"DobroSinger"
Cri du 💚
Abbie Gardner est la dobroïste du trio folk féminin Red Molly. Chacune des trois musiciennes mène des projets solo en dehors du groupe. Dobrosinger n’est donc pas le premier album d’Abbie Gardner sous son nom mais il revêt un caractère particulier car c’est littéralement un album solo dont le concept est quasiment énoncé par le titre: elle chante en s’accompagnant seule au dobro. J’étais un peu inquiet avant l’écoute d’un disque au programme aussi aride, mais il suffit de quelques mesures de Down The Mountain pour être conquis par le talent d’Abbie Gardner. Sur ce blues, le son du dobro rappelle celui de Ben Harper. Il est plus proche du dobro bluegrass sur les autres morceaux. Abbie est vraiment formidable sur les chansons les plus folk, la ballade Only All The Time – une de ses neuf compositions – ou sa jolie version de You Belong To Me, le standard de Pee Wee King. Ce sont celles qui conviennent le mieux à sa voix mais elle chante avec beaucoup de sensibilité tous les titres. Elle varie les façons de s’accompagner. Presque guitaristique dans Only All The Time, en arpèges pour Three Quarter Time, par petites phrases intercalées dans le chant sur le blues Cypress Tree, en alternant glissés et percussions dans le blues-rock Born In The City. Le plus souvent elle mélange les effets. Ce n’est répétitif que quand elle veut créer une atmosphère blues. Elle s’amuse beaucoup sur Honky Tonk Song davantage rythmé par son chant que par l’accompagnement. Elle interprète une très jolie version de Those Memories Of You d’Alan O’Bryant qu’avait popularisé The Trio. La valse See You Again, Too Many Kisses plein de feeling, la ballade bluesy When We Were Kids, tous les titres méritent d’être cités car il n’y a pas un moment faible dans ce disque. Le meilleur album de cette rubrique de début d’automne et le plus inattendu.
"Hold On"
Hold On est dans la continuité de You Can’t Stand The Heat (Le Cri du Coyote n° 160), précédent album de Frank Solivan & Dirty Kitchen. Un peu moins proche du newgrass cependant malgré la reprise de Sail To Australia de New Grass Revival. On retrouve avec bonheur la virtuosité de Solivan (mandoline), Chris Luquette (guitare) et l’incomparable Mike Munford (banjo) dans Scorchin’ The Gravy, une composition instrumentale de Solivan, mais aussi dans chaque chanson, avec des arrangements qui privilégient les solos partagés entre les musiciens (Hold On). Le talent de Rob Ickes (dobro) s’y ajoute sur quatre titres dont la ballade country Goodbye Goodbye et Modesto, composition moderne en plusieurs mouvements de Megan McCormick, cousine de Frank Solivan qui lui a déjà écrit plusieurs chansons et en signe trois dans Hold On. Frank Solivan est lui-même dans une phase créatrice puisqu’il a composé six des onze morceaux de l’album, certains avec Ronnie Bowman (Find My Way), Tim Stafford (la jolie valse Virginia Is For Lovers avec le fiddle de Jason Carter) et Jon Weisberger (I’m Already Gone mené par le banjo). Ce sont trois des toutes meilleures chansons de Hold On, très bien interprétées par la voix douce de Solivan, joliment soutenue par les harmonies de Jeremy Middleton (basse) et Chris Luquette. Côté reprises, il y a donc Sail To Australia. J’adore l’original chanté par Sam Bush. Dirty Kitchen en fait une version d’autant plus proche de celle de New Grass Revival que John Cowan épaule Solivan sur les refrains. Bonne reprise également de Lost, cette curieuse composition de Buzz Busby qui a des couplets rapides et un refrain sur un rythme de valse lente. L’album s’achève sur Sails, reprise d’un groupe des années 70 (Orleans) sur laquelle Frank Solivan est seul à la guitare avec juste une harmonie vocale féminine (Jillian Lea). Pas mal mais dommage de se passer, même pour un titre, d’un des meilleurs groupes de la décennie.
"Heyday"
Heyday marque un tournant dans la discographie de Lonesome River Band puisque c’est le dernier album où apparaît Brandon Rickman. C’est un album de transition avec des enregistrements réalisés avec les partants, d’autres avec les nouveaux (Kameron Keller remplace Barry Reed à la basse). Rickman interprète Jesse James de Jimmy Arnold en duo avec Jesse Smathers et surtout That’s Life qu’il a composé avec Billy Droze, riche d’un arrangement plus moderne que le style habituel de LRB. Une belle sortie pour celui qui, pendant les vingt années où il a été le principal chanteur du groupe, a dû se confronter à la notoriété de ses prédécesseurs (Dan Tyminski, Ronnie Bowman, Don Rigsby, faut-il le rappeler). Son remplaçant s’appelle Adam Miller et il est mandoliniste, ce qui entraîne le passage de la mandoline à la guitare pour Jesse Smathers, l’autre chanteur de la formation. Miller est un bon chanteur, avec un large registre, à l’aise sur du bluegrass classique (Come On Down From The Mountain Top) comme sur du countrygrass (Heyday, un des meilleurs titres du disque), ce qui convient parfaitement au répertoire de LRB. J’aime particulièrement la chaleur de sa voix dans Love Songs. Il chante aussi Mary Ann Is A Pistol, titre le plus original de l’album avec That’s Life. Jesse Smathers interprète plusieurs chansons dont Waitin’ On A Train. Le duo vocal du refrain rappelle agréablement la période Bowman-Tyminski. Plusieurs chansons de Heyday manquent d’originalité. Je n’ai pas aimé le gospel Gabriel’s Already Standing et la rythmique de Headed North manque de finesse mais Lonesome River Band nous épargne cette fois la batterie qui avait plombé plusieurs de leurs derniers albums. Les interventions de Sammy Shelor au banjo sont toujours un modèle du genre.
"Banjophonics"
Le premier album de Damien O’Kane & Ron Block s’intitulait Banjophony (Le Cri du Coyote n° 160). Pour le second, ils ont choisi Banjophonics plutôt que Banjophony 2, ce qui l’inscrit tout autant dans la continuité. Banjophonics est davantage centré sur les duos de banjo (4 cordes pour l’Irlandais O’Kane, 5 cordes pour l’Américain Block). Il n’y a qu’un titre avec de la flûte et aucun avec du violon alors qu’il y en avait plusieurs dans Banjophony. Sans doute parce que les deux banjoïstes ont énormément travaillé les arrangements en duo, de façon très fine, avec beaucoup de fluidité. C’est le plus souvent bien rythmé, avec des influences funk (il y a un batteur sur tous les titres). Une petite touche jazz pour The Taxi Driver, rock pour Daisy’s Dance. D’autres morceaux rappellent les albums instrumentaux de Béla Fleck et Jerry Douglas des années 80. Mon titre préféré est The Fiddler’s Gun de Ron Block qui est aussi le titre le plus bluegrass (avec Sierra Hull et Barry Bales). Soundcheck Sonics / Andy Brown’s, à mi-chemin entre musique irlandaise et bluegrass, est également très réussi. Il y a deux bonnes chansons au milieu de tous ces instrumentaux, Endless Wanderer par Ron Block et Woman Of No Place pour lequel Damien O’Kane reçoit le précieux soutien de son épouse, la chanteuse anglaise Kate Rusby. Les rythmiques dérouteront sans doute certains amateurs de bluegrass mais O’Kane et Block ont réussi avec Banjophonics un album original et virtuose.
"The Raven"
The Muddy Souls est un groupe de l’Oregon formé en 2018. The Raven est leur troisième album, ou si l’on préfère leur premier véritable album puisque les deux précédents n’offraient respectivement que 7 et 8 titres. C’est un groupe qui a beaucoup de personnalité et pas seulement parce que ses membres ont composé les douze morceaux de The Raven. Ils ont un style bien à eux. Les chants sont très articulés (sans être jamais maniérés). On comprend toutes les paroles. La violoniste Grace Honeywell joue souvent de longues notes tenues sur fond de picking rapide du banjo (Jacob Camara). Ça sonne par moments assez folk (Troubled Times), voire un peu fouillis (Dancing In The Rain). A peu de chose près, chaque musicien chante ses compositions. Les deux principaux songwriters sont le guitariste Peter Romanelli qui a une voix agréablement traînante et nasillarde. Jacob Camara a le même genre de voix mais dans un registre plus aigu. Il est l’auteur de Survivors, très belle chanson au texte vraiment réussi. Rock Bottom accroche également l’oreille. Le fiddle apporte beaucoup à une autre de ses compositions, Brief Escape. Le mandoliniste Austen Slone a écrit deux titres mais ne chante que Music Man, bonne chanson construite sur un motif répétitif de fiddle. Sa voix douce est très agréable, comme celle de Grace Honeywell qui interprète Lean On My Love. Leurs timbres s’associent joliment sur le refrain, comme ceux de Romanelli et Camara sur la plupart des autres titres.
"Lost Love Songs"
The Pine Hearts est également un groupe de l’Oregon. C’est un trio composé de Joey Capoccia (guitare), Derek McSwain (mandoline) et Dean Shakked (contrebasse). Leur second album, Lost Love Songs est arrangé avec une instrumentation bluegrass complète grâce à l’apport d’un banjoïste et d’un fiddler. Les deux musiciens supplémentaires sont bien intégrés dans les arrangements. Cependant il transpire dans presque tous les titres une atmosphère folk sans doute due à l’habitude de jouer en trio et à la voix de Joey Capoccia (c’est lui qui a écrit les treize chansons). Mary The Night’s On Fire, Bones On The Vineyard et Running In Place sont les titres que je conseille pour découvrir The Pine Hearts.
"Tell ‘Em You Were Gold"
Cri du 💚
Tell ‘Em We Were Gold est le 7ème ou 8ème album de Pharis & Jason Romero. Un duo très original grâce à Jason qui est luthier et banjoïste et se fabrique des instruments aux sons différents des standards et recherche pour chacun les morceaux adéquats (il y a 9 compositions parmi les 16 titres). Dans ce disque, Jason utilise sept instruments différents, tous de sa fabrication. Leur accordage varie à chaque titre. Il n’y a que Going To Town qui utilise l’accordage standard gDGBD. Le son des banjos varie en fonction de leurs dimensions mais aussi des cordes (acier ou nylon) et Jason utilise même un banjo gourde sur 3 titres (il a aussi créé une guitare gourde dont Pharis joue dans Sour Queen). Son picking sans onglet est loin du style Scruggs et parfaitement adapté au répertoire. Il joue plus rarement en style old time. Les cordes en nylon donnent un son mat, qui semble plus grave (The Dose, Five Miles From Town). Il y a quelques titres avec un ou deux musiciens supplémentaires. Les instrumentaux Going To Town et Old Bill’s Tune sont menés par le fiddle de Grace Forrest. Le banjo de Jason et la mandoline de John Reischmann jouent souvent en duo dans le classique Been All Around This World et le très joli instrumental Pale Morning. Jason et Pharis (guitare) interprètent chacun plusieurs chansons. Ils forment un joli duo sur les refrains. La voix de Pharis sonne comme celle d’une chanteuse de blues des années 30 dans le joli rag Sour Queen. Elle est folk et moderne dans Cannot Change et Black Guard Mary. C’est vraiment un très joli disque. J’ai juste moins apprécié les deux instrumentaux que Jason joue seul. Le CD est accompagné d’un livret avec de magnifiques photos des étonnants instruments créés par Jason Romero. Une bonne raison pour acheter Tell ‘Em You Were Gold plutôt que le télécharger.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire