vendredi 31 mars 2023

L'art (selon) Romain, par Romain Decoret

 

Tommy EMMANUEL

"Accomplice Two" 

Le superguitariste de Nashville avait commencé ses aventures en duo avec des CGP (Certified Guitar Players, selon Chet Atkins) sur l’imposant Accomplice One, suivi d’un Accomplice Series vol. 2 et 3 avec Richard Smith, puis Mike Dawes. Il continue ici avec la même diversité en invitant des artistes country de grande amplitude. Seul le titre change. Jerry Douglas, spécialiste du Dobro, illumine Mama Knows. David Grisman traite le standard jazz Seven Come Eleven dans le style bluegrass. Le Nitty Gritty Dirt Band rajeunit Tennessee Stud de Buck Owens et le Del McCoury Band aborde Sweet Temptation. Jorma Kaukonen joue country-blues pour Another Man Done a Full Go Around. Superbe jeu en slide des survivants de Little Feat sur Cajun Girl. Le travail de recherche personnel de Tommy Emmanuel brise dans ses compositions personnelles Precious Time avec la vocaliste Sierra Hull et Richard Smith sur Son Of a Gun. Le fingerpicking en duo avec Billy Strings sur Doc’s Guitar / Black Mountain Rag est rien moins qu’extraordinaire. La grande découverte est Molly Tuttle, une très jeune guitariste-chanteuse en duo avec Tommy Emmanuel dans White Freight Liner Blues de Townes Van Zandt. Disque incontournable… (Romain Decoret

 

TAJ MAHAL

"Savoy" (Stony Plain)

Taj Mahal utilise son statut de légende pour explorer les diverses avenues du blues et du jazz. Son dernier disque en compagnie de Ry Cooder, recréait le premier album de Sonny Terry & Brownie McGee. Ce nouveau projet est totalement différent, consacré à l’American Songbook et à la mythique salle du Savoy, où les big bands de jazz accueillaient volontiers les bluesmen. L’idée a été planifiée par Taj Mahal depuis deux décennies, attendant le bon moment. Finalement c’est devenu une réalité en compagnie du producteur John Simon (The Band, Leonard Cohen, Blood Sweat & Tears, Gordon Lightfoot). Enregistré avec les meilleurs musiciens de San Francisco, le disque est un tribute au Savoy Ballroom de Harlem où jouaient Duke Ellington, Louis Jordan, Louis Armstrong. Musicalement, c’est une exploration des grandes chan-sons de l’époque. Stompin’ At The Savoy de Lionel Hampton, Summertime de George Gershwin, Moon Indigo de Duke Ellington, Is You Is Or Is You Ain’t My Baby de Cab Calloway, Lady Be Good de Lester Young, Caldonia de Louis Jordan, Sweet Georgia Brown de Louis Armstrong et le monumental One For My Baby (And One More For The Road) de Johnny Mercer & Harold Arlen pour Frank Sinatra. Taj Mahal mène son groupe de studio avec sa National Steel. Probablement un autre Award de l’Americana Music Association pour Taj Mahal. (Romain Decoret

 

Bella WHITE

"Among Other Things" (Rounder Records)

Cette jeune chanteuse-guitariste de 22 ans représente le futur du bluegrass avec son second disque. Un parcours compliqué, elle est née Isabelle Farley White à Calgary, Alberta, au Canada, en 2000. Son père est de Virginie et musicien de bluegrass. Dès son plus jeune âge, Bella est exposée à la musique des Appalaches, bluegrass, old time country et folk. Elle fait ses débuts sur scène à 13 ans et après le collège s’installe à Boston où elle partage pendant un an une maison avec des musiciens de la Berklee School Of Music, ce qui la dote d’un solide jeu de guitare acoustique. En 2020 elle part pour Nashville et enregistre un premier disque Just Like Leaving. Le showbiz de Nashville fond devant cette jeune musicienne talentueuse. Le nouveau disque a été enregistré au studio Five Stars de Topanga Canyon, le centre des songwriters country californiens. Le guitariste est Buck Meek, et Pat MGonigle est au violon. Bella White a écrit toutes les chansons. Numbers est pur country, avec une pedal-steel et Flowers On My Bedside est fait pour les cow-boys qui pleurent dans leur bière. Marylin traite de l’amitié , alors que Rhododendron est la force éternelle de la nature, qu’il faut savoir préserver. Le futur du bluegrass? Il était temps… (Romain Decoret

 

GA-20

"Live In Loveland" (Colemine/Karma Chief Records)

Leur nom, il est bon de rappeler, est la référence d’un ampli combo Gibson 20w des fifties favorisé par tous les grands de Earl Hooker à Hound Dog Taylor, Bo Diddley et Chuck Berry. En deux disques, Lonely Soul (2019) et GA-20 Does Hound Dog Taylor (2021) le jeune trio a explosé sur la scène internationale. Mais il n’était pas question pour eux de faire deux fois la même chose, ni de se laisser enfermer dans un hypothétique cliché Chicago blues . Avec Crackdown (2022), Matt Stubbs, Pat Faherty et Tim Carman s’orientèrent d’un côté plus garage que blues, un amalgame de barroom country et rock, comme on l’entend dans le Tennessee ou en Louisiane. De là s’imposait ce nouveau disque live: cinq titres de Crackdown, trois de Lonely Soul et des reprises obscures de Harold Burrage (I Cry For You) ou de Little Walter (My Baby’s Sweeter). Enregistrés en direct-sur-bande dans la Plaid Room de Loveland, Ohio, les GA-20 exsudent ce type spécial d’énergie, ces phéromones qui n’apparaissent que devant une authentique audience et que les producteurs ont tant de mal à capter en studio. Le back-beat peut être country ou funky avec des riffs venus de Memphis, ou encore New Orleans, comme dans Just Because de Lloyd Price. Les GA-20 passent en radio aussi bien à la BBC que sur SiriusXM de Nashville. La haute énergie dans l’inspiration traditionnelle, il était temps! (Romain Decoret

 

Chris DUARTE

"Ain’t Giving Up" (Mascot/Provogue)

Le guitariste d’Austin, Texas, fait partie de l’ultime phase du règne de Stevie Ray Vaughan. Parmi ceux qui la vécurent, certains comme Bert Willis ou Pat Boyack, ont disparu ou sont retournés dans l’anonymat, d’un point de vue mondial car le circuit texan reste gigantesque et viable, alors que d’autres sont toujours actifs, tels Van Wilks et Chris Duarte. Pour ce dernier, ce nouveau disque n’est que son 15ème en studio sur plus de 30 ans de carrière. Il aborde ici une large vista musicale de blues outlaw, d’americana (quelle désignation détestable!) et aussi de country alternatif. Le producteur est Dennis Herring (Buddy Guy, The Hives, Elvis Costello). Cela ne signifie pas du tout un retour aux affaires roots, car Chris Duarte reste actuel par ses orientations et ses compositions. Big Fight est un instantané metal-rock d’un gig texan qui tourne mal, tout le monde étant armé au Texas. Gimme Your Love est une ballade alt.country qui évite la sentimentalité banale. Les séances ont été enregistrées live en studio avec du maté-riel analogique et un minimum d’overdubs, laissant la place aux riffs étourdissants de Chris Duarte et à sa maîtrise élusive du Texas Shuffle, un beat difficile à reproduire. Il y a aussi sa dédication à CETTE période du Texas blues signée SRV. Chris l’aborde avec délicatesse et respect dans l’instrumental Can Opener avant de lâcher les chevaux sur les sept minutes de Week Days. The Right Stuff! (Romain Decoret

 

Ally VENABLE

"Real Gone" (Ruf Records)

Ally Venable est de Kilgore, Texas. Elle a commencé la guitare à 12 ans (elle en a maintenant 30) en jouant de la country-music. Elle change après avoir entendu les Texas bluesmen d’Austin et enregistre son premier disque, un EP, quand elle a 14 ans. Elle ne perd pas de temps et écrit ses propres morceaux seule ou avec des guitaristes comme Lance Lopez, Gary Hoey ou Devon Allman (le fils de Greg Allman). En 2015 et 2016, Ally est nommée meilleure guitariste de l’année au Texas Blues Awards, ce qui est un signe d’excellence au Texas, vu le nombre de prétendantes! Elle est considérée comme l’héritière de Sue Foley, Susan Tedeschi et Joanna Connors. Elle y est parvenue en jouant et tournant inlassablement mais aussi en connectant le hard-rock au blues et à la country. Pour son cinquième album, produit par Tom Hambridge, Ally Venable joue metal sur Kick Your Ass ou Hold My Ground avec un son à la fois cru et recherché. Two Wrongs est un exemple de cette alchimie sonique. Même ses blues, Gone So Long, Any Fool Should Know, Justifying, sonnent plus metal que traditionnels. La seule exception étant Texas Louisiana en duo avec Buddy Guy, alors que Broken & Blue avec Joe Bonamassa se situe à la croisée des chemins. Espérons la voir sur une scène française malgré la récession économique annoncée… (Romain Decoret)

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