Last Chance To Win est le deuxième album de East Nash Grass, une formation créée en 2017 et qui sera présente sur la scène de Bluegrass In La Roche début août.
Individuellement, les musiciens du groupe ont de sérieuses références. Gaven Largent est le dobroïste qui a remplacé Rob Ickes dans Blue Highway. Le mandoliniste Harry Clark est présent sur de nombreux disques et il a été membre de Volume Five et The Wooks. Avec la violoniste Maddie Denton, Clark et Largent ont récemment également fait partie du groupe de Dan Tyminski. Le banjoïste Cory Walker a joué avec, entre autres, The Dillards et Tim O’Brien. Jeff Picker accompagne Ricky Skaggs depuis plusieurs années et il a sorti un album sous son nom en 2020 (Le Cri du Coyote 169), ce qui est plutôt rare pour un contrebassiste. Le guitariste James Kee est le moins connu des membres de East Nash Grass (il a été mandoliniste du groupe Newtown il y a une douzaine d’années). Le talent de ces musiciens s’exprime pleinement dans Jenna McGaugh, composition instrumentale de Maddie Denton, et How Could I Love Her So Much, reprise d’un des derniers succès du chanteur country Johnny Rodriguez dans les années 80. La rythmique est originale, très légèrement chaloupée et l’arrangement plutôt moderne va bien à la voix douce de James Kee. Il est moins à son avantage sur trois autres titres, des bluegrass trop classiques pour sa voix. Harry Clark interprète deux titres trop standard pour être intéressants mais donne une bonne version swing de Papa’s On The Housetop, un classique de près de cent ans d’âge dans lequel il délivre un solo typique du style de Bill Monroe. Malgré un arrangement dynamique, je n’ai pas aimé l’interprétation de When You Come Home par Maddie Denton. Dans ce groupe où aucun chanteur ne s’impose vraiment, c’est Gaven Largent qui s’en sort le mieux sur un blues (East Due West Blues) et une reprise punchy de Railroadin’ And Gamblin’de Uncle Dave Macon. Dommage que Last Chance To Win ne contienne qu’un instrumental car le talent des musiciens est vraiment le principal atout du groupe et East Nash Grass aurait également intérêt à privilégier un répertoire plus moderne pour mieux mettre en valeur la voix de James Kee.
Sur la pochette du CD de Missy Raines figurent, en grand, son nom et le titre de l’album, et en petit, en bas de la pochette, le nom de son groupe (Allegheny) et de ses quatre musiciens. C’est bien le moins qu’elle pouvait faire. Il aurait été logique qu’elle sorte l’album sous le nom de Missy Raines & Allegheny tant l’apport de Ellie Hakanson (fiddle), Tristan Scroggins (mandoline), Eli Gilbert (banjo) et Ben Garnett (guitare) est énorme. Ils accompagnent avec talent Missy et sa contrebasse sur tous les titres. Et si Missy Raines chante tour à tour avec Kathy Mattea, Dudley Connell, Laurie Lewis et Danny Paisley, c’est son duo avec Ellie Hakanson dans Listen To The Lonesome Wind qui retient avant tout l’attention. Pas d’invité sur cette chanson de Gary Ferguson, pas plus que sur Fast Moving Train, un titre qui porte bien son nom, un bluegrass sur les chapeaux de roues qui pourrait bien concourir au titre de chanson de l’année, ou sur Looking To You, une chanson écrite par Missy, superbement jouée par les cinq musiciens dans un arrangement moderne. Le quatrième titre vraiment remarquable de Highlander, Are You Ready To Say Goodbye, est une autre composition de Missy qui bénéficie d’un duo de banjos (Eli Gilbert et Alison Brown qui produit d’ailleurs l’album) mais aussi d’excellents solos de Scroggins et Hakanson (ils semblent inséparables depuis qu’on les a découverts ensemble avec Jeff Scroggins & Colorado). Il y a encore un bon duo vocal avec Ellie dans Cryin’ And Singin’, une composition légèrement blues signée par Shad Cobb (comme Fast Moving Train). Les quatre chansons en duo avec des chanteurs invités n’ont rien de remarquable. Missy Raines n’est pas une chanteuse extraordinaire. Elle se contentait de jouer de la contrebasse avec Cloud Valley puis avec Eddie Adcock et Claire Lynch. Elle laissait le chant à d’autres dans son premier album solo (My Place In The Sun en 1998). Elle ne s’y est vraiment mise que quand elle a tourné en duo avec Jim Hurst. Elle a un timbre agréable et immédiatement reconnaissable mais aucune magie ne ressort de ses duos avec Dudley Connell (la valse rapide Ghost of Love), Laurie Lewis (la ballade I Would Be A Blackbird), Kathy Mattea (Who Needs A Mine signé Missy) et encore moins Dan Paisley, un chanteur dont je n’ai jamais compris le succès (These Old Blues de Loretta Lynn). Petite déception du côté du seul instrumental de l’album, Panhandle County de Bill Monroe. Missy Raines convie des invités prestigieux (Rob Ickes, Brownyn Keith-Hynes), c’est bien joué mais ça reste très classique et sans surprise. Avec le talent que déploient ses musiciens sur la plupart des chansons, on attendait plus d’originalité.
Formé en 2013, Sister Sadie a pu être considéré comme un super-groupe au féminin avec deux chanteuses de premier plan, Dale Ann Bradley (élue 5 fois chanteuse de l’année par IBMA) et Tina Adair qui est également une très bonne mandoliniste. La banjoïste Gena Britt a été membre de New Vintage, Lou Reid & Carolina et Grasstowne. Elle est la troisième chanteuse de Sister Sadie. De son côté, la violoniste Deanie Richardson s’est fait une solide réputation comme accompagnatrice de vedettes country (Vince Gill, Patty Loveless et Travis Tritt). La contrebassiste Beth Lawrence complétait la formation.
Les départs successifs de Dale Ann Bradley et Tina Adair ont fait craindre la fin de Sister Sadie mais l’arrivée de Jaelee Roberts, auteure d’un excellent premier album (cf. juillet 2022) a suscité l’espoir d’une suite réussie. Le groupe a en fait été profondément remanié puisque ne demeurent que Gena Britt et Deanie Richardson de la formation originale. Dani Flowers est la deuxième chanteuse du groupe. Hasee Ciaccio puis Maddie Dalton ont succédé à Beth Lawrence. Elles sont toutes deux présentes dans No Fear. Après un intermède de Mary Meyer, il n’y a plus de mandoliniste dans le groupe, Roberts et Flowers jouant toutes deux de la guitare. Pas étonnant donc que la musique de Sister Sadie ait elle aussi beaucoup évolué. Les deux nouvelles chanteuses n’ont ni la douceur de Dale Ann Bradley, ni l’agressivité et le blues de Tina Adair. Le groupe a choisi des arrangements plus modernes qui leur conviennent très bien, presque tous soulignés par une batterie ou des percussions. Il y a même un arrangement country avec piano et pedal steel (Lie To Me). Si j’ai préféré No Fear aux deux précédents albums de Sister Sadie (Le Cri du Coyote 150 et 159), c’est surtout parce que le répertoire est bien meilleur. Deux titres ressortent. Le premier est Blue As My Broken Heart, une composition de Dani Flowers qu’elle chante très bien, à l’arrangement fourni, moderne qui doit beaucoup au motif de violon de Deanie Richardson. Le second est Diane, titre rapide mené par le banjo, chanté par Jaelee Roberts avec une très efficace rythmique de mandoline (Tristan Scroggins). Il y a un bon refrain avec des chœurs façon gospel sur Well chanté par Gena Britt (une compo de Becky Buller et Craig Market). Elle interprète également Baby You’re Gone, un titre rapide où tous les musiciens sont brillants, et Ode To The Ozarks, un blues qui va bien à sa voix. Elle a écrit l’unique instrumental de l’album, Pad Thai Karaoke (un titre qui sort de l’ordinaire pour un instrumental bluegrass mais on a épuisé la liste des possibilités avec Mountain, Breakdown, Valley, Blue et Foggy). Deux autres bonnes chansons sont interprétées par Jaelee Roberts, Willow (moderne, avec un bon trio vocal au refrain) et If We Ain’t Drinking Then We’re Fighting, un drôle de titre pour un groupe féminin et pourtant composé par deux femmes (Tina Adair et Sharon Richardson). Si on connaissait les qualités vocales de Jaelee Roberts depuis la sortie de son album, on découvre la jolie voix de Dani Flowers, aussi à l’aise sur la ballade lente Free que dans un titre plus rapide aux accents country comme Cannonball, et la douceur du timbre de Maddie Dalton dans Mississipi River Long. Ça fait trente ans qu’on sait que les femmes sont l’avenir du bluegrass. Sister Sadie en est la preuve par cinq.
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