vendredi 15 avril 2022

L'art selon Romain (Decoret)

 
"Set Sails" (NewWest)
 
Purs citoyens des Mississippi Hills, les fils de Jim Dickinson ont grandi avec comme compagnons de jeux les fils de Jr. Kimbrough et accompagné la plupart des bluesmen du label Fat Possum de Crystal Springs. Pour ce douzième album, après 4 Grammy Awards, ils explorent le territoire du R&B de Memphis, invitant entre autres William Bell, légende du label Stax, sur Never Want To Be Kissed. Le groupe a évolué avec l’arrivée du bassiste Jesse Williams et du chanteur Lamar Williams Jr., tous deux fils de l’un des bassistes tardifs des Allman Brothers. On reconnait bien là le propos original des North Mississippi Allstars, qui est de réunir des familles musicales abordant tous les styles de blues, du country-blues au ragtime puis à l’âge d’Or du R&B. Le Hill-blues traditionnel des collines du Mississippi illumine des compositions telles que Juicy Juice ou Rabbit Foot. La chansons Set Sails se divise en deux parties séparées qui évoquent l’optique musicale dans laquelle Luther & Cody Dickinson ont traité le disque. The real natural blues et ça se passe clairement dans la troisième décennie du 21ème siècle, ce qui n’est pas un mince cadeau… 
 
 

Hank WILLIAMS Jr.

 "Rich White Honky Blues" (Easy Eye Sound)

Ne vous laissez pas tromper par l’ironie voulue du titre de ce 57ème disque (!) du fils de Hank Williams Sr. Plus grand que nature, capable de calmer le public sudiste d’un juke-joint d’un seul riff de guitare menaçant, Hank Jr. est l’un des derniers vrais outlaws. Le blues coule dans ses veines depuis que son père apprit la guitare avec un bluesman des rues nommé Rufus "Tee-Tot "Payne. Pour ce nouveau CD, c'est Dan Auerbach des Black Keys qui est allé chercher le légendaire Hank Jr. pour son label Easy Eye Sound. Pas de contrat, juste la parole donnée et des e-mails indiquant les reprises de classiques de Robert Johnson, Lightnin’ Hopkins, Muddy Waters, Big Joe Turner, ainsi que quelques titres de Bocephus lui-même (nb: le surnom que lui avait donné son père). Et puis le premier jour des séances, Jr. attendit de voir jouer le groupe d’accompagnement réuni par Auerbach. Kenny Brown, guitariste blanc de R.L. Burnside, Eric Deaton, bassiste de T. Model Ford et Kinney Kimbrough fils de Jr. Kimbrough du label Fat Possum. Après de longues minutes où le sort de l’album était en balance, Hank Jr. déclare "OK, ça ira…" avant de se lancer dans un marathon de 3 jours où il fait sien 44 Special Blues une relecture du 32-20 de Robert Johnson, My Starter Won’t Start d’Otis Hicks, Take Out Some Insurance de Jimmy Reed, Short Haired Woman de Lightnin’ Hopkins, Rock Me Baby de Big Bill Broonzy, B.B. King et Muddy Waters, TV Mama de Big Joe Williams, Call Me Thunderhead de Thunderhead Hawkins et quelques titres écrits pour l’album, comme Rich, White Honky Blues. Bocephus termine en prenant à contre-pied les béotiens qui voudraient le traiter de républicain raciste, avec l’hymne chrétien Jesus Will You Come By Here dans lequel on retrouve en filigrane la prière africaine Kumbaya. Conceptuellement, ce disque est comparable aux premiers enregistrements Sun d’Elvis Presley en 54/55. Dan Auerbach des Black Keys est décidément un chercheur infatigable. Il savait que Bocephus avait commencé sa carrière en chantant les hits de son père dans les grandes salles tout en jouant le blues de Jimmy Reed après minuit dans les clubs de blues de Printers Alley à Nashville. Hank Jr. souligne d’ailleurs ce fait sur la pochette avec une guitare qui ressemble fort à la Supro originale de Jimmy Reed et en reprenant son Take Out Some Insurance. Avant même la sortie de ce 57ème album, Mary Jane Thomas, l’épouse de Hank Jr. est décédée subitement. Plutôt que retarder le disque, Bocephus préféra le terminer avec l’hymne Jesus, Will You Come By Here. Magistral et inattendu.

 

OLD CROW MEDICINE SHOW

"Paint This Town" (ATO Records)

Ce groupe est l’un de mes préférés depuis leur chanson Two Birds On A Télephone Line. Ils jouent du ragtime, du hillbilly et ne leur parlez surtout pas d’americana car ils ont été originellement découverts il y a longtemps par Doc Watson, aveugle, qui sortait d’une pharmacie de Nashville alors qu’ils jouaient dans la rue. Pour ce nouvel album, ils abordent la conservation de la nature avec Used To Be a Mountain. Oui, il y avait une montagne ici et il ne reste qu’un trou dans la terre après le fracking utilisé pour miner le charbon à coups d’explosifs. La chanson Lord Willing And The Creek Don’t Rise reprend les paroles avec lesquelles Hank Williams Sr. s’adressait à son public à la fin de ses shows: "Je vous reverrai si Dieu le veut et si les eaux ne montent pas". Les connaisseurs en country-music apprécieront aussi DeFord Rides Again, dédié à l’harmoniciste DeFord Bailey, qui fut le seul musicien black permanent de la troupe originale du Grand Ole Opry. D’autres grands moment vous attendent avec New Mississippi Flag et Hillbilly Boy. Hee-haw!

 

Bernard ALLISON

"Highs & Lows" (Ruf Records)

Le fils de Luther Allison partage son temps entre les USA et l’Europe et c’est un exploit de sa part d’avoir réussi son retour en Amérique. Ce nouveau disque est particulièrement étoffé, produit par le grand Jim Gaines qui travailla avec Albert Colins, Stevie Ray Vaughan, Steve Miller, Huey Lewis ou Santana. Enregistré dans les Bessie Blue Studios de Stantonville, Tennessee, c’est la cinquième fois que Bernard et Jim Gaines enregistrent ensemble. Bernard salue tout d’abord l’héritage de son père en reprenant deux de ses chanson I Gave It All et Now You’ve Got It. Mais le véritable thème du disque est le retour à la scène après une longue période due au Covid. Maintenant, avec un tout nouveau répertoire de compositions personnelles, Bernard Allison est désormais on the road again avec ses Gibson et ses Strat Blade, ses amplis Quitter et Fender. L’atmosphère en studio dans le Tennessee est exceptionnelle, les grooves de Hustler, le changement de rythme de Last Night qui passe du fast-shuffle au slow-blues ou le blues-rock de Side Step un titre signé Jim Gaines. Ça devient très chaud sur My Way Or The Highway avec en invité le guitariste canadien Colin James puis ça tourne incandescent sur Hustler quand arrive le légendaire Bobby Rush à l’harmonica et aux vocaux. Une tournée française avec un concert parisien devrait suivre

 

Pierre LACOCQUE's MISSISSIPPI HEAT

"Madeleine" (Proper Records)

L’harmoniciste Pierre Lacocque est l’un des secrets les mieux gardés du blues. Ceux qui l’ont entendu sur scène ne l’oublient jamais. Belge, né en Israel, il commence à jouer à Chicago, protégé par Lil’ Sonny Wimberly du Muddy Waters Band. Le truc de Lacoque est qu’il sait s’installer dans une place forte du blues et y rester jusqu’à ce qu’il devienne populaire, il est aussi un excellent directeur de groupe, jamais injuste. Après Chicago, il a été à Memphis et pour ce nouvel album l’inspiration est venue de New Orleans, Madeleine est le nom de sa grand-mère. Il signe la plupart des titres et cette plongée en Louisiane a vraiment le mojo que ce soit sur Silent Too Long ou Batty Crazy avec les cuivres de Mark Franklin et Kirk Smothers. Mais des amis de Chicago sont venus jouer aussi et pas les moindres. Carl Wearherby est sur Empty Nest Blues, un slow-blues atmosphérique comme il y en a peu et Lurrie Bell, le fils du regretté harmoniciste Carey Bell tient la guitare dans Uninvited Guest et Nothing I Can Do. Sans oublier l’organiste Johnny Iguana pour Riding On A Hit et Truth Like Rain. Un disque d’une qualité surprenante qui rappelle un peu le Supersession d’Al Kooper

 

Distribution Frank ROSZAK Basé en Californie du Sud, Frank Roszak distribue inlassablement les bluesmen et groupes de tous les états américains et a même une station de radio pour les diffuser (roszakradio.com) . Voici une sélection récente d’excellents artistes que les grands labels n’oseraient jamais toucher et , pourquoi le cacher, c’est tant mieux pour nous et tant pis pour eux…

 

Scott ELLISON 

"There’s Something about The Night"(Swordfish Records)

Il vient de Tulsa, Oklahoma et se spécialise ans le jeu électrique en slide sur une Danelectro. Sur cet album, il est accompagné par des musiciens de l’ex-Eric Clapton Band qui aime choisir ses accompagnateurs à Tulsa. On retrouve ainsi le batteur Jamie Oldaker (décédé l’année dernière), mais aussi Albert Lee, Jon Parris (ex-bassiste de Johnny Winter) et Rick Robbins. Virtuosité et feeling. Excelsior!

 

Lew JETTON & 61 SOUTH 

"Deja Hoodoo" (Endless Blues Reords)

Le nom du groupe explique tout. Ces natifs du Mississippi et du Kentucky passent leur temps sur la route depuis plusieurs années, jouant dans les bars, honky-tonks, conventions de tatoueurs et festival de bikers. Jetton est un top-notch guitariste. Glissez son CD dans le lecteur de votre voiture et vous comprendrez la pureté de Two Lane Road, State Line Blues ou Move On Yvonne.

 

The SULLY BAND

"Let’s Straighten It Out" (Belly Up Records)

Ils viennent de San Diego mais la section de cuivres est de Chicago. Connaisseurs éclairés ils reprennent When The Battle Is Over du regretté Dr. John aussi bien que If You Love Me Like You Say d’Albert Collins avec leurs propres compos sur cet album enregistré dans les anciens studios A&M à Hollywood avec Chris Goldsmith et James East comme directeurs musicaux.

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