Jack ELLIOTT & Derroll ADAMS
"Folkland Songs" SCR-94
"Riding in Folkland" SCR-95
Superbe réédition remasterisée des deux albums enregistrés à Milan en 1957 par Walter Guertler pour son label Joker. 28 standards de la musique acoustique américaine interprétés avec décontraction par nos deux bourlingueurs U.S, armés d’une simple guitare et d’un banjo 5 cordes! Beaucoup de fraicheur, de justesse et de sincérité dans des prises de son réalisées voilà déjà 68 ans! Au milieu des classiques Mule Skinner Blues ou San Francisco Bay Blues, en passant par Hard Travelin, on remarque déjà Portland Town la compo fétiche que Derroll ne gravera qu’en 1967 sur son premier album solo chez Ace of Clubs. Avec l’approbation de Jef van Gool, Theo Lissenberg et Danny Adams, saluons cette initiative judicieuse de Pieter Groenveld qui nous replonge dans la musique folk des Années 50 avec un enthousiasme renforcé.
Pour l’anecdote, la photo-couleur insérée à l’intérieur de la pochette a été prise sur les rails près de Milan en 1957: elle aurait pu être utilisée à l’époque pour la couverture de ces deux albums italiens. Il n’en fut rien…
Curieusement ce cliché inédit se retrouvera sur un 33t français Barclay des Coachmen daté de 1959, et sous-titré Ce bon vieux Far-West! Encore un mystère de l’industrie phonographique…
Familiers ou non de l’univers musical de Ramblin’ Jack et de Derroll Adams, vous trouverez un éternel parfum folk chez ces "deux parfaits inconnus" qui devraient vous séduire. (Alain Fournier)
Strictly Country Records SCR@PieterGroenveld.com
Johnny Lee WILLS
"The Band’s A Rockin’"
A l’heure où un trublion à la coiffure orange prétend rendre sa grandeur à l’Amérique, force est de constater qu’en matière d’édition musicale, ledit pays est à la ramasse si on le compare aux productions luxueuses de référence du label allemand Bear Family records basé à Brème. L’auteur de cette chronique, comme de nombreux ex-teenagers de sa génération, voue un culte mérité à la série de LP Rompin’ Stompin, Singin’ Swingin’ sortis au milieu des années 1980. Alors que les Stray Cats dominaient le marché revivaliste, pour la première fois, le vieux monde avait accès aux pointures du Western Swing, du Hillbilly Bop, qui avaient ouvert la voie dès les années 30. Spade Cooley, Pee Wee King, Al Terry, sortaient de l’oubli pour frapper une génération d’Européens qui de fait, fut la première à être exposée à cet héritage. En 1983, le BFX 1503 proposait 14 titres issus des sessions RCA Victor de Johnny Lee, cadet de Bob Wills, qui à l’instar de Luke et Billy Jack, profita de l’énorme demande du public pour prendre la tête d’un orchestre de western swing franchisé destiné à suppléer à l’impossibilité des Texas Playboys d’assurer tous les contrats. Si Bob était tout en exubérance, vampirisant la scène par ses cris et interjections, Johnny Lee, plus réservé, s’efface derrière la dream team qu’il a en main. Les vocalistes Leon Huff et Curley Lewis brillent sur des plages mises en boite entre 1941 et 1953. Le western swing d’après guerre est plus compact, plus agressif, les structures rythmiques plus lourdes et percutantes. La période est fascinante car elle correspond à la transition rapide qui contient déjà tous les germes du rock and roll. Les boogies et les blues sont déjà dedans. La coexistence avec quelques ballades et novelties swing accroit encore la distorsion et la richesse du répertoire. On y perçoit tout l’humour et la transgression du western swing, les solis de steel, de guitare électrique, de piano et de clarinette sont parfait, les twin fiddles ont encore le phrasé rugueux, il se dégage de tout ceci un sentiment de bonheur et de joie communicative. La version de Milk Cow Blues de 1941 à elle seule justifie l’achat immédiat. Je tiens le Tom Cat Boogie de 1950 comme un chef d’œuvre. Alors qu’un optimisme contagieux transparait dans tout l’album, le genre va entrer en crise profonde et connait alors son chant du cygne. Le 45 tours et la télévision captent un public plus jeune. Le Rockabilly et le Rock and roll naissant n’auront aucune gratitude pour leur père fondateur. La formation va vivoter avec un noyau de fans vieillissant. Johnny Lee décède en 1984. Les 14 titres du vinyle de 1983 ont ici été accrus de 17 supplémentaires avec un livret somptueux. Alors que les coffrets intégraux Bear Family à plusieurs centaines d’euros sont souvent inaccessibles bien qu’exhaustifs et remarquablement documentés, ce CD de 31 titres est un investissement digne de figurer dans toute bonne discothèque, pour une écoute assise ou dans un dance hall! La remarque vaut d’ailleurs pour les autres éditions de cette formidable série. (BCD 17146. Série Gonna shake this shack tonight) © Eric Allart
"Headin’ For The Poorhouse -
What To Do When The Money Is Through ?”
Le label encyclopédique de référence se livre avec cette compilation à un exercice thématique qui n’est pas étranger aux lecteurs du Cri du Coyote : picorer des chansons à travers les décennies sur un sujet unique. Nous explorons ici les facettes de la pauvreté, du manque d’argent. Trente titres très divers, de 1948 à 1969, où des anonymes côtoient des figures de notoriété mondiale comme Elvis Presley, Carl Perkins, Slim Harpo, Clyde Mc Phatter mais aussi un obscur groupe allemand de 1962, The Rebel Guys. Les genres qui ont fait la réputation du label allemand sont presque tous échantillonnés, à l’exception du Bluegrass. Blues, Rhythm and Blues, Hillbilly, Western swing, Teenage Rock, Rock and roll. J’apprécie beaucoup cette confrontation de chapelles qui ouvrent l’esprit et le goût en montrant à quel point des sujets communs transcendent les barrières commerciales. Un constat en ressort : si des chansons légères ironisent sur la dèche passagère (en particulier celle des ados), un fond tragique et violent irrigue le tableau d’une société où une sécurité sociale inexistante a vite fait de plonger dans la misère. Celle-ci est parfois arborée comme motif de résilience et fierté devant les épreuves (Faron Young), dans d’autres cas elle est le moteur des pires compromissions et trahisons (Eugene Lee). Si l’édition ne s’étend pas sur des commentaires, elle offre en sus des 30 titres un livret de 38 pages, où biographies et illustrations de qualité confirment qu’un achat chez Bear n’est pas une dépense mais un investissement. Si je n’ai pas de réponse simple sur “Quoi faire quand l’argent fait défaut?”, j’ai une idée claire de la situation inverse: acheter le BCD 17763 de Bear Family. © Eric Allart