vendredi 11 mars 2022

Les chros de Jean-Chri, par Jean-Christophe Pagnucco

 
"Straight to the Point" (Dixiefrog-Pias, 2022) 
 
"Droit à l’essentiel"! Pour son tout dernier opus, notre spadassin de la guitare blues, notre belle fierté nationale qu’est Fred Chapellier, nous offre, en 12 titres coulant de source, un remarquable manifeste destiné à redire qui il est, où il va et de quel bois il se chauffe, directement destiné à ceux qui seraient passés à côté de sa carrière déjà fournie et riche en concerts surchauffés, en collaborations prestigieuses et productions discographiques immanquablement soignées et convaincantes. Alors, qu’est-ce qui change? Pas grand-chose et un peu tout. Fred, qui a toujours été un superbe guitariste, affirme de plus en plus la particularité de sa voix, toujours plus caractéristique, nimbée d’un léger voile métallique dont il sait jouer dans un registre grave qu’il a appris à manier dans un registre soul blues élégant, léché et racé, dont le plus immédiat équivalent serait Robert Cray. Le ton est donné sur Blues On My Radio, signé Jimmy Britton, qu’on jurerait échappé d’un album seventies d’Albert King. Le groove irrésistible et les traits de Telecaster jubilatoire feront oublier un texte un brin convenu à base du procédé éprouvé du name dropping. Dans les chansons blues, on aime parler du blues et des bluesmens, figurez-vous 😉. I’d Rather Be Alone, cosigné avec Billy Price, boosté par une section de cuivres drivée par le légendaire Michel Gaucher, donne une irrésistible envie de danser, avant que la guitare, son clair et claquant, ne reprenne ses droits, avec un vocabulaire que n’aurait pas renié Steve Cropper, virevoltant sur la rythmique en béton armé construite par Guillaume Destarac et Christophe Garreau. Délicieuse entrée en matière pour la reprise d’un morceau monumental, Got To Use My Imagination, puisé dans le répertoire de Gladys Knight, déjà repris par Joe Cocker mais aussi et surtout par Bobby Blue Bland, très certainement une puissante inspiration pour Fred le chanteur, qui en livre ici une version intense et puissante, qu’on verrait bien tourner sur les radios arrosant les rades du Chitlin Circuit. Le shuffle reprend ses droits avec l’engagé Mother Earth cosigné avec Neal Black, très en phase avec les préoccupations environnementales du moment, entre prise de conscience collective salutaire… et green-washing entrepreneurial dont il conviendra à terme de ne pas être dupe. Aucune raison ici de douter de la sincérité de notre artiste qui, sur un groove impeccable, déroule un shuffle mineur redoutable, soutenu par les guitares rythmiques de Jérémie Tepper et Patrick Baldran, appelé à devenir un morceau rendez-vous en concert. Avec Remnants qui suit, l’esprit d’Albert King est à nouveau convoqué, dans la composition, la voix et la guitare, avant un Juliette faisant une part belle à l’orgue Hammond, pour un instrumental jazzy où Fred rappelle, dans ce morceau de sa composition, qu’il a été et demeure l’un des meilleurs ambassadeurs de l’héritage guitaristique de Roy Buchanan. Le morceau est un tremplin idéal pour l’ambiance rock et résolument moderne de Same For You And Me, tempéré par la couleur Chicago Blues de Tend To It, cosigné avec le vétéran Leadfoot Rivet. Un fois son souffle repris, le band, débordant de groove, nous propose le funky Racing With The Cops, instrumental où la guitare et l’orgue rivalisent de virtuosité et où la section rythmique prouve, s’il en était besoin, son art consommé de la transe bluesy, juste un brin diabolique. L’atmosphère léchée, presque jazzy, de Way Past Midnight, n’aurait pas déplu à Robben Ford et, une fois encore, Fred s’y montre un chanteur sensible, convaincu et convaincant. Ce défilé de morceaux étourdissants touche à sa fin et pour conclure, Where Eagles Dies salue le fantôme de Peter Green, période End Of The Game, juste la finale ballade jazzy Basket Full Of Blues, signée encore une fois Jimmy Britton, mais que n’aurait pas reniée le Chris Rea surinspiré du coffret Blue Guitars. Allons "Straight To The Point": Fred Chapellier signe ici son meilleur album à ce jour, loin des évidences et poncifs du blues à l’européenne, et certainement celui qui lui ressemble le plus.
 
 

Popa CHUBBY 

"Emotional Gangster" (Dixiefrog Pias, 2022 

Avec une implacable régularité, notre irascible blues rocker new-yorkais, si populaire dans une Europe qui lui tend les bras et les scènes depuis plus de 25 ans, procède à sa livraison de production discographique, à raison d’au moins un album par an. Disons le tout de go: le personnage divise et les échos de ses derniers exploits scéniques oscillent entre les points de vue contradictoires de ses inconditionnels toujours prompts à louer ses exploits vocaux et guitaristiques et de ses occasionnels, qui ces derniers temps se sont accordés pour fuir un spectacle assourdissant d’un rocker physiquement mal en point, terreur des sonorisateurs et des organisateurs, dont les ficelles finissent par paraître bien grosses et éculées. Pour opposés qu’ils soient, ces points de vue masquent une réalité qui, elle, est indéniable. Depuis quelques années, sa production discographique est impeccable, et ses trois derniers opus notamment, chroniqués dans notre auguste revue, sont réellement remarquables par la qualité de la production, de l’exécution (Popa est un redoutable multiinstrumentiste), la diversité des inspirations, comme en attestent les thèmes originaux et actuels des compositions, toujours troussées avec classe par un artiste qui a, assurément, beaucoup de choses à dire. Emotional Gangster poursuit cette excellente veine, en renouant cependant avec le goût de l’imposant guitariste pour les covers sélectionnées avec soin, qui se mêlent ici, dans une grande cohérence, avec les derniers originaux en provenance de Chubbyland. Pour éculés qu’ils soient, les standards du blues Dust My Broom et Hoochie Coochie Man sont ici remarquablement joués et chantés. Ils sont toutefois bien moins intéressants que les véritables hymnes engagés ici délivrés par l’artiste Why You Wanna Make War ou Equal Opportunity, sans oublier le redoutable shuffle New Way Of Walking, le funkysant Doing OK, lardé de stratocaster hendrixienne période Band of Gypsies ou encore la très recommandable ballade Fly Away. Moins strictement rock’n’roll que ses deux précédents opus, plus blues et plus funk, ce nouvel album de Popa Chubby est très recommandable… de quoi faire oublier quelques frasques.

vendredi 4 mars 2022

Bluegrass & C° par Dominique Fosse

FLAMENGRASS

"Alegria" 

Courant musical marginal, le bluegrass s’est longtemps défié des autres genres. Peur d’être écrasé par le succès du rock’n’roll des années 50, puis de la pop, ou d’être englouti par la country commerciale issue du même creuset que lui. Un quart de siècle après sa naissance, dans les années 70, deux sous-genres sont néanmoins apparus : le newgrass né du mélange du rock et du bluegrass, et la musique new acoustic issue de son croisement avec le jazz. Les autres tentatives de cross-over sont rares. Je n’aime pas beaucoup le mélange de bluegrass et de rap de Gangstagrass et l’hybridation avec la musique klezmer de Margot Leverett & The Klezmer Mountain Boys a été une expérience sans lendemain. Récemment, Nefesh Mountain a su introduire sa culture hébraïque dans des titres à dominante bluegrass. 

Concilier cultures flamenco et bluegrass me semble une option inédite. Qui mieux que des Espagnols pour tenter l’aventure, et quand on évoque le bluegrass d’outre-Pyrénées, on pense immédiatement à Lluis Gómez, un des plus brillants banjoïstes européens. Lluis fait bien partie du groupe FlamenGrass (un nom qui a le mérite de nous éclairer immédiatement sur la musique qu’il joue) avec Maribel Rivero qui l’accompagne depuis longtemps à la contrebasse, le guitariste Javier Vaquero et la violoniste Carol Duran. Leur album, Alegria, est une complète réussite. Je ne connais pas grand-chose au flamenco mais il me semble que FlamenGrass a parfaitement réussi à fusionner flamenco et bluegrass. Le rôle de Javier Vaquero est essentiel pour assurer une crédibilité rythmique à Flamengrass. Il joue aussi une jolie intro pour La Flor, une des deux compositions instrumentales de Gómez, prend plusieurs solos et a toute la place pour s’exprimer dans Nel Pozu, une chanson traditionnelle et mélancolique traitant de la lutte contre le fascisme. Mais ce sont surtout le banjo et le violon qui sont mis en avant dans les parties instrumentales, avec de nombreuses parties en duo, très bien jouées (Grant Por Buterias) et dynamiques. Le banjo est parfaitement fluide dans ce contexte inédit (le long solo de Grant Por Buterias) et les parties de violon sont également brillantes. 

Le flamenco étant à l’origine une musique chantée, FlamenGrass a inclus sept chansons parmi les dix titres de l’album, toutes interprétées par Carol Duran. Je ne sais pas ce que les amateurs de chant flamenco penseront de sa voix mais, personnellement, son chant m’a beaucoup plu. Elle a des influences flamenco mais également pop. Son chant est très extraverti. Les harmonies vocales de Carol et Maribel sont souvent sensuelles (Alegria, une des quatre chansons écrites par Carol). Elles chantent Rumba Grass en duo. Les arrangements sont riches. Des influences nord africaines pointent dans Quan S’Atura El Temps. Station In Your Heart a une intro légèrement funky. Ces deux chansons sont magnifiquement chantées par Carol et figurent parmi les plus enthousiasmantes de ce disque très original et pleinement abouti.

 

Michael JOHNATHON 

"Cosmic Banjo" 

Vous connaissez peut-être Michael Johnathon parce qu’il est le créateur, animateur et présentateur d’une émission de radio souvent télévisée, The WoodSongs Old-Time Radio Hour au cours de laquelle il reçoit de nombreux artistes folk, americana et bluegrass. Il chante ou joue souvent un ou deux titres au cours de ses émissions. Cosmic Banjo est son dix-huitième album. Sa particularité est d’avoir été enregistré avec un banjo long neck comme celui de Pete Seeger. Le répertoire mixe compositions de Johnathon et reprises. J’aime bien le son du banjo long neck mais pas l’environnement musical dans lequel Johnathon l’inscrit. Il chante de façon articulée, un peu théâtrale. Même si c’est sans excès, l’effet est renforcé par les arrangements de cordes (quatuors ou orchestre complet de 21 musiciens sur Darlin’ Corey) et des chœurs façon chorale classique. Je trouve le résultat un poil pompeux. Summertime de Gershwin et Blue Skies de Irving Berlin sont les chansons qui passent le mieux mais je leur préfère les instrumentaux Cosmic Banjo, pas mal arrangé (mais on est loin du "Pete Seeger Meets Pink Floyd" du livret), et Baghdad Breakdown au charme oriental bien rendu par Sam Bush, John Cowan et Ronnie McCoury. On trouve aussi Rob Ickes et John McEuen (à la mandoline) sur certains titres, mais d’autres musiciens ne sont pas crédités dans le livret, ce qui est tout de même assez consternant de la part d’un personnage aussi proche des artistes.

 
"Fresh Pickles" 
 
Fresh Pickles est un splendide album. J’ai envie d’écrire extraordinaire album tant rien n’est ordinaire dans ce disque. Chris Castino déboule avec cet album tout bluegrass alors qu’il est depuis 30 ans un des chanteurs guitaristes du groupe rock The Big Wu, surtout connu comme un bon groupe de scène. Castino a choisi de réenregistrer onze titres qu’il avait composés pour The Big Wu avec des arrangements bluegrass. Sur sept chansons, il a ponctuellement invité des artistes connus (Sam Bush, Tim O’Brien, Jerry Douglas, Andy Hall et Peter Rowan) mais pour la quasi-totalité des arrangements, il a fait confiance à de quasi inconnus, du genre à vivre davantage de leurs cours de musique à des étudiants du Wisconsin (qui se demandent comment il se fait que leur prof ne soit pas plus connu avec le niveau qu’il a) que des concerts du groupe. Ils s’appellent Ernest Brusubardis (fiddle), Jon Peik (banjo), Ryan Ogburn (mandoline) et Jordan Kroeger (contrebasse). Ils sont tous excellents, comme Chris Castino (guitare) d’ailleurs. Les vedettes bluegrass ne sont que les cerises sur le gâteau. Kangaroo et Shanty Town et surtout Rhode Island Red avec ses airs de Muleskinner Blues sont des bluegrass typiques très dynamiques. Les arrangements sont riches. Red Sky a un pont instrumental grismanien avec un solo de Sam Bush au fiddle qui nous rappelle la première période de New Grass Revival. Le superbe Minnesota Moon est un dosage idéal de bluegrass et de swing. Excellent solo de Andy Hall (dobro) pour Texas Fireball aux accents rockabilly. Jerry Douglas joue sur Jackson County, une valse on ne peut plus classique jusqu’au pont instrumental qui lui donne toute son originalité. Le countrygrass Young Pioneer est intégralement chanté en duo, bien soutenu par le banjo et le fiddle. The Ballad Of Dan Toe est une chanson épique dans le genre de celles de Peter Rowan et ce dernier l’adoube d’ailleurs en interprétant un couplet, ce qui ne gâche rien, on s’en doute. Fresh Pickles s’achève par Irregular Rhythm qui porte bien son nom (pour un album bluegrass) car c’est un reggae léger avec un bel arrangement, ponctué d’un motif de dobro, très bien chanté, comme tous les titres de cet album. Selon les morceaux, on pense aux albums bluegrass de Sturgill Simpson, à Greensky Bluegrass, à Darrell Scott. Laissez-vous attirer par les quelques noms connus qui apparaissent sur Fresh Pickles et vous serez conquis par tout le reste. 
 
 
"Hands Full" 
 
Jody Mosser a intitulé son album Hands Full. Il a en effet de quoi avoir les mains bien pleines puisqu’il joue de cinq instruments différents sur la plupart des titres (mandoline, guitare, banjo, dobro, basse) et même en plus de la lap steel sur le swing Baby Jane. Du coup, il n’a pas besoin de grand monde pour l’accompagner. Ray Bruckman et Libby Eddy se répartissent les titres au fiddle. Ajoutez quelques harmonies vocales féminines, un batteur sur This Time et un banjoïste old time sur l’instrumental Old Grines, c’est tout. Oubliez l’expression de ma grand’ mère "Touche à tout, bon à rien", Jody Mosser est un très bon musicien, quel que soit l’instrument qu’il a en mains. La mandoline semble être son instrument de prédilection mais j’ai tout aussi été impressionné par ses solos de dobro modernes et son jeu de guitare. Le banjo est moins en évidence sauf dans la chanson First Last Day Of Summer. Les dix morceaux sont des compositions, trois instrumentaux et sept chansons. Les instrumentaux sont variés. Pickin’ For Breakfast est le plus moderne. Syracuse Express est classique avec beaucoup de variations (à la mandoline notamment). Le banjo mais aussi le duo de fiddles donnent une couleur old time à Old Grines. Jody Mosser a une voix douce, agréable mais une prononciation pas très bluegrass (il est du Maryland) qui le dessert sur Hands Full, notamment. Il manque aussi de groove sur Baby Jane. L’harmonie vocale de Libby Eddy est un précieux soutien sur First Last Day Of Summer. Le westerngrass Dark Rider lui convient beaucoup mieux vocalement. Sea Meets The Sound et Allegheny Sound sont de bons bluegrass rapides classiques. This Time est un blues bien rythmé. Ma grand’ mère n’avait pas toujours raison.
 

François LOUWAGIE & The BLUEGRASS MEN 

"Juste Rouler" 

Après s’être produit pendant plus de 30 ans sous le nom de groupe Bluegrass Burger, François Louwagie a choisi de sortir son nouvel album Juste Rouler sous le nom de François Louwagie & The Bluegrass Men. Peut-être pour marquer un nouveau départ. Juste Rouler compte en effet une majorité de chansons françaises, six parmi les huit que compte l’album, auxquelles il faut ajouter quatre instrumentaux. François Louwagie (mandoline) est accompagné de Claude Rossat (banjo), Dorian Ricaux (guitare) et Camille Virmoux (contrebasse). Ils reçoivent le renfort de l’accordéoniste Jean-Robert Chappelet sur trois morceaux. Ce dernier joue en duo avec François l’instrumental Mandoaccord Noctambule. Il délivre deux très jolis solos dans On The Road Sweetheart, une composition en anglais de François et sa contribution est déterminante dans l’adaptation de La Mer de Charles Trenet. Les Bluegrass Men réalisent un arrangement réussi d’un autre succès de la chanson française, L’Anamour de Gainsbourg avec une belle performance de Claude Rossat sur un rythme chaloupé particulièrement inadapté au banjo. Les autres chansons en français ont été écrites par François Louwagie. Juste Rouler est une ballade au refrain original, menée par la mandoline, qui va bien à la voix haut perchée de l’auteur. L’Amour Rebelle est moderne avec son refrain heurté, en riffs. Langage Magique aurait mérité une mélodie qui colle davantage à la bonne rythmique. Mon titre préféré est Te Voir tant pour les paroles que pour la musique, avec notamment un joli solo de guitare. La dernière chanson est Will You Be Loving Another Man de Bill Monroe. L’accent anglais de François Louwagie est perfectible mais le titre vaut surtout par les solos des musiciens. On retrouve leurs qualités sur les instrumentaux, avec encore une prestation remarquable de Dorian Ricaux sur Blue Devil’s Mandoline. Quant au banjo et à la mandoline, ils nous emmènent en Irlande dans Chicago’s Jig

 

 
"Celebrate Tony Rice" 
 
Barry Waldrep est un musicien de studio qui a notamment beaucoup œuvré pour la série des Tribute To… du label CMH consacré à des versions instrumentales bluegrass du répertoire d’artistes célèbres. Comme beaucoup de guitaristes bluegrass, c’est un admirateur de Tony Rice et il a voulu lui rendre hommage avec cet album de 21 titres. On aurait pu rêver à la réunion de ce que tout le bluegrass connaît de guitaristes talentueux (Billy Strings, Molly Tuttle, Bryan Sutton, Kenny Smith, Jake Workman, Cody Kilby, Chris Eldridge, Jordan Tice, la liste est longue) mais Waldrep a curieusement choisi de rendre hommage à Tony Rice par le biais du répertoire en réunissant quelques musiciens et surtout une pléiade de chanteurs. Curieusement car le répertoire du Tony Rice chanteur était constitué de standards et de reprises (il n’a jamais écrit de chanson). Les titres interprétés ici sont donc loin d’être tous caractéristiques de Rice. A côté de compositions de Gordon Lightfoot qu’on lui associe facilement, il y a des standards du bluegrass que tout le monde ou presque a chanté: Nine Pound Hammer, Early Morning Rain, Wayfaring Stranger, I’ll Stay Around, This Old House et quelques autres. Il y a même un titre que Rice n’a jamais chanté, You Were There For Me de Peter Rowan avec qui il avait fondé un quartet dans ce qui fut, hélas, la dernière période de sa carrière musicale. En revanche, Tony Rice a écrit plusieurs instrumentaux, surtout à l’époque du Tony Rice Unit, et on n’en retrouve malheureusement aucun parmi les 21 plages du disque: les seuls instrumentaux sont EMD de Grisman et une version instrumentale de Summer Wages, un titre de Ian Tyson que chantait Rice
 
Il paraît que beaucoup d’interprètes se sont proposés pour chanter sur ce disque. Il y a quelques ratés: John Jorgenson (qui n’est pas un chanteur), Jim Lauderdale (qui devrait se limiter au songwriting), le Doobie Brother Patrick Simmons et, malheureusement, Rodney Crowell qui interprète pourtant une de ses compositions, Song For Life, mais dont la voix a vieilli et qui ne peut pas lutter contre les versions qu’on connaît par Rice ou Alison Krauss. Le reste est plutôt bien, même très bien quand c’est Radney Foster qui chante Song For A Winter’s Night, ou John Cowan qui s’approprie Me & My Guitar dans son style mélangeant soul et bluegrass. Le chanteur de blues Jimmy Hall délivre une version virile et country de Why You Been Gone So Long. J’aime aussi les interprétations de Marty Raybon (Blue Railroad Train), Vince Gill (I’ll Stay Around, titre le plus bluegrass de l’album), Darrell Scott (Ten Degrees And Getting Colder) et la chanteuse country Kim Richey (Early Morning Rain). Mention spéciale à Rick Farris qui s’en sort très bien sur Walk On Boy que j’ai toujours beaucoup de difficultés à entendre par un autre chanteur que Tony Rice. Côté arrangements, je regrette que Waldrep ait mis de la batterie partout. On ne peut pas dire que ça soit dans l’esprit Tony Rice. C’est particulièrement gênant dans EMD par ailleurs bien joué par Tammy Rogers (fiddle), John Jorgenson (guitare, dans un style très jazz), Barry Waldrep (mandoline) et John Cowan (basse). Sur les autres titres, Waldrep double souvent guitare et mandoline. Il a un style très coulé à la guitare qui est particulièrement agréable et il est capable de solos plus roots sur les titres les plus bluegrass. C’est aussi un bon mandoliniste. Au fiddle, on retrouve soit Tammy Rogers, soit Andrea Zonn. Il n’y a du banjo que sur cinq titres, et ça, c’est assez conforme à l’œuvre de Tony Rice.