"She's An Angel"
Après quelques beaux albums publiés entre 2000 et 2005, Grey DeLisle était devenue rare jusqu'à Borrowed, disque de reprises paru à l'automne 2022. Un an plus tard, elle revient avec un nouvel opus composé de chansons originales (le premier depuis 2005) au titre qui lui ressemble, She's An Angel. À l'exception de I Really Got The Feeling écrit à l'origine pour Dolly Parton par Billy Vera, Grey signe neuf titres seule et en co-signe quatre autres. Marvin Etzioni et Murry Hammond étant absents, ce sont les guitaristes Deke Dickerson et Eddie Clendening qui produisent le disque. Le second nommé a par ailleurs coécrit le premier titre, I’ll Go Back To Denver (And You Can Go To Hell), et le dernier, Quit Pickin’ On Me. Parmi les autres collaborations, il faut noter Robert Williams, plus connu sous le nom de Big Sandy, qui a coécrit I Like The Way You Think I Think. Pour ce qui est des musiciens présents, on note particulièrement DJ Bonebrake (batterie et vibes), Bernie Dresel (basse), T. Jarod Bonta (piano) ou encore Tammy Rogers (fiddle) et Dave Biller (steel). L'un des moments forts du disque est l'humoristique The Dog, que Grey chante en duo avec le légendaire Ray Benson, mais je pourrais aussi citer (en me limitant) Cowboy Joe, She's An Angel, Everybody's Baby ou I Missed You, tellement cet album est riche de bout en bout, avec une Grey DeLisle dont le plaisir de chanter s'entend au détour de chaque note. Et je salive d'avance en pensant que la Dame a en projet trois autres albums avec différents producteurs qui ont pour noms Andy Paley, Jolie Holland ou Marvin Etzioni.
"Christmas"
Ces Burrito Brothers (Chris James, Tony Paoletta, Peter Young et Steve Allen) sont plutôt prolifiques. Quelques mois après l'excellent Together, ils nous proposent leur disque de saison, tout simplement intitulé Christmas. Aucun classique du genre n'est ici interprété mais il faut noter quand même quelques reprises. Tout d'abord la chanson d'ouverture Christmas Day (avec une introduction parlée de Gram Parsons) avait été popularisée par Glen Campbell dans son album de Noël de 1969. Santa Looked A Lot Like Daddy est une chanson de Buck Owens. Plus curieusement, il y a un double hommage aux cousins britanniques avec Christmas, extrait de Tommy des Who, dont l'interprétation ne trahit pas l'original, et avec Christmastime qui est un medley d'extraits de chansons de Noël des Beatles. Les titres originaux ont été écrits ou coécrits par Chris James, parfois il y a longtemps (trente-cinq ans pour Bethlehem Bell, une quinzaine d'années pour Santa et Merry Christmas), parfois spécialement pour ce projet (Christmas Moon, Spirit Of The Season, Happy New Year). Tout cela donne un disque conçu pour la saison des fêtes qui se laisse écouter avec beaucoup de plaisir.
"Beautiful December"
J'ai déjà parlé (en bien) de Helene Cronin, notamment à l'occasion de ses deux précédents LP studio Old Ghosts & Lost Causes et Landmarks. Beautiful December est un EP de chansons de Noël, toutes originales. Les trois premières chansons sont des coécritures: I Could Use A Silent Night et Beautiful December avec Nicole Lewis, One Night On Earth avec Janelle Arthur et Adam Wheeler. Les trois autres (The Bells Of St. Thomas, Come, Lord Jesus et Christmas Boy sont l'œuvre de Helene Cronin seule. Ce qui réunit tous ces titres est une grande beauté, un peu solennelle, qui démontre que, pour Helene, Noël n'est pas que la fête des marchands. Je rappelle à cet égard que la dame avait, dans une première carrière enregistré deux albums d'inspiration religieuse. Pour cette aventure, Helene est accompagnée par Bobby Terry (guitare), Byron House (basse), Chris Powell (batterie), Melodie Chase (violoncelle), Charlie Lowell (claviers et cloches) ainsi que quelques vocalistes. Le tout est produit par Mitch Dane qui ajoute guitares, cloches, claviers et percussions. Ce disque, inspiré et inspirant, fait partie de ceux que l'on a du mal à retirer du lecteur de CD, et pas seulement parce qu'il ne dure que vingt-deux minutes.
"Band O'Gypsys"
Ceci n'est pas un disque de Noël, mais Band O'Gypsys de Kevin Dooley pourrait faire un parfait cadeau à déposer sous le sapin. C'est ainsi que je l'ai ressenti, avec un peu plus d'un mois d'avance lorsque je l'ai trouvé dans ma boîte aux lettres. Le disque venait d'Écosse (merci à Rob Ellen) et l'illustration de la pochette me faisait penser à un de ces groupes d'antan qui faisaient la joie des pubs enfumés d'Irlande. En fait, il s'agit d'une photo ancienne, prise dans l'Indiana, et le joueur de fiddle sur la droite n'est autre que le grand-père de Kevin. Ce dernier vient de Dayton, Ohio, et il a grandi dans le sud du Michigan où il a eu le plaisir de voir ce granddad fabriquer des instruments et jouer du fiddle, du piano ou de la scie musicale. La famille est importante pour celui qui est un vétéran de la scène, désormais retiré des tournées et qui a derrière lui une carrière de plus de quatre décennies, riche de douze albums en incluant ce nouvel opus qui comprend dix titres écrits par Kevin. Band O'Gypsys est entièrement acoustique (à l'exception d'une basse électrique sur deux titres) et il a été enregistré à l'ancienne, en analogique, à Longmont, Colorado. Les chansons sont des histoires personnelles sur la famille, l'amour des grands-parents et la recherche de ce qui est vraiment important. Grandad's Smile est une superbe et douce ballade où le violon d'Oliver Jacobson et la mandoline de Steve Mullins, rejoints par l'accordéon de John Magnie, constituent une trame parfaite pour que Kevin déroule sa mélodie. À l'écoute, on croirait voir le sourire du grand-père. D'autres titres ont des accents bluesy comme Brother Wind, hommage aux troubadours qui ont inspiré Kevin (en particulier Chuck Pyle), Everyday Dreams (déjà enregistré sur l'album éponyme en 1997) ou encore le mélancolique Yesterday's Road qui est issu de réflexions inspirées la pandémie: pourquoi les bonnes choses passent-elles si vite alors que les moments difficiles nous collent comme de la glu? Il y a aussi des titres plus enlevés, comme For You, Spinning Of The World et le blues-rock Joey's Shadow. Ce dernier morceau évoque l'histoire réelle d'une inondation à Jamestown au cours de laquelle un ami cher a perdu la vie. En plus de Grandad's Smile, il y a des chansons qui incitent à l'optimisme comme Northern Boy (l'amour de la nature et de la musique), Voices Carry qui swingue doucement et loue le pouvoir des voix, le fait de chanter ensemble qui réunit les gens au-delà des harmonies. L'album se finit sur Some Brighter Day, chanson d'espoir, évidemment. La découverte de Kevin Dooley a été, pour moi, tardive et n'en est que plus belle. Kevin Dooley ne se contente pas d'être talentueux, c'est aussi un un homme humble et sympathique, un amoureux de la musique.
"The Breath Between"
The Breath Between, c'est la respiration entre le premier et le dernier souffle, comme un symbole de la brièveté de la vie, dont on se rend compte à partir d'un certain âge, dès qu'on se retourne sur son passé, et une invitation à en profiter pleinement, à savourer chaque instant, chaque respiration. David Francey, Canadien né en Écosse a désormais à son actif une douzaine d'albums en studio (plus un enregistrement public) et s'affirme depuis près de vingt-cinq ans comme un authentique poète, un songwriter qui peut sans hésitation être classé parmi les meilleurs au pays de Leonard Cohen. Pour ce nouvel album, David Francey retrouve ses partenaires depuis une dizaine d'années: Mark Westberg (guitare et voix) et Darren McMullen (guitare, mandole, madoline, bouzouki et voix). Terra Spencer est une addition importante au casting puisqu'elle joue de la guitare et (surtout) du piano, chante en duo sur Narrow Boats (chanson inspirée par le calme des rives de la Tamise) et a écrit les mélodies de deux chansons: Absolution (titre chanté a cappella) et Just Before Christmas. Parmi les autres musiciens, je citerai Dave Clarke (guitare) et Natalie Williams Calhoun (violoncelle). Pour One Day, la voix et le bouzouki de David sont soutenus par la guitare et les harmonies de Colin Francey. La seule reprise est une composition de Mike Reid et Allen Shamblin, I Can't Make You Love Me, connue par l'interprétation de Bonnie Raitt et qui trouve ici une nouvelle vie, d'une pure beauté, avec juste la voix de David et le piano de Terra. Quand l'orchestration est plus fournie, comme pour I Called It Love, l'accordéon, le bodhran et le fiddle s'intègrent parfaitement dans un ensemble la plupart du temps assez dépouillé. Chansons d'amours, chansons d'espoir et de gratitude, The Breath Between dégage un parfum de paix et de quiétude, même si Just Before Christmas fait référence au naufrage d'un bateau de pêcheurs juste avant Noël, et si Time For The Wicked To Rest évoque ceux qui propagent la haine et la peur (notamment en politique). En ce qui me concerne, une chanson a une résonance particulière. This Morning a en effet été écrite juste après la mort de John Prine: "Le 8 avril est le jour du décès de John Prine. J'ai beaucoup pensé à lui et j'ai écrit cette chanson en hommage à son bon cœur. Il m'a mis sur le chemin", écrit David, et il chante "Ce matin, ce matin / le soleil s'est levé / et le monde a continué de tourner / encore et encore / chantant tes chansons, du début à la fin / pendant que les cœurs se brisent sans bruit / c'est ainsi que va le monde". Ce monde est plus triste sans John Prine mais où nous avons la chance d'y vivre en même temps que beaucoup de beaux artistes, et David Francey n'est pas le moindre d'entre eux.
"The Whisper"
Carl Solomon est un chanteur folk, un musicien, un véritable artisan de la chanson qui vit à Portland, Oregon. À ma connaissance, The Whisper est au moins son quatrième album, avec dix chansons originales qui parlent d'amour, de mort, de vie et d'un monde qu'il chérit. Pour l'occasion, Carl s'est associé avec le producteur, ingénieur du son et musicien Merel Bregante que l'on avait découvert il y a bien longtemps avec Loggins & Messina puis The Dirt Band et, plus récemment aux côtés d'artistes comme Randy (Lewis) Brown ou Brian Kalinec dont il a produit l'excellent The Beauty Of It All, chroniqué dans ces colonnes (Du Côté de chez Sam, Juin 2023). Ces deux noms situent le domaine dans lequel évolue Carl Solomon, celui d'un folk tranquille, mélodieux et doucement teinté d'électricité, avec des textes qui incitent à la réflexion. Randy Brown a d'ailleurs coécrit Crime Of Silence. Si, sur The Whisper (la chanson), le fiddle de Cody Braun soutient joliment la voix douce de Carl, d'autres musiciens se mettent en valeur comme Peter Wasner aux claviers (son piano dialogue avec la guitare acoustique dès l'introduction du premier titre, Look West). L'accordéon de Lori Beth Brooke brille sur Lincoln Continental (Suicide Doors), la pedal steel de Dave Pearlman sur Singin' With The Ghost ou Window Shopping For Jesus (un titre dont le refrain évoque Jésus et Gram Parsons), et ce ne sont que quelques exemples, chaque musicien étant mis en valeur par la production aux petits oignons de Merel Bregante (lui-même à la batterie et aux percussions). Parmi les autres titres remarquables, il y a Morocco où Carl est allé trouver la chaleur au cours d'un voyage (Madrid a perdu son charme, nous étions seulement des vagabonds) ou encore Soldier's Psalm. You, Me, Us, qui clôture le disque est une sorte de conte futuriste qui parle d'apocalypse: la planète peut-elle renaître alors que seuls restent sur terre le coyote, le saumon et le corbeau? Au-delà-de cette question fondamentale, Carl Solomon ne va pas changer le monde ni révolutionner celui de la musique, mais il a le mérite de nous offrir The Whisper dont l'écoute procure un réel plaisir.
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