que ces questions que tout un chacun se pose confèrent une ambiance lourde à l'album. Si le pessimisme est l'envie de tout laisser tomber est parfois présent (Fare Thee Well), l'optimisme sait reprendre ses droits (Make It Your Own). De manière plus globale, il faut souligner la qualité de l'écriture, rare pour une francophone qui s'exprime en Anglais. Écoutez par exemple Winter, Kate, What If, Mary Jane. Et si Colline nous affirme que la vie est en permanence un forme d'aventure (Life's A Ride), elle termine In Between avec une mélodie d'un autre temps (An Outdated Song), pour montrer qu'elle n'oublie pas ses racines et, en même temps, remercier celles et ceux qui l'ont soutenue et apprécient sa musique. J'en fais désormais partie, au premier rang (avec un remerciement particulier à Tony Grieco qui m'a fait connaître Colline Hill). 

 

Hank WOJI

"Highways, Gamblers, Devils and Dreams" 

Hank Woji est à classer dans la catégorie des auteurs-compositeurs à l'ancienne, de ces troubadours qui chantent pour raconter des histoires et faire passer des messages. Jusqu'à présent, il avait cinq LP à son actif: Medallion (2005), American Dreams (2008), There Was A Time (2010), Holy Ghost Town (2013) et The Working Life (2014). S'il chante essentiellement ses propres compositions, les quelques reprises qu'il a enregistrées en disent long sur les idées qu'il défend. Il s'est ainsi fait l'interprète de Woody Guthrie (Deportee), Victor Jara (Plegaria A Un Labrador - Prière à un paysan), Tracy Champan (Talkin' Bout A Revolution), Bruce Springsteen (Factory). Cet expatrié du Jersey Shore a écumé pendant longtemps les scènes de l'Amérique du Nord, en qualité de bassiste pour divers groupes, de la Virginie à l'Ontario, avant de devenir un rat du désert basé désormais à Terlingua, Texas. Son nouvel album, Highways, Gamblers, Devils and Dreams, est double et comporte vingt-trois titres dont les reprises de I Ain't Got No Home (Woody Guthrie), I'll Be Here In The Morning (Townes Van Zandt), Sitting In Limbo (Jimmy Cliff) et Land Of Hopes And Dreams (Bruce Springsteen). Si l'on sent l'influence d'autres Texans (de souche ou d'adoption), tels que Townes ou Steve Earle, Hank nous offre ici un véritable panorama des musiques américaines, majoritairement folk et rock, avec des incursions vers le Tex-Mex, le Dixieland, le gospel ou le country & western traditionnel. L'album commence avec Don't Look Back et un autre titre de facture plutôt classique avant I Ain't Got No Home où viennent chanter Jimmie Dale Gilmore et Butch Hancock (Flatlanders). Avec I'm Gonna Hit The Number, les guitares s'électrifient pour le titre le plus rock de l'album où le piano de Radislav Lorkovic se fait entendre de belle façon. Pour I'll Be Here In The Morning, l'autoharpe et la mandoline de Karen Mueller viennent accompagner la guitare, le banjo et l'harmonica de Hank (sans oublier les harmonies de Jaimee Harris). Sitting In Limbo avec le sousaphone de Thomas Helton prend des accents Dixieland alors que I Don't Like The Rain évoque un certain Pete Seeger. Land Of Hopes And Dreams, avec la présence de cinq vocalistes et de riches orchestrations, devient un véritable hymne de plus de sept minutes où la voix pleine de conviction et l'harmonica de Hank, avant de laisser la vedette au fiddle de Jeff Duncan, sont soutenus par le rythme infernal de la batterie de Michael Mimza. Tous les titres cités jusque-là figurent sur le disque 1, assurément le plus fort. Ce ne signifie pas, loin de là, que le second CD soit mauvais, il est simplement plus varié avec parfois un ton plus léger, à l'image de la première chanson, le guilleret Runnin' With The Devil, très country, suivi de The Quid Pro Quo Rag, tout aussi joyeux avec le retour du sousaphone. Start Building Bridges sonne comme The Band de la belle époque et on retrouve des intonations de Pete Seeger dans Corporations Are People (avec la Telecaster de Bill Kirchen). Signalons encore le gospel Take Of Burden To The Lord And Leave It There pour refermer ce bien bel album avec Peace Unto You, une guitare, une autoharpe et trois voix, avec des harmonies à la Crosby, Stills & Nash.

 

Alex MILLER

"Country" 

Après un premier LP, Miller Time, présenté en ces colonnes en mars 2023, Alex Miller revient avec un EP de cinq titres dans lequel il déclare sa flamme à la musique qu'il aime et, tout simplement, intitulé Country. On commence avec Girl, I Know A Guy (coécrit par Walt Aldridge, Tim Rushlow et Danny Orton), chanson d'amour avec son lot de fiddle (Jenee Fleenor) et de pedal steel (Mike Johnson), tout ce qu'Alex aime dans la country music. Avec When God Made The South (C.Aaron Wilburn, Jerry Salley et Lee Black), on a un texte purement country que le producteur (Jerry Salley) a emmené dans une tout autre direction, très rock, quelque part entre George Strait et Kiss (?). Les trois autres titres ont été écrits par Alex et Jerry. Every Time I Reach For You nous ramène au temps des ballades à la Keith Whitley, alors que Puttin' Up Hay (écrit avec l'aide de Larry Cordle) raconte, avec renfort de fiddle et de guitare wah-wah (James Mitchell), la simple histoire d'un garçon qui ramasse le foin et récolte un peu de miel. Pour finir, Alex nous propose le plat de résistance de ce trop court festin, Gettin' Lucky In Kentucky, mélange de western swing et de guitar picking du Kentucky (sic), ode du chanteur à la country music traditionnelle. Encore trop peu connu par ici, Alex Miller symbolise plus que jamais le futur de la country music et l'on attend avec ce que ce grand jeune homme de tout juste vingt ans nous concocte pour demain.

vendredi 22 septembre 2023

L'Art (selon) Romain, par Romain Decoret

 

Various Artists

"Tell Everybody! 21st Century Juke Joint Blues from Easy Eye Sound" 

(Easy Eyes Records)

Dan Auerbach a produit ce nouveau disque lui-même dans plusieurs studios de Nashville et du Deep South. Il chante en solo sur Every Chance I Get (I Want You In The Flesh) et convoque les Black Keys avec No Lovin', deux titres qui vont bien au-dela du country-blues traditionnel. Mais il y a aussi Robert Finley, récente découverte d’Auerbach. Finley se charge de Tell Everybody, qui est une autre version du classique et monumental Catfish Blues de Robert Petway. Ensuite il y a du gospel avec Daughter Of Zion par Glen Schwartz accompagné par Joe Walsh. Cette compilation originale présente d’autres artistes du Sud,comme Leo Welch, Nat Myers, R.L. Boyce et les Moonrisers qui semblent être un groupe improvisé en studio spécifiquement pour ce disque qui restera une pièce spéciale dans la discographie des Black Keys. (Romain Decoret) 

 

Susan TEDESCHI

"Just Won’t Burn" (25th Anniversary Edition) 

(Fantasy Records)

Pour ce nouveau disque solo, Susan Tedeschi a laissé de côté Derek Trucks et se consacre à des titres qu’elle joue depuis longtemps , comme Voodoo Woman qui est une reprise rythmée de Koko Taylor. L’un de ses précédents albums solo portait également le titre Just Won’t Burn, ce qui explique la mention 25ème anniversaire. Ce disque est celui qui l’avait fait connaître mais cette nouvelle édition inclut des prises alternatives et des inédits; tels Voodoo Woman et Waste Of My Time. Son jeu de guitare est étonnant, souvent plus proche du heavy-metal que du blues, Elle reprend Angel From Montgomery de John Prine et excelle sur Little By Little de Junior Wells & Buddy Guy. Elle sait s’aventurer dans le répertoire de Ruth Brown et explose littéralement It Hurt So Bad. Chansons originales et remise à jour de hits classiques. À ne pas manquer. (Romain Decoret

 

Dom MARTIN

"Buried In The Hail" 

(Forty Below Zero / Distrib. Bertus)

Tout change et parfois s’éteint dramatiquement: disparition des grands festivals (Lolapalooza, Burning Man), diminution des ventes de guitares; savoir-faire poétique. Qui aujourd’hui sait faire la différence entre l’assonance et une allitération ? Heureusement des guitaristes et chanteurs comme Dom Martin se lèvent pour changer les choses. Martin vient de Belfast et son jeu évoque aussi bien Rory Gallagher que John Martyn ou Van Morrison. Il. a aussi cette flamme poétique irlandaise inimitable . Son troisième disque Buried In The Hail (Enterré sous la grêle) évoque des commentaires tout comme le second: prochaine grande star, rare talent. Voici enfin un vrai successeur de Rory Gallagher qu’il ne cherche jamais à imiter. Le disque a été enregistré par Chris O’Brien et Graham Murphy au Golden Egg Studio de Dublin.avec le bassiste Ben Graham et le batteur Jonny McIllroy. Les compositions de Dom Martin sont impeccables; Unhinged, Daylight I Will Find ou Howlin’. Il reprend adroitement Crazy de Patsy Cline via Willie Nelson. Depuis 2019 Dom Martin a été nommé Album de l’année et a créé la sensation au festival d’Omaha, présenté par Joe Bonamassa. Espérons avoir le privilège de le voir bientôt sur une scène française… (Romain Decoret

 

Kyle CULKIN

"Shotgun Ridge" 

(Tonebucker Records)

Kyle Culkin est un guitariste / chanteur acoustique et songwriter très apprécié à Nashville depuis ses premiers disques solo comme Porkchops et My Americana. Il s’est fait connaitre avant cela en ouvrant les shows de BB King qui l’adopta comme protégé en dépit de leur différence musicale, Culkin ne jouant que du country-roots plutôt que du blues comme le regretté BB King. Aujourd’hui, avec des années d’expérience derrière lui, Kyle Culkin joue avec un sens de l’humour sophistiqué que l’on n’attendrait pas forcément d’un songwriter country, rock ou folk. Pour ce nouveau Shotgun Ridge, il a réuni en studio les guitaristes Albert Lee dans Whole ’Nutha Thang et Johnny Hiland sur Two More Bottles Of Wine ainsi que son groupe avec Marty Rifkin à la pedal-steel. Culkin a ainsi créé dans les studios Tonebucker une collection de chansons roots parmi les meilleures du country et rock actuel. Des chanteurs de Nashville sont invités, tels Ted Russell Kamp, Max McLaury et Jade McRae. Bien qu’il joue aussi de la basse, le jeu de guitare acoustique de Kyle Culkin est exceptionnel. A l’heure où il faut choisir entre le Tweeter d’Elon Musk et Threads de Mark Zuckerberg, le problème ne se pose pas avec Kyle Culkin: il est le meilleur… (Romain Decoret

 

Daryl MOSLEY

"A Life Well Lived"

 (Pinecastle Records)

Daryl Mosley est de Waverly, Tennessee à quelques dizaines de miles de Nashville. Son style de country-gospel vient de loin. Il fut longtemps le vocaliste, contrebassiste et guitariste des Osborne Brothers qui, bien plus qu’un groupe, sont une institution du gospel-bluegrass. Avec eux, il joua au Grand Ole Opry, Bluebird Café ou les festivals Rocky Grass et Telluride. Il quitta les Osborne Bros - Bobby Osborne disparut récemment - et enregistra deux albums solo à succès, The Secret Of Life (2020) et Small Town Dreamer (2021). Sa préférence est de ne pas souligner l’aspect gospel de sa musique, tout en gardant la lumière intérieure , ce qui rend sa musique mémorable, mélodique et chargée de compassion. Son humanité et humilité fait de chaque chanson une leçon qui vaut d’être méditée. Ses influences extérieures sont Don Williams, Rodney Crowell ou Guy Clark, ce qui est perceptible sur ce nouveau disque dans les titres Working Man’s Prayer, Back When We Were Boys ou A Life Well Lived. Daryl Mosley obtint dix n°1, dont le dernier avec son single Transistor Radio. Il a été trois fois élu Songwriter Of The Year en 2016, 2017 et 2023. Un artiste que l’on aimerait voir en France…(Romain Decoret

 

Deb CALLAHAN

"Backbone" 

(Blue Pearl Records)

Deb Callahan est une chanteuse de soul-blues de Philadelphie. Son nouveau disque est produit par Chris Ames à Morningstar Studios PA. Deb Callahan y a réuni son groupe de tournée, avec le guitariste Allen James, Garry Lee et Tom Walling à la basse/batterie. Ils se connaissent bien et ont testé la plupart des titres sur scène, ce qui est très efficace sur Rogue, A Few New Tricks, Just What The Doctor Ordered et Crazy Ride, composés par Deb Callahan, avec son guitariste Allen James ou le producteur Chris Ames. Elle est relaxée mais concentrée sur l’évolution de sa musique soul-blues depuis son dernier disque, Sweet Soul (2015), abordant divers styles de soul, funk et blues. Son écriture révèle l’impact intense de l’évolution mondiale de ces dernières années. Elle se réfère mème brièvement au télescope spatial Euclide qui est à la recherche de la matière noire qui occupe une bonne partie de l’univers. Ce qui ne l’empêche pas de reprendre deux de ses titres préférés : Danger Zone du grand Percy Mayfield et Anytime You Want d’Elvis Costello. (Romain Decoret

 

Pat METHENY

"Dream Box" 

(Modern Recordings / BMG)

Pat Metheny a réuni sur ce nouveau disque solo neuf morceaux pour guitare électrique calme qui sonnent comme ses influences, rappelant John McLaughlin, Joe Pass, Wes Montgomery et même parfois Django Reinhardt. C’est le regretté contrebassiste Charlie Haden qui lui conseil-la d’enregistrer tout ce qu’il composait plutôt que de le mettre de côté et de n’y jamais revenir. Ce sont donc des pièces retrouvées et jouées entièrement en solo par Pat Metheny, sans accompagnement. Dès The Waves Are Not The Ocean et Ole & Gard c’est different : une sensibilité musicale complexe qui le mène vers de nouvelles directions. C’est loin du registre heavy évidemment mais c’est aussi une façon de redécouvrir la sensibilité virtuose d’un guitariste dans un registre inhabituel qu’il serait difficile de dupliquer artificiellement, avec l'intelligence artificielle . Pour imprimer sa griffe, Pat Metheny ajoute quelques reprises; tel ce Mornng Of The Carnival de Luis Bonfa, Never Was Love de Russ Long et I Fall In Love Too Easily de Sammy Cahn & Jules Styne. Pour ne pas oublier l’abc d’un certain style. Pat Metheny a tourné dans les grands festivals de l’Hexagone en juillet et sera de retour en France à partir de septembre avec le répertoire de Dream Box. (Romain Decoret

 

Eric HEIDEMAN

"Third Degree Gravity" 

(Blue View Records)

Ce jeune guitariste de Salt Lake City, Utah, réussit avec son premier disque la création d’un style nouveau, éloigné du blues traditionnel et influencé par le new hard rock avec une sensibilité spéciale venant de son entourage. N’oublions pas les Mormons de Salt Lake City et.leur appréciation de groupes comme Aerosmith. Eric Heideman a enregistré avec les producteurs Victor Wainwright et JW Jones en prenant soin de s’assurer que le guitariste Dave Gross serait l’ingé-son à la console de Fat Rabbit Studios. D’où un son de guitare avec des riffs neufs et rarement entendus comme Never Felt This Way Before où les harmonies aiguës sont réussies. Eric Heideman joue sur des guitares fabriquées par String King et Joe’s Guitars. Ce son nouveau est particulièrement remarquable sur Leavin' Today et Say You Mean It Baby. Eric Heideman excelle dans le metal-rock, la soul-funk avec une haute énergie ,des vocaux naturels jamais retravaillés artificiellement et un vrai son de guitare à découvrir. (Romain Decoret)

lundi 18 septembre 2023

Lone Riders, par Éric Supparo

 

Les hasards du calendrier… Trois artistes, passés maîtres dans l’écriture la plus élégante, la plus évocatrice de ce côté-ci du monde country-folk-blues, sortent à quelques semaines d’écart trois albums qui s’échappent du lot commun, trois opus qui forcent, une fois de plus, le respect et l’admiration. Sans doute pour des raisons très diverses, mais, sur le fond, pour cet art - si difficile - d’évoquer sans alourdir, d’enchanter sans esbroufe, et de charmer sans maquillage. Trois signatures, trois parcours qui ne datent pas de la dernière pluie de cendres, sans que les trompettes de la gloire ne sonnent. Allez comprendre…

Jesse DeNATALE

"The Hands Of Time" 

Le cas Jesse DeNatale est spécial. Seulement quatre albums en presque 25 ans, une discrétion qui frise l’absence. Alors que sort ce sublime The Hands Of Time, on se souvient avec émoi de sa fabuleuse version de I Hear Your Voice (un morceau de Peter Case, le prochain client sur la liste), sur A Case For Case en 2006. Un pur joyau, en équilibre sur un piano, des chœurs divins et la voix si particulière de Jesse. Une découverte pour moi alors, et pas une déception depuis. Californien, racines mexicano-italiennes, Jesse déroule sur cet album une sélection irréprochable de ballades, enregistrées avec le moins d’effets possibles, mais veloutées, charnues, et immédiatement délicieuses. Un album qui fait du bien, qui soigne tous les maux du moment, qui parle autant à l’âme qu’au corps, qui parle d’amour (The Hat Shop, Love Is) et de haine (Stop The World), des rêves, brisés ou pas, d’envies et de regrets, bref, qui parle tout court. C’est aussi la démonstration que le talent ne se décrète pas, ça se cultive avec patience et obstination. Cet homme porte en lui des rivières de sentiments, qu’il parvient à dompter, à diriger avec douceur, pour finalement inonder nos cœurs avec un sourire en prime. Écoutez Late September les yeux fermés. Vous m’en direz des nouvelles. Très très grande classe. Un maître, vous dis-je. 

 

Peter CASE

"Doctor Moan" 

Peter Case, donc. Quelque chose comme presque 40 ans d’activité. Un pote de Jesse, tiens… Une légitimité que personne ne viendrait mettre en doute. On s’est presque habitué à son cocktail folk, guitare/voix. Mais voilà Doctor Moan, un album épatant qui laisse la six-cordes au placard et met en avant un dialogue piano/basse/orgue totalement convaincant et rafraichissant. Have You Ever Been in Trouble, qui ouvre le bal, est une grande chanson tout simplement, écrite au cordeau, livrée avec fièvre et passion, où la voix de Peter renaît, forte, belle, abrasive et ample. Onze titres qui viennent tutoyer ses plus belles réalisations, des textes de très haute volée, des ambiances en apesanteur (That Gang Of Mine), des piano-gospel-blues comme on en fait plus (Downtown Nowhere’s Blues, Ancient Sunrise), et des quasi-pop-songs à faire pâlir d’envie Elvis Costello et Jeff Tweedy (Girl In Love With A Shadow). Ajoutez à cela un son d’une précision et d’une épaisseur idéales, et vous aurez un objet de collection, qui fera date, et pas seulement dans la discographie de Peter. On s’incline bien (bien) bas. Applaudissements, rideau. 

 

Maurice MATTEI

"Jungalingle" 

Et en rappel, Maurice Mattei, qu’on ne présente plus (le Cri ne rate jamais une occasion…). Jungalingle, nouvel opus enregistré en mode guitare/voix, compte vingt-cinq titres. Et là, je voudrais m’adresser à celles et ceux qui - heureuses/heureux - connaissent ce frisson et cette ivresse qui s’empare de vous (de nous) quand vous ouvrez un nouveau livre, ce plaisir unique de plonger dans l’univers d’un auteur, à en oublier les heures, le lever, le coucher et les contraintes du quotidien. Un album de Maurice Mattei se déguste comme de la grande littérature, avec l’esprit ouvert, en appétit, en confiance. Maurice n’a pas d’équivalent lorsqu’il s’agit de poser un décor, des costumes, et une action. Des mots filtrés, affinés, aiguisés, un habillage léger en country-blues. Et basta ! Il faudrait citer presque tous les couplets pour faire honneur à son art. 25 scènes, 25 photographies, 25 histoires. Un menu complet, et un résultat à la hauteur de toutes les espérances. On est transportés, chahutés, choyés, mine de rien. On repose le livre avec l’esprit en ébullition. Merci pour le voyage, Monsieur Mattei. On reviendra, soyez-en sûr.

lundi 21 août 2023

Du Côté de Chez Sam, par Sam Pierre

 

Tommy PRINE

"This Far South" 

Que faire quand on s'appelle Prine et que John, le père disparu trois ans plus tôt, était un des artistes les plus révérés et aimés de la scène musicale de Nashville et d'ailleurs? Simplement, assumer son nom et se faire un prénom. C'est en tout cas le choix fait par Tommy Prine qui publie son premier disque, This Far South, dans un style qui n'appartient qu'à lui. Elohim ouvre le bal. C'est un nom hébreu pour désigner Dieu et, sans ambage, Tommy l'annonce: "Et je déteste cette partie de moi / Mais je ne crois pas en ce que je ne peux pas voir", comme un façon d'avouer ses faiblesses, les addictions qu'il a eu à surmonter. Il affirme ensuite: "Je ne crois pas en Dieu ou en Elohim / Parce que ce sont ceux que je n'ai jamais vus", comme pour exprimer la colère d'avoir perdu son père, mais aussi des amis, à cause du COVID, mais aussi de certaines dépendances. L'approche de ce titre est très rock, avec notamment la guitare électrique de l'excellent Sadler Vaden, brillant à chaque intervention. Il est à nouveau question des démons passés dans la chanson This Far South: "J'ai choisi, l'habitude que j'abandonne / La descente est épuisante / Je pense que j'ai besoin d'aide… Je pense que je mérite un peu de repos". By The Way est un hommage manifeste au père perdu avec cette conclusion: "Au fait, les gens disent que je te ressemble". Tommy évoque aussi les rendez-vous manqués: "J'aurais aimé rester et déballer tous mes sacs / Tous les moments qui me manqueront toujours / Sont les moments que nous n'avons jamais eus". Letter to My Brother est un hommage acoustique à un ami perdu à cause de la dépendance, mais aussi à la famille et aux amis qui soutiennent les toxicomanes lors de leurs pires moments. On rencontre ici également une référence à Sam Stone. Toutes les chansons ne sont cependant pas sombres, et à côté de Crashing Again, il y a Reach The Sun, le réjouissant Mirror And A Kitchen Sink (où Juliette et Roméo se rencontrent à un rodéo), Cash Carter Hill, et I Love You, Always, chanson d'amour à son épouse Savannah, qui clôture l'album. This Far South, après une ou deux écoutes pour oublier que Tommy n'est pas la réincarnation de John Prine, apparaît comme un disque brillant, avec des mélodies qui s'incrustent vite en nous. Les textes font réfléchir et la voix de Tommy, un peu plaintive, révèle beaucoup de qualités. Une équipe d'amis entoure avec bienveillance le jeune Prine. Gena Johnson et Ruston Kelly sont à la production. Le second nommé a coécrit Crashing Again et Some Things et joue par ailleurs de la guitare acoustique et du banjo. Outre Sadler Vaden, déjà cité, et ses guitares, on trouve également Fred Eltringham (batterie), Jarrad K (claviers), Tim Kelly (pedal steel) et Zach Casebolt (cordes). Avec l'oncle Billy (petit frère, grand par la taille, de John) et Tommy, le nom de Prine n'a pas fini de résonner du côté de Nashville. 

 

The PAWN SHOP SAINTS

"Weeds" 

Derrière The Pawn Shop Saints se cache le prolifique songwriter Jeb Barry qui nous envoie régulièrement une carte postale de Nouvelle Angleterre. Après Texas, etc… (double CD, 2018), Ordinary Folks (2020), Ride My Galaxy (2022), voici Weeds que Jeb définit comme l'album folk du groupe. C'est un disque de treize chansons, marquées (comme pour les deux albums précédents) par la pandémie, qui parlent de faits et de personnes avec beaucoup d'émotion sans pour autant sombrer dans la tristesse gratuite. Plusieurs chansons ont été écrits en hommage à John Prine comme Twine, rédigée le lendemain de la mort de John. Quelques titres évoquent clairement cette période de confinement si durement ressentie: Generation Lockdown, The Covid Unit, Miss June. D'autres chansons évoquent simplement les amours perdues (Preacher, All Girls Break Heart), alors que James est une critique de l'attitude égocentrée, le moi d'abord, si fréquent dans la société actuelle. The War et Memorial Day sont à l'évidence des titres liés (écrits d'ailleurs à vingt-quatre heures d'intervalle) qui décrivent le traumatisme des guerres pour ceux qui ont survécu tout en s'interrogeant sur ce qu'aurait été l'avenir de ceux qui n'ont pas eu la chance d'en avoir. Pour un peu plus de légèreté, Jeb a ressorti un vieux titre (Baby Got Drunk) et un autre (Chelsea Off My Mind, le premier du disque) influencé par Big Star et le power pop. Cet album, à la tonalité majoritairement acoustique, est une belle réussite, où spontanéité et émotion dominent. Jeb (voix, guitares, basse, banjo, harmonica, orgue) est accompagné par Josh Pisano (batterie, percussions, voix), Michael O'Neill (guitares, voix), Amy Attias (fiddle) et Tony Pisano (accordéon). 

 

Brennen LEIGH

"Ain't Through Honky Tonkin' Yet" 

S'il fallait citer tous les disques auxquels Brennen Leigh a participé, cette rubrique ne suffirait pas. Que soit en solo, en duo, au sein d'un groupe ou en simple invitée elle a exploré tous les recoins de la musique américaine aux racines traditionnelles: old-time, folk, bluegrass, country, aucun domaine ne lui est étranger. Elle a chanté la Carter Family avec Antique Persuasion, Lefty Frizzell en solo, a joué un rôle important auprès de la Carper Family et de Melissa Carper, de Charley Crockett, a fait un disque de duos country avec Jesse Dayton, a enregistré des disques en duo avec Noel McKay, a prêté sa voix à Rodney Crowell, James Hand, Robbie Fulks, Jim Lauderdale, John Lilly. Son dernier opus, Obsessed With The West, dédié au western swing faisait appel à Asleep At The Wheel. Ain't Through Honky Tonkin' Yet, le titre de son nouvel album, dit tout sur son contenu. Tout? Pas tout à fait parce qu'il n'est en rien révélateur de la qualité du contenu. C'est un disque hors du temps, qui nous ramène aux racines du genre et qui aurait aussi bien pu être enregistré il y a cinquante ou soixante ans. Merle, George, Lefty, Buck, George et quelques autres doivent se retourner de plaisir dans leurs tombes en entendant Mississippi Rendezvous, The Bar Should Say Things, I Ain't Through Honky Tonkin' Yet, When Lonely Came To Town, Every Time I Do, ou encore Somebody's Drinking About You. Rien que l'énoncé des titres fait rêver les amateurs du style honky-tonk, les ballades évoquant les cœurs bisés alternent avec des morceaux plus enlevés, et il y a même un truck song, Carole With An E. Cet album est parfait de bout en bout et se place tout en haut de l'œuvre de Brennen qui a su, comme d'habitude, parfaitement s'entourer. Chris Scruggs est à la production et aux guitares et de grands noms viennent prêter leurs talents, parmi les lesquels Marty Stuart (mandoline), Aaron Till (fiddle et guitare), Tommy Hannum (excellent à la pedal steel et au dobro), Micah Hulscher (piano). Côté voix, il faut noter la présence de Rodney Crowell. Ain't Through Honky Tonkin' Yet nous offre douze pépites à garder précieusement du côté du cœur, y compris Throwing Away Precious Jewels, ce qu'il faut évidemment se garder de faire. À noter également que pour l'écriture, Brennen a travaillé avec Silas Lowe, Tessy Lou Williams, John Scott Sherill, Mary Bragg, Mallory Eagle, Seth Hulbert (le partenaire de ses débuts), Noel McKay, Erin Enderlin et Thom Schuyler. Excusez du peu. 

 

C. Daniel BOLING

"New Old Friends" 

J'ai découvert Daniel Boling il y a dix ans avec Sleeping Dogs, chroniqué dans le n° 137/138 du Cri du Coyote. Depuis, je n'ai manqué aucune de ses aventures musicales entamées en 1999 avec Perfectly Stable. Pour sa dernière publication, Live At The Kitchen Sink, j'avais écrit (Le Cri du Coyote n° 158) à propos de la chanson Leadbelly, Woody & Pete: "Daniel aurait pu ajouter Tom Paxton à la liste car c'est sans doute de lui qu'il se rapproche le plus". Prémonition? Daniel et Tom se sont en effet rencontrés à un séminaire de songwriters dans le Colorado en 2022 et le courant est tellement bien passé entre eux qu'ils ont décidé d'écrire des chansons ensemble (à distance, par Zoom). Le résultat est le bien nommé New Old Friends (Daniel écoutait déjà Tom avec sa mère et ses sœurs quand il était encore un petit garçon), fort de quinze titres coécrits par les deux hommes (dont un, We Can Still Waltz, avec Noel Paul Stookey). La collaboration ne s'arrête pas là car Tom Vient chanter sur cinq titres: Get A Life!, Old Friends, This Town Has No Café, Red White And Blue et Turn The Corner. Get A Life!, premier titre de l'album, cite John Prine (à deux reprises, Spanish Pipedream et In Spite Of Ourselves) et A.P. Carter (Keep On The Sunny Side) et nous invite à ne pas oublier de vivre. Old Friends évoque un ami ancien prénommé Red. How Did You You Know? évoque en filigrane la rencontre de Tom et Midge Paxton (comment savais-tu que c'était moi?) mais peut aussi décrire ce qui est arrivé à chacun d'entre nous. À propos d'amour durable, Daniel adresse à son épouse Ellen une lettre pleine de tendresse, Of You And Me. Ailleurs, il est question du vieillissement avec We Can Still Waltz (mais plus question de danser le Jitterburg). Il y a aussi les chansons qui invitent à réfléchir comme The Quiet Ones (ce ne sont pas ceux qui parlent le plus fort qui ont le plus à dire) et Leaving Afghanistan (personne n'avait envie d'y aller, pas plus que de rendre le pays aux talibans). Ce titre prend une couleur particulière avec l'accordéon et le tin whistle de Char Rothschild. Ailleurs, c'est le banjo de Jeff Scroggins (Get A Life!, My Hick Pickup, This Town Has No Café) ou le piano de Jason Crosby (How Did You Know?, Red White And Blue) qui donnent le ton. The Missing Years (rien à voir avec l'album de John Prine, c'est une une évocation de la pandémie que toute le monde n'a pas traversée de la même manière) a une facture folk plus classique comme The Quiet Ones (avec la participation de Jono Manson qui coproduit l'album avec Daniel) et plus encore Turn The Corner, enrichi par l'harmonica de Michael Handler: "Lotta folks have been ramblin' / Gotta wonder where they've gone / And I feel like I wanna ramble on". Cette nouvelle parution du label Berkalin Records est encore une belle surprise, une invitation à découvrir ou redécouvrir un folk mélodique produit sous le sceau de la simplicité, de celle que l'on n'atteint qu'à force de travail et de talent. 

 

Jono MANSON

"Stars Enough To Guide Me" 

On connaît davantage Jono Manson comme producteur et musicien, à l'image d'Eric "Roscoe" Ambel d'ailleurs présent ici sur deux titres. Mais, comme lui, il est aussi un songwriter et un chanteur et il le démontre de belle façon au long des onze titres de Stars Enough To Guide Me. Pour l'écriture, Jono s'est associé à Caline Welles (No New Kind Of Blue, Alone), Kevin Trainor (The Last Man Shot In The War, Before We Get Stupid, Late Bloomer) et George Bacon (Make It Through To Spring) et s'est débrouillé seul pour les cinq autres titres. Excellent aux guitares, Jono se tire bien d'affaire vocalement, parfois en duo avec John Popper (pour l'excellent et entraînant No New Kind Of Blue), Trevor Bahnson (Timberline), David Berkeley (Alone) et Crystal Bowersox (Before We Get Stupid). Eliza Gilkyson vient chanter quelques harmonies sur The Last Man Shot In The War et Late Bloomer. Parmi les musiciens présents, Jon Graboff (pedal steel, guitares, mandoline) et Jason Crosby (claviers) sont les plus notables, ainsi que Paul Pearcy et Mark Clark (batterie), Sally Van Meter (dobro), alors que Ronnie Johnson assure les parties de basse. Avec Stars Enough To Guide Me, Jono Manson, établi à Santa Fe, a voulu faire un disque qui soit un peu un résumé d'une carrière qui dure depuis quatre décennies. Les étoiles se sont parfaitement alignées et permettent à Jono de parcourir avec succès de vastes territoires qui on ont pour nom blues, folk, country, soul et rock, sans un instant de faiblesse, avec beaucoup de musicalité et une passion intacte. 

 

Christian PARKER

"Sweethearts: A Tribute To The Byrds Sweetheart Of The Rodeo" 

Si mon regretté ami Joe Phillips ne m'avait pas fait connaître Christian Parker dont il avait publié un album live sur son label WildCat Recordings, je n'aurais jamais entendu parler de cet Américain qui a déjà pourtant une belle carrière derrière lui, avec notamment six albums en studio à son actif. Pour Sweethearts, Christian a laissé de côté son activité de songwriter pour rendre hommage aux Byrds et à leur légendaire album Sweetheart Of The Rodeo. Au départ, son idée était d'enregistrer un disque hommage couvrant l'ensemble du répertoire du groupe. Une rencontre avec Earl Poole Ball, l'enregistrement de Life In Prison avec lui, et l'idée est venue aux deux hommes d'enregistrer l'ensemble de Sweetheart Of The Rodeo (auquel Earl Poole avait contribué). Par l'intermédiaire du pedal steel gutariste Gary Jacob, très impliqué sur le projet, JayDee Maness (autre ancien partenaire de Gram Parsons) est venu participer pour quelques titres. Un troisième as de l'instrument, Tracer James, jouant sur cinq titres, il est inutile de préciser que la pedal steel se tire la part du lion sur ce remake. Le violon de Jennifer Kessler, le fiddle de Liesl Doty, la mandoline de Danny Gotham répondent aussi parfaitement au piano d'Earl Poole Ball et à la guitare et la voix de Christian Parker. L'album aurait déjà été excellent s'il s'était contenté de reprendre les titres originaux, de You Ain't Goin' Nowhere à Nothing Was Delivered, mais les co-producteurs, Parker & Ball, ont eu la bonne idée d'ajouter trois titres qui collent parfaitement à l'ensemble: I Still Miss Someone, placé entre Pretty Boy Floyd et Hickory Wind, ainsi que Satisfied Mind et Drugstore Truck Driving Man, en fin de disque. La surprise est belle et inattendue et ce n'est pas tout car le disque hommage à l'ensemble de l'œuvre des Byrds est quasiment prêt et devrait paraître au printemps prochain.

samedi 5 août 2023

Du Côté de chez Sam, par Sam Pierre

 

Grant PEEPLES

"A Murder Of Songs" 

A Murder Of Songs est déjà (depuis 2012) le sixième album de Grant Peeples que je chronique pour Le Cri du Coyote. Le précédent, Bad Wife (N° 164, mars 2020) était exclusivement composé de titres écrits par des consœurs de l'artiste. Avec son nouvel opus, Grant revient à ses propres chansons, même si l'album commence par la reprise de Brothers In Arms de Mark Knopfler et Dire Straits. Mais le songwriter de Floride n'est jamais à court d'idées et a choisi de présenter l'album comme un livre-disque. Le CD est inséré dans un livret de 44 pages, comporte les textes des chansons et un mot d'introduction pour chacune avec, ensuite, une histoire courte (The Trip Home) et sept poèmes. Bref, il y a autant à lire qu'à écouter. A Murder Of Songs a été enregistré dans plus de dix studios différents avec la participation de plus de trente musiciens et ingénieurs. Les enregistrements de base ont été pour la plupart réalisés pendant la période du confinement. Malgré les conditions qui auraient pu faire sonner le disque comme un ensemble hétéroclite, l'idée directrice qui relie les neuf titres, la qualité de la production et celle l'écriture de Grant ont permis d'aboutir à un ensemble d'une grande cohérence. Après la superbe adaptation de Brothers In Arms, Grant Peeples nous revient tel qu'en lui-même, tantôt davantage poète que chanteur engagé, tantôt le contraire, mais toujours un peu des deux à la fois. Avec This Is The Good News, co-composé avec le producteur Danny Goddard, Grant se contente du rôle de chanteur, puisque Danny assure toutes les parties instrumentales et les arrangements. Revolutionary Reel! a été écrit en pleine période Black Lives Matter mais recèle une bonne dose d'humour avec des sonorités (banjo et fiddle) plutôt guillerettes. Le côté politique est très présent sur des chansons dont les titres parlent d'eux-mêmes: Insurrection Song (January 6) qui a un parfum d'Irlande, Liberal With A Gun, Let's Start Killing Each Other. Les complotistes trumpistes, la NRA et le KKK sont clairement visés mais souvent avec cette forme d'humour propre à Grant, utilisé pour mieux démontrer l'absurdité de certaines positions. Liberal With A Gun avait déjà été enregistré sur le premier album de Grant (qu'il renie), Down Here In The County. Grant adopte un ton plus tendre pour Dear Sadie (dédié à sa petite-nièce) ou The Restless Ones, hommage à son premier cercle d'amis, dont le premier couplet est lu par la poétesse écossaise Lorna Simes. C'est un des titres les plus forts de l'album qui me fait penser à The Bravest de Tom Paxton. Elisabeth a été écrit et déjà enregistré (sur Okra And Ecclesiastes en 2011) par Grant pour son amie Elizabeth Williamson, par ailleurs co-productrice de A Murder Of Songs. Cette version provient en fait d'une maquette enregistrée en 2010 et laissé dans un tiroir depuis. Quand sonnent les dernières notes de Let's Start Killing Each Other (la pedal steel de Doug Stock et le piano de Tracy Collins essentiellement), on peut mesurer la richesse de l'album qui se révèle davantage à chaque écoute. Il me reste encore à découvrir la partie non-musicale de ce livre-disque qui confirmera à n'en point douter que Grant Peeples est un artiste rare, appartenant à une espèce en voie de disparition.

 

Ed SNODDERLY & The SHOESTRING SEVEN

"Chimney Smoke" 

Ed Snodderly est un vieux routier puisque Chimney Smoke est son dixième album depuis le premier, Sidewalk Shoes, publié en 1977. Je le découvre seulement aujourd'hui mais j'aurais pourtant dû avoir la puce à l'oreille en écoutant l'album de Matthews Southern Comfort, The New Mine, paru en 2020 qui ne comporte que deux reprises, un titre de Joni Mitchell et Working In The New Mine d'Ed Snodderly. Connaissant la capacité de Iain Matthews à dénicher les songwriters de talent, j'aurais dû creuser. Ed est ici accompagné par les Shoestrings Seven, un casting à faire rêver: Shawn Camp (mandoline et voix), Steve Conn (piano, accordéon, orgue), John Gardner (percussion), Steve Hinson (pedal steel, lap slide guitar), Chris Scruggs (basse électrique et contrebasse), Gary J. Smith (contrebasse), Kenny Vaughan (guitares en tous genres). Et si cela ne suffisait pas, quelques vocalistes de talent ont été enrôlés: Amythyst Kiah, Maura O'Connell, Gretchen Peters, Malcolm Holcombe, Eugene Wolf, R.S. Field (surnommé Kill Fee, par ailleurs producteur). Pour une touche d'émotion supplémentaire, il faut signaler que le disque a été enregistré et mixé par Bill VornDick (rurnommé Templar), décédé peu après, en 2022. Les onze titres (plus un bonus) ont été écrits par Ed et, à leur écoute, je ne peux que regretter de ne pas avoir découvert l'artiste plus tôt, d'autant que ses disques précédents sont très difficiles à dénicher. Contentons-nous donc d'écouter le nouvel opus. Après Better Just Ride The Mule, on est vite accroché par Gone With Gone And Long Time (avec Gretchen Peters), le sommet du disque, et Chimney Smoke (avec Amythyst Kiah) où les mélodies folk sont enluminées de notes de pedal steel, lap slide et mandoline. Ed a cherché à faire un album "sudiste", mettant en exergue ses ses origines appalachiennes (il vient de Knoxville, Tennessee) et il y parvient parfaitement avec ces deux titres (et avec d'autres). There You Are (avec Malcolm Holcombe et le piano de Steve Conn), plus blues, est également remarquable. Barn, avec Shawn Camp, est un rock mid-tempo (comme Walking In The Sunshine Again), qui démontre que quand la chanson est bonne, elle peut s'adapter à tous les styles. Un autre exemple est Crow's Fever avec les arrangements de cordes de Chris Carmichael et la guitare wah-wah enflammée de Kenny Vaughan. Eddie Lynn Snodderly est un songwriter de premier plan, de la trempe d'un Guy Clark, par exemple. L'album se termine avec la ballade Before School et le chaloupant So Far Away (et la voix de Maura O'Connell). Se termine? Pas tout à fait, car un titre bonus, The Diamond Stream, vient ajouter 2 minutes 45 de bonheur à cet excellent album. 

 

Drew HOLCOMB and The NEIGHBORS

"Strangers No More" 

À propos de Dragons, précédent disque de Drew Holcomb & The Neighbors, j'avais écrit que "le disque a cependant tendance à s'éloigner des racines et à prendre un virage trop pop à mon goût" (Le Cri du Coyote n° 163). Cette même tendance se retrouve dans Strangers No More, album qui balance entre des titres aux arrangements dépouillés et d'autres qui tendent vers un certaine grandiloquence. Les Strangers sont Nathan Dugger (guitares, banjo, mellotronsteel guitar, Wurlitzer, etc.), Rich Brinsfield (basses), Will Sayles (batterie et percussions) et Ian Miller (claviers), auxquels s'ajoute le producteur Cason Cooley (claviers). Les onze morceaux de l'album sont tous bien écrits, composés, seul ou non, par Drew, à l'exception de On A Roll qui est l'œuvre de Nathan Dugger. J'aime beaucoup les titres aux arrangements simples comme Troubles, délicatement country-folk, où la pedal steel de Nathan fait merveille, ou le plus rock That's on You, That's On Me. La meilleure chanson est peut-être Free (Not Afraid To Die), coécrit avec Natalie Hemby, qui clôture le disque. Deux titres ont été écrits avec Ketch Secor (Old Crow Medicine Show): Gratitude où la voix de Drew est particulièrement mise en valeur, et Dance With Everybody, aux arrangement très (trop?) riches avec cuivres et synthétiseurs qui me laisse plus réservé. Il y a un côté festif, une volonté de partager une joie collective, à l'image du titre, qui confine à l'excès. Quoiqu'il en soit, c'est un album qui mérite d'être entendu avec un mélange des genres plutôt bien maîtrisé, fort de compositions solides et de musiciens, en particulier Nathan Dugger, talentueux. 

 

Ben de la COUR

"Sweet Anhedonia" 

S'il ne jouit pas d'une renommée très grande par ici, Ben de la Cour est un songwriter intéressant qui publie son cinquième album, Sweet Anhedonia (l'anhédonie est la perte de la capacité à ressentir le plaisir, phénomène bien connu des dépressifs). Pour la biographie de Ben, je vous invite à vous reporter à la chronique de Shadow Land (Le Cri du Coyote n° 168) paru en 2021. Il produit toujours son "americanoir" avec des influences qui vont de Tom Waits comme le titre d'ouverture Appalachian Book Of The Dead, avec cuivres et cordes, à des songwriters plus proches du folk traditionnel (I've Got Everything I Ever Wanted sonne comme une chanson de Steve Earle dans ses moments apaisés, par exemple Christmas In Washington). Le deuxième morceau, Numbers Game bénéficie de la voix de Becky Warren. Elizabeth Cook est présente sur Shine On The Highway à l'ambiance cinématographique alors que la prometteuse Emily Scott Robison prête sa voix à Sweet Anhedonia, titre aux paroles sombres. Une des caractéristiques de Ben de la Cour est d'être imprévisible et d'avoir la capacité de nous emmener, d'un titre à l'autre, là où on ne l'attend pas. Il peut glisser un solo de trompette mélancolique après une introduction au piano classique sur un titre un peu grandiloquent (Palookaville) et enchaîner sur une ballade tout en douceur (Brother) que n'aurait pas reniée Donovan, sans pour autant nous perdre en route. Le disque a été enregistré dans divers studios de Nashville (Tennessee) et Athens (Georgia) et bénéficie d'un production de grande classe de Jim White. Quant à Ben, il écrit des textes souvent énigmatiques (à la Leonard Cohen) qu'il interprète d'une voix d'une grande sensibilité. Un petit point négatif: le titre Birdcage (à l'ambiance très proche de Tom Waits), disponible sur Bandcamp en version digitale, ne figure ni sur le CD ni sur le vinyle. 

 

Lucinda WILLIAMS

"Stories From A Rock N Roll Heart" 

Nous avions laissé Lucinda Willliams sur les six excellents volumes de Lu's Jukebox, albums hommages enregistrés en période de pandémie. Après un accident cardiaque qui l'a laissée diminuée (notamment pour jouer de la guitare), Lucinda remet les choses au point avec l'album Stories From A Rock N Roll Heart dont le premier titre, Let's Put The Band Back Together, ne laisse planer aucune ambiguïté: "Let's put the band back together and do it again" (Reformons le groupe et recommençons). Il est grand temps de remettre la machine en route. Steve Mackie (basse) et Stuart Mathis (guitare) sont toujours de l'aventure alors que Fred Eltringham (batterie) et Joshua Grange (pedal steel, etc.) cohabitent dans le disque avec notamment Steve Ferrone et Doug Pettibone. Dès les premières notes, et jusqu'à Never Fade Away, l'électricité règne en maîtresse, avec des points forts comme Stolen Moments, Rock N Roll Heart ou le brûlant This Is Not My Town. Parmi les moments plus calmes, Jukebox appararaît comme un sommet avec la steel guitar de Doug Pettibone et un texte qui évoque aussi bien Muddy Waters que Patsy Cline. Parmi les musiciens, Reese Wynans au claviers (notamment l'orgue B3) se distingue particulièrement. Quant aux invités qui viennent chanter quelques notes, la liste parle d'elle-même: Margo Price (Let's Put The Band Back Together, This Is Not My Town), Bruce Springsteen & Patti Scialfa (New York Comeback, Rock N Roll Heart), Angel Olsen (Jukebox) mais aussi Siobahn Maher Kennedy et Tommy Stinson. Toutes ces présences font de l'album un véritable moment d'amitié. En parlant de voix, celle de Lucinda a parfois eu tendance à m'énerver, notamment sur les ballades, mais avec son cœur de rockeuse remis en état, elle est ici parfaite. 

 

WATER TOWER

"Live From Los Angeles" 

J'avais déjà eu l'opportunité d'évoquer Water Tower avec l'album précédent du groupe, Fly Around (Le Cri du Coyote n° 169). Par rapport à ce précédent opus, seul le leader Kenny "Fretboard" Feinstein (guitare et fiddle) est encore présent. À ses côtés on trouve Tommy "Fingers" Drinkard (banjo et guitare), Jesse Blue Eads (banjo), et Joey "Juice" Berglund (basse). Tout le monde chante lead (essentiellement Kenny et Tommy). Le groupe est toujours aussi inclassable, et les quatre musiciens mêlent allègrement les genres que chacun préfère. Leur amour commun du bluegrass et du jamgrass rencontrent avec bonheur celles de Tommy (reggae et rock), de Jesse (jazz et prog-rock) et et de Kenny (punk-rock et old-time). California Love est même un rap bluegrass signé par Tupac. Des titres connus voisinent avec des compositions originales. C'est ainsi qu'on peut entendre des versions vitaminées et déjantées de Reuben's Train (précédé par Star Spangled Banner), Cotton Eyed Joe ou My Little Girl In Tennessee qui cohabitent sans problème avec River Song, AM PM ou I See The Light. Le disque, riche de quinze titres et intitulé Live From Los Angeles, a été enregistré en une seule journée aux studios Palomino, ce qui explique sa grande spontanéité. Quelque part entre Violent Femmes et Old Crow Medicine Show, Water Tower va réjouir à n'en point douter le public britannique et irlandais qui aura l'occasion de l'applaudir en ce mois d'août. Pour l'occasion, Kenny et Tommy seront accompagnés par Taylor Estes (basse et voix) et Nicholas Leahy (mandoline et voix).