lundi 16 mai 2022

Disqu'Airs, le retour (discret)

Quelques mots d'introduction pour rappeler que les bonnes volontés sont les bienvenues. Disqu'Airs, rubrique bien connue des les lecteurs du Cri du Coyote, revient sur la pointe des pieds avec une chronique d'Alain Fournier mais elle est ouverte à quiconque voudrait partager son amour de la musique qui nous est chère.

 

Mathis HAUG & Benoit NOGARET

"Sitting On The Top Of The World" (Wild Time 004)

 Voilà enfin un vrai disque, 12 titres en version physique qu’on peut regarder, ouvrir et surtout écouter. Avec un superbe hommage à Doc Watson, ce légendaire chanteur-guitariste qui nous a quittés en 2012. Le duo reconnait "puiser son inspiration dans des styles qui ont en commun le swing et l’énergie". Pour faire bonne mesure, j’ajouterai la sincérité et l’émotion. Pour ce qui est de l’énergie et de la virtuosité chez ce diable d’homme attachant, Mathis et Benoit ont été servis ! 

Pas étonnant qu’ils aient eu envie de se mesurer à la muraille ! L’entreprise n’était pas sans risque, et enfiler les bottes de sept lieues de ce géant démontre une volonté affirmée, non seulement de relever le gant, mais surtout de réussir ce "tribute". Mission accomplie avec brio. De Coo Coo Bird à Shady Grove, les morceaux respectent l’univers musical de Doc, souligné par les apports de son fils Merle. Ici, le travail des guitares accompagne la voix de Mathis, (présent dans un style différent lors de sessions antérieures avec Jean-Jacques Milteau ou Eric Bibb pour Dixiefrog). Sur leur lancée ils se permettent une incursion sur les terres des Delmore Brothers, autre duo fondateur de la musique country au même titre que les York et autres frères Louvin. La tentation était forte mais le résultat est bien à la hauteur de l’ambition. Gonna Lay Down My Old Guitar ou Deep River Blues sont restitués avec talent, sans plate imitation mais joués avec les tripes… 

Font également partie du voyage: Aurore Voilqué au violon, Christian Séguret au fiddle et à la mandoline, Steve Louvat au banjo et Manu Bertrand à la mandoline. Leur présence donne à l’ensemble une nécessaire cohésion et cette chaude tonalité amicale que l’on perçoit au fil des chansons. En respectant la musique de Doc Watson et celle d’Alton & Rabon Delmore, Mathis et Benoit ont réussi leur examen de passage : ils peuvent prétendre se faire entendre dans la cour des grands. Mais c’est peut-être déjà fait ? (Alain Fournier)

J.P. HARRIS' DREADFUL WIND & RAIN

"Don't You Marry No Railroad Man" 

Après trois albums de compositions originales, le songwriter originaire de l'Alabama, J.P. (Joshua Pless) Harris, qui se définit lui-même comme un charpentier qui écrit des chansons, nous revient sous l'appellation J.P. Harris' Dreadful Wind & Rain pour nous offrir un disque composé uniquement de chansons traditionnelles. En fait, derrière le nom qui pourrait être celui d'un groupe, se cachent simplement J.P. (banjo fretless de sa fabrication) et Chance McCoy ancien membre d'Old Crow Medicine Show, fiddle et chœurs). Les deux hommes avaient déjà publié ensemble un disque en 2017, dans le même esprit (Two Bad Hombres). On ne sera pas surpris de trouver ici House Carpenter et le moins connu The Little Carpenter qui renvoient au job de J.P., aux côtés de Mole In The Ground, Barbry Allen ou Wild Bill Jones, dix titres en tout qui nous font passer un excellent moment. C'est de la musique old-time pratiquée par deux passionnés qui nous font partager leur plaisir de jouer. 

 

Jake Xerxes FUSSELL 

"Good And Green Again"  

La musique old-time, c'est aussi le domaine de prédilection de Jake Xerxes Fussell. Avec son quatrième album, Good And Green Again, il explore de nouveaux territoires sonores. Si ses premiers disques étaient autoproduits, pour celui-ci, il s'est adjoint les services de James Elkinton, par ailleurs muti-instrumentiste. Autre nouveauté: il y a trois compositions de Jake, toutes instrumentales, ainsi que la mise en musique d'un texte anonyme, Washington. Si certains titres restent proches de ce que Jake avait publié précédemment, par exemple Love Farewell et The Golden Willow Tree (qui s'étire sur neuf minutes), c'est-à-dire du folk pur, l'ensemble du disque est un peu la bande-son d'un documentaire sur les paysages de Caroline du Nord, comme une invitation au voyage. La guitare et la voix de Jake sont toujours aussi présentes et assurées, mais d'autres instruments donnent une couleur différente, comme la pedal steel sur Rolling Mills Are Burning Down, le fiddle sur In Florida ou des cuivres ici et là. À noter que Bonnie "Prince" Billy est présent pour quelques vocaux additionnels. Avec cet album, nostalgique et plein d'espoir en même temps, Jake Xerxes Fussell atteint une nouvelle dimension d'artiste. 

 

David OLNEY 

"Evermore" / "Nevermore" 

L'année 2020 a été terrible pour les grands songwriters américains. Le premier à nous quitter, de manière inattendue (il est mort sur scène) a été David Olney dont on a du mal à réaliser qu'il n'est plus parmi nous. Le vide qu'il a laissé va être provisoirement comblé par deux albums enregistrés en concert aux Pays-Bas et sous-titrés The Final LIVE IN HOLLAND Sessions. Ce sont les septième et huitième disques en public publiés par l'excellent Pieter Groenveld sur son label Strictly Country Records. Ils ont été enregistrés en 2016 et 2018 et, pour l'occasion, David est accompagné par Daniel Seymour (basse et voix). Le premier volume (rose) s'appelle Evermore, le second (bleu) Nevermore

 

Chacun comporte quinze titres (un peu plus car cinq d'entre eux sont des medleys de deux chansons). Tout l'art de David Olney s'exprime encore une fois. Il était aussi bien un auteur-compositeur exceptionnel qu'un interprète (chant et guitare hors-pair). On retrouve ici des classiques comme Deeper Well, Roses, Border Town, A Dangerous Man et d'autres succès plus récents comme EvermoreThis Side Or The Other, Thing Of Beauty et Innocent Heart. Au menu, également, quatre titres nouveaux ainsi que des reprises: I Still Miss Someone (Johnny Cash), Speed Of The Sound Of Loneliness (John Prine), She's Not There (Zombies), For The Sake Of The Song et Rex's Blues (Townes Van Zandt), New York Mining Disaster 1941 (Bee Gees) et Everyday (Buddy Holly). En bref, David, par l'entremise de son ami Pieter, nous offre plus que deux disques, mieux qu'un concert d'adieu: un véritable feu d'artifice, un bouquet final illuminé par son talent.

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