samedi 24 septembre 2022

Du côté de chez Sam, du côté de ces Dames, par Sam Pierre

 

 

Monica TAYLOR

"Trains, Rivers & Trails" 

Surnommée The Cimarron Songbird et membre des Cherokee Maidens, avec lesquelles elle a publié trois albums lors de la dernière décennie, Monica Taylor est originaire du cœur du pays de la red dirt music, à Stillwater, Oklahoma, et a prêté sa voix à des noms historiques du genre parmi lesquels Bob Childers, Tom Skinner, Greg Jacobs et les Red Dirt Rangers, mais aussi Ellis Paul, Jared Tyler et "notre" Martha Fields. Après trois disques en duo avec Patrick Williams aka The Farm Couple, elle a publié sous son nom Cimarron Valley Girl (2005) et Cotton Shirt (2009). Un fan du Canada lui ayant suggéré d'enregistrer un album entier de chansons de trains, ce qu'elle se sentait capable de faire, Monica décida néanmoins que son disque raconterait des histoires de trains, mais aussi de rivières et de chemins car chacun, à sa manière, mène vers un ailleurs nouveau. Trains, Rivers & Trails est donc né, constitué de compositions originales mais aussi de reprises au premier rang desquelles figurent Gentle On My Mind (John Hartford) et The Ballad Of Easy Rider (Byrds), deux superbes réussites. Il y a aussi Minor Key (aka Way Over Yonder In The Minor Key), texte de Woody Guthrie mis en musique par Billy Bragg. Il faut citer deux titres coécrits avec des amis disparus, Bob Childers (When You Let Your Love Light Shine) et Patrick Williams (Just Came In To Say Goodbye). Notons aussi, parmi les titres originaux, Salty Tears, inspiré par son arrière-grand-mère qui vivait près de la rivière Tennessee où débuta pour elle la piste des larmes (The trail of tears). Quant aux musiciens qui accompagnent la superbe voix de Monica, ils constituent le gratin de l'Oklahoma. Travis Fite (guitares et mandoline) et Jared Tyler (dobro, Weissenborn et aures guitares) sont également co-producteurs avec Monica, Casey van Beck tient la basse et Jack Lynn la batterie. Luke Bulla (fiddle), John Fullbright (accordéon, pianos Wurlizer et Steinway), Roger Ray (pedal steel) et quelques autres apportent leur concours occasionnel à ce bien bel album. 

 

Kerri POWERS

"Words On The Wind" 

La carrière de Kerri est un peu chaotique. Après des débuts prometteurs qui l'ont vue se produire sur les scènes de Nouvelle Angleterre, un mariage avec un partenaire peu enclin à la supporter, elle dû remiser ses ambitions jusqu'en 2014 et un EP sans titre, autoproduit. Avec Starseeds en 2019, elle a enfin eu un début de reconnaissance internationale, malgré l'épidémie de COVID qui a empêché une promotion correcte de l'album. Pour Words On The Wind, Kerri a choisi d'interpréter, seule, onze titres qui l'ont bercée. Une guitare, quelques percussions, et une voix très soul, telle est la panoplie de l'artiste. Quant aux chansons, elles proviennent aussi bien de chanteuses dont elle se rapproche vocalement comme Janis Joplin (Mercedes Benz) ou Karen Dalton (Something On Your Mind) que de groupes britanniques tels que Blind Faith (Can't Find My Way Home de Steve Winwood qui ouvre l'album après avoir clôturé Starseeds) et les Bee Gees (To Love Somebody, que les frères Gibb avaient écrit en pensant à Otis Redding). Il y a a aussi quelques-uns des plus grands songwriters: John Prine (Speed Of The Sound Of Loneliness), Townes Van Zandt (I'll Be Here In The Morning), Bob Dylan (Cold Irons Bound), Neil Young (For The Turnstiles) et Janis Ian (l'émouvant Jesse). Les deux autres titres sont First Time Ever I Saw Your Face (Ewan MacColl) et Always On My Mind (popularisé par Elvis Presley et interprété aussi par Brenda Lee, Johnny Cash ou Willie Nelson). Tout cela donne un disque bien agréable et superbement chanté.

 

Bobby DOVE

"Hopeless Romantic" 

Voici encore une artiste (comme Kerri Powers) distribuée en Europe par nos amis néerlandais de Continental Record Services. Après un EP, Dovetales, paru en 2013, et un LP, Thunderchild, publié en 2016, Hopeless Romantic est le troisième album de Bobby Dove. Il atterrit sur nos rivages dix-huit mois après sa parution outre Atlantique. Si les opus précédents se nourrissaient d'influences variées, celui-ci est résolument tourné vers la country music et le honky-tonk. Originaire de Montreal, Bobby confirme avec cet cet album qu'elle est une compositrice et une interprète avec qui il faut compter. Il est difficile de détacher un titre du lot, même si le morceau titulaire qui ouvre l'album emporte immédiatement l'adhésion, un pur standard country. Gas Station Blues est la chanson la plus rythmée du disque, avec un piano (Steve O'Connor) que l'on imagine dans l'ambiance d'un bar enfumé aux heures sombres de la nuit. Il y a aussi la pedal steel habitée (jouée par Burke Carroll) de Haunted Hotel, la touche hispanique avec El Hormiguero, Chance In Hell avec la participation vocale de Jim Cuddy (Blue Rodeo), Golden Years, ballade nostalgique où Bobby démontre ses qualités à la guitare acoustique en fingerpicking. Tout cela étant dit et écrit, un constat s'impose avec Bobby Dove: "tout est bon chez elle, y'a rien n'est à jeter, sur l'île déserte il faut tout emporter" (merci Georges Brassens). 

 

Lucy KAPLANSKY

"Last Days Of Summer" 

Docteur en psychologie, Lucy Kaplansky a désormais 9 albums solo à son actif, sans compter les projets alternatifs Cry Cry Cry (avec Dar Williams et Richard Shindell), Red Horse (avec Eliza Gilkyson et John Gorka) et The Pine Hill Project (avec Richard Shindell). Après avoir commencé à chanter dans les folk-clubs de Chicago avant ses vingt ans, elle a pris la direction de New York où elle a rencontré de nombreux artistes tels Steve Forbert et Suzanne Vega, mais aussi Shawn Colvin avec qui elle a formé un duo avant de se consacrer à ses études. Le retour à la musique aboutit à la publication de The Tide en 1994, disque qui donnait une idée de la qualité de l'écriture de Lucy dont la voix un peu grave était le parfait véhicule pour des textes ancrés dans la vraie vie, la réalité quotidienne dans laquelle chacun pouvait se reconnaître. Vingt-huit ans plus tard, The Last Days Of Summer s'inscrit parfaitement dans la continuité de la qualité d'une artiste qui n'a cessé de se bonifier. À côté de six compositions de Lucy et son partenaire de toujours Richard Litvin, il y a quatre reprises: Ford Econoline de la regrettée Nanci Griffith, These Days de Jackson Browne, These Boots Are Made For Walking de Lee Hazlewood et Gold Watch And Chain d'A.P. Carter. Lucy (guitare acoustique et piano) est accompagnée par les seuls Duke Levine (guitares variées, mandoline et mandole), Mike Rivard (basse) et Ben Whittman (batterie, percussions et harmonium) avec en prime les harmonies des amis Richard Shindell et John Gorka. Le tout nous donne une ambiance folk-rock du meilleur tonneau, à l'mage de Mary's Window ou Song Of The Exiled, avec aussi l'émouvant Requiem, à l'ambiance liturgique, rythmé par le piano de Lucy. Le seul reproche que l'on peut faire à ce disque est qu'il n'est disponible que sur le site web de Lucy (les frais de port coûtent plus cher que l'album). Mais cette dernière est une personne accessible et sympathique et il est possible de trouver un arrangement pour l'achat de plusieurs CD. 

 

Kelsey WALDON

"No Regular Dog" 

Je vous avais présenté White Noise / White Lines, précédent album de Kelsey Waldon dans le numéro 163 du Cri du Coyote. J'étais un peu resté sur ma faim tout en ayant la certitude d'assister à l'éclosion d'un vrai talent, ce que confirme No Regular Dog. Kelsey ne veut en effet pas être une artiste ordinaire, une nouvelle chanteuse country revivaliste de l'ouest Kentucky, mais tracer son propre sillon malgré les doutes qui peuvent l'assaillir, les hauts et les bas, comme elle l'exprime si bien dans Tall And Mighty. Vaut-il mieux vivre un rêve de honky-tonk ou mener une vie ordinaire? Kelsey a choisi la première solution, même si elle confesse qu'elle ne peut pas être grande et forte tout le temps. Les dix titres qui composent l'album sont tous écrits par Kelsey et oscillent entre ballades folk ou country et chansons plus rythmées qui nous démontrent que le country-rock a encore droit de cité au vingt-et-unième siècle. Produit par Shooter Jennings, No Regular Dog met en lumière le talent de musiciens tels que Brett Resnick (pedal steel), Aubrey Richmond (fiddle) ou encore Doug Pettibone (guitares, dobro, mandoline) et la qualité de compositions comme Sweet Little Girl, la balade You Can't Ever Tell, le plus rythmé History Repeats Itself et le plus franchement country Peace Alone (Reap What You Saw), avec Herb Pedersen au banjo. Mais j'ai une tendresse particulière pour le touchant Season's Ending, qui évoque John Prine comme un écho à son Summer's End,

 

Caroline SPENCE

"True North" 

Voici le quatrième LP de Caroline Spence, le deuxième pour Rounder Records , et comme les précédents il nous délivre un message de poésie et de beauté. Les douze titres ont été écrits ou coécrits par Caroline et l'ensemble est produit par Jordan Lehning. Il est intéressant de noter, à la lecture du livret, que Caroline remercie ses consœurs Michaela Anne, Erin Rae et Kelsey Waldon pour l'avoir aidée à revenir vers le vrai nord, comme des boussoles qui lui auraient permis de ne pas se perdre en route. Qu'on ne s'attende pas à entendre des rythmes qui font battre du pied et invitent à la danse, on peut juste constater que le morceau le plus électrique du disque, Icarus, succède au plus éthéré, I Know You Know. Dans l'ensemble, tout est en retenue et la jolie voix de Caroline est souvent comme en suspension au-dessus des notes d'un quatuor à cordes, d'un piano, d'une pedal steel guitar, ou d'une simple guitare acoustique, comme dans The Next Good Time, pour mieux nous faire apprécier des textes superbement ciselés, et procurer à l'auditeur une pure émotion.

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