lundi 17 octobre 2022

Avenue Country par Jacques Dufour

 

Various Artists 

"Something Borrowed, Something New - A Tribute to John ANDERSON" 

Je souscris totalement à l’intention d’honorer un artiste de son vivant plutôt que de le faire à titre posthume. C’est rare et c’est bien venu d’autant que John Anderson le mérite amplement. Quarante-cinq ans de carrière pour le natif de Floride. Anderson a attendu cinq années après la sortie de son premier simple en 1977 pour obtenir son premier numéro 1, Wild And Blue, aussitôt suivi dans la foulée du fameux Swingin’, élu meilleur single de l’année 1983. Curieuse-ment ce titre phare dans la carrière d’Anderson ne figure pas parmi les chansons retenues. Je suppose que tous les artistes contactés avaient coché ce désormais classique aussi on a tranché en le supprimant de la liste. On se consolera avec la très belle reprise de LeAnn Rimes en 2011. John obtint un troisième numéro 1 dans les années 80 avec Black Sheep. Il faudra en-suite attendre huit ans et l’année 1991 pour arriver au quatrième avec Straight Tequila Night, puis l’ultime Money In The Bank en 1993. J’entends déjà les danseurs poser la question: et Seminole Wind? Un succès de la danse en ligne qui fait figure de classique. Et bien cette autre chanson phare dans la carrière de John Anderson est restée bloquée deux semaines à la deuxième place du Billboard en 1992. Deux numéros 1 sont présents sur cet album, Wild And Blue et Straight Tequila Night. Et parmi ses quatorze Top 10, outre les numéros 1, seulement six figurent sur cette compilation qui comprend curieusement trois chansons qu’Anderson n’a jamais classées. Le choix des labels est toujours arbitraire. On peut s’interroger également sur le choix des artistes appelés à participer. Il est hétéroclite. On peut être surpris de l’absence totale de chanteurs typiquement country, notamment de la période des néo-traditionalistes. En revanche figurent des artistes actuels de la tendance country/pop: Eric Church, Luke Combs, Ashley McBryde et Brothers Osborne. Des musiciens de bluegrass comme Del McCoury ou Sierra Ferrell, et des singer-songwriters: John Prine (1959), Gillian Welch ou Jamey Johnson. Autant vous le dire, pour moi cet album est une déception. Les amateurs d’americana l’apprécieront mais certainement pas les amateurs de country. Mes titres favoris sont les seuls réellement country de l’ensemble soit la ballade Straight Tequila Night par Ashley McBryde, le country/bluegrass Would You Catch A Falling Star par Dale McCoury ainsi que la reprise plutôt rock and roll par le duo Brothers Osborne du You Can’t Judge A Book (Looking At The Cover) crée en 1962 par Bo Diddley. John Anderson a aujourd’hui soixante-huit ans et il méritait beaucoup mieux.

 

Kristin HAMILTON

"Touch Of Blue" 

Des albums de jeunes chanteuses il en défile pas mal sur ma platine. En général le style de country moderne et le vocal ne diffèrent guère. Avec Kristin Hamilton j’ai pris une claque : enfin une chanteuse qui se démarque. Cette compositrice-interprète à une manière bien à elle de vivre ses chansons. Son vocal est parfois torturé comme dans la ballade bluesy qui aurait offert une belle maquette à Janis Joplin. Sur deux autres chansons elle me fait penser à Dolly Parton. Comme cette artiste ne fait rien comme les autres elle a regroupé les titres rapides en début d’album. Ce sont les plus country avec fiddle, pedal steel guitare et harmonica. Elle a regroupé slows et ballades sur la seconde partie. La dernière chanson alterne des parties lentes et des parties rapides appuyée par un violoncelle. Kristin Hamilton qui nous arrive du Missouri rural est une artiste attachante et ce premier album est vraiment prometteur. 

 

The Michael INGALLS Band 

"Poison Blood" 

Voici une formation qui doit donner sa pleine mesure dans les honky tonks enfumés du Texas. La voix du chanteur Michael Eugene Ingalls n’est pas des plus mélodieuses mais la rythmique assure un tempo effréné et la guitare électrique est chauffée au rouge pour nous asséner huit country-rock plus rock que country. Une ballade perdue se glisse au milieu et on se demande ce qu’elle vient faire. Un groupe pour l’ambiance du samedi soir. Pour accompagner la bière pression et les bretzels. Mais sur disque dans son salon?

 

LINEN RAY

"On the Mend" 

Linen Ray en fait c’est une voix, celle de la chanteuse Rebekah Craft. Le moustachu sur la pochette (son mari) n’intervient que brièvement à l’occasion d’un duo. Le vocal de Rebekah est des plus agréables et nous avons là quelques ravissantes ballades, certaines accompagnées par une pedal steel guitare. Mais la musique de Linen Ray n’est pas à proprement parler country. Elle oscille entre une variété de bon goût mâtinée de soul, de pop et de folk. On aurait apprécié parmi les douze chansons un ou deux titres au rythme un peu plus épicé. 

 

Marjorie SENET & The BROKEN HOME BOYS

"Break the Habit" 

Voici une chanteuse qui se soucie fort peu des modes. Dès le premier titre je me suis vu catapulté sur la scène du Grand Ole Opry aux côtés de Hank Williams pour une variante de son Lovesick Blues. Marjorie Senet pourrait être qualifiée de chanteuse hillbilly. Son No One To Sing With semble extrait d’un album de Rose Maddox. Cependant la chanteuse du New Hampshire qui nous présente son second album ne semble pas vouloir recréer le son des années 50 car elle se rapproche parfois d’une sonorité plus alternative. Il y a deux pépites hillbilly ou hillbilly boogie mais les titres lents, parfois un peu longs, sont pour certains d’un intérêt moyen. Pour les adeptes du son brut non édulcoré. 

 

Miss GEORGIA PEACH

"Aloha From Kentucky" 

Vous me pardonnerez ce mauvais jeu de mot mais il s’applique complètement: Georgia est une chanteuse qui a la pêche. En effet cet album ne comporte qu’une seule ballade sur quinze titres. Sacrée moyenne! Le répertoire de cette chanteuse dont le vrai nom est Georgia Conley (la pêche est le fruit emblème de l’état de Géorgie) est majoritairement composé de morceaux qui pulsent. Peu de titres échappent à un accompagnement rock, même le Don’t Come Home A Drinkin’ de Loretta Lynn, ce qui n’était pas nécessaire. En ce qui concerne les autres reprises I Gotta Know de Wanda Jackson est bien restitué. Jackson (Cash/Carter) en rock and roll passe très bien. River Deep Mountain High (Ike &Tina Turner) est interprété branché sur le 220 et là en revanche on s’éloigne trop de l’original. Silver Threads And Golden Needles a conservé son rythme country original. A part deux ou trois chansons country tout le reste est rock and roll. L’instrumental qui referme l’album est un tantinet déjanté. Vous pouvez sortir vos pompes en daim bleu. 

 

Jason GROVE

"Caribbean Cowboy" 

Cet album contient une pépite avec le super country-rock Gear Jammin’Junkie. Hélas le reste s’enlise dans une musique nonchalante à l’ombre des cocotiers dans un style carabéen proche de Kenny Chesney ou Jimmy Buffett. Les titres des chansons en témoignent: Caribbean Cowboy, Sunset Party, A Little More Time On The Water… C’est dommage car ce chanteur basé à Nashville est doté d’une très belle voix pour interpréter de la country classique et deux ou trois ballades nous le prouvent. Deux chansons sur la plage tout au plus auraient suffit. 

 

FAMILY SHILOH

"At The Cold Copper Ranch" 

Vouloir cerner le style musical de la Family Shiloh ne serait pas une bonne idée. La première chanson est de la pure country and western mais ça sera pratiquement la seule. Nous aurons une alternance de ballades acoustiques ou non, de la country au son des sixties, un blues rapide, mais rien qui soit qualifiable de country classique ou de honky tonk. De surcroit chantent tour à tour soit les filles, soit les garçons, soit tous ensembles. Les harmonies vocales émanant des éléments féminins sont superbes. Quelques chansons au tempo médium ne sont pas trop accrocheuses. Il est dommage que vu leur potentiel les membres de cette famille nombreuse Texane n’aborde pas le western swing ou le boogie. Ils auraient pu rivaliser avec des formations telles que le Hot Club of Cowtown ou la Henson Family. Colby et Kimberly Pennington sont la base de la Family Shiloh et ils sont (bien) entourés de leur cinq enfants, quatre filles et un garçon, dont les âges vont de dix-neuf à dix ans. L’avenir est donc assuré. 

 

Cody CHRISTIAN

"Canary In A Coal Mine" 

Titre étrange: un canari dans une mine de charbon. Eh oui, autrefois on employait des animaux au fond des mines. Que diraient les défenseurs de la cause animale de nos jours quand certains extrémistes font signer des pétitions contre l’utilisation des chevaux de traits… Le vocal de ce chanteur est plus proche de Rod Stewart que de George Jones. La structure des chansons et l’accompagnement instrumental, piano, banjo, fiddle, dobro, intégreraient cet album dans le genre musical country. Le voile sur la voix de Cody Christian l’en écarte cependant. On parle-ra plutôt de country/folk. Mais qu’importe car au demeurant ce disque est intéressant avec une reprise en accéléré du I’m On Fire de Springsteen qu’avait enregistré naguère Robert Gordon. Ainsi du reste que Cash et Jennings. L’album se referme sur un très bon titre bien sautillant. Une seule ballade. Vous pouvez emporter cet ouvrage sur la route pour les longs trajets. Et la musique est bonne. 

 

Jim LAUDERDALE

"Game Changer" 

J’étais méfiant. Les critiques concernant ce nouvel album de Jim Lauderdale sont excellentes mais le précédent était fort décevant. Jim enregistre beaucoup. Il enregistre trop et la plupart de ses compositions sont bien moyennes. Malheureusement ce Game Changer ne change pas la donne justement. Nous avons là une demi-douzaine de bonnes chansons: ballades, country songs et un shuffle, mais aussi une demi-douzaine de titres faisant office de remplissage, donc bien médiocres. N’espérez aucun honky tonk ni aucun titre au tempo un tant soit peu relevé. Je conseillerais à Jim de prendre un assez long congé sabbatique pour qu’il nous revienne avec un peu plus d’inspiration. 

 


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