"Tidal"
Ting, ting, ting. Bingo. Carton plein. Le pompon et la queue du Mickey. Où l’on est heureux de ne pas avoir lâché Brian Lopez depuis plus de dix ans (plongez dans vos archives du Cri du Coyote, interview en 2013 pour la sortie de son premier album solo, Ultra), et où toutes les traces laissées sur le chemin trouvent une cohérence suffisamment forte pour déclarer sans ambage, et sans tarder, que son nouvel opus, Tidal, est un très (très) grand disque. Tous les talents de Brian sont réunis ici. Tout ce qui fait de lui plus qu’un espoir, une signature unique dans le paysage musical de Tucson, Arizona, USA. S’il le fallait, la simple énumération des routes croisées depuis une décennie fait voler en éclats les moindres doutes: premières tournées en Europe avec Marianne Dissard (pyrénéenne de naissance mais nomade dans l’âme, Tucsonnienne de cœur), création du groupe XIXA dans une veine chicha-psychedelique explosive, participation active au giant Giant Sand du parrain Howe Gelb, dates partagées avec KT Tunstall, Gaby Moreno ou Los Lobos, et depuis deux ans, membre quasi-permanent de Calexico, où la chimie entre Brian et Joey Burns fait des merveilles sur scène. Un CV en béton armé.
Mais ce qui se passe sur Tidal va au-delà. De l’ordre du mystique, presque. Un mariage inédit entre traditions du désert et du Mexique (les arrangements de cordes et de cuivres, le velouté des guitares, l’héritage culturel et les champignons…), les volutes entêtantes d’un psychédélisme noir des seventies naissantes, le rock’n’roll dans sa plus simple expression (Face To Face, Magic), et une poignée de ballades incroyables, belles à en pleurer, une beauté assumée, bue en un trait, aiguisée et flamboyante. La voix de Brian fait un travail monumental, en harmonie et en éclairs de génie. Musicalement, il ne se refuse rien, de l’électronique à la simple sonorité d’une guitare nylon. Un traitement des chansons au cas par cas, une réussite totale en production (fruit d’un travail profond avec le compère Gabriel Sullivan, dont nous avons déjà longuement chanté les louanges), et des musiciens qui, malgré les conditions spéciales (une grande partie des interventions ont été enregistrées à distance, durant la pandémie dont vous avez sans doute entendu parler…), trouvent tous leur place: John Convertino (toujours impeccable, avec Calexico bien sûr mais aussi avec Naim Amor) et Ben Nisbet (génie touche-à-tout), KT Tunstall (duo de velours sur Road To Avalon) et Gabriel Sullivan (multi-intsrumentiste et producteur), tous vont dans la même direction. La bonne. Ajoutez à cette recette déjà généreuse, une chevauchée hallucinée façon Ennio Morricone (Psilocybin Dream), un Looking Glass tout simplement imparable, entre Rodrigo Amarante (oui, le Tuyo de la série Narcos), Lee Hazlewood et The Electric Prunes, et un 3000 Stories qui réussit le tour de force de nous parler des milliers de corps de migrants qui reposent sous le sable du désert de Sonora tout en nous charmant à chaque seconde. Un poison que l’on boit sans hésiter.
Sans le moindre doute, Tidal est d’ores et déjà dans le tiercé de tête des albums de l’année 2023. Si ce n’est THE album de l’année. Brian Lopez est un artiste majeur, malgré son jeune âge, malgré sa reconnaissance pour l’instant limitée. Que les dieux - ou les serpents et les scorpions du désert - lui prêtent une longue vie, fructueuse en sons et chansons. Nous ne sommes qu’au début de son règne. Fascinant, vraiment. Ne ratez pas ça pendant que c’est chaud.
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