dimanche 9 novembre 2025

Disqu'Airs par Dominique Fosse

 

LARKIN POE

"Bloom" 

Blood Harmony, le précédent album de Larkin Poe, leur avait valu en 2024 le Grammy Award du meilleur album de blues contemporain, récompense qui a, par le passé, consacré des artistes comme Robert Cray, Stevie Ray Vaughan, Buddy Guy ou Keb' Mo'. J’avoue que j’ai un peu de mal avec Bloom, le nouvel album de Larkin Poe. C’est du blues rock caractérisé par un gros son avec de la distorsion sur la guitare de Rebecca Lovell et la lap steel de sa sœur Megan. C’est comme d’habitude Rebecca qui chante. Pas mal mais elle n’a pas la puissance pour vraiment envoyer ce genre de chansons et, souvent, elle force trop sa voix. Peu d’harmonies vocales dans Bloom alors que c’est un des points forts de ces artistes qui ont grandi à l’école du bluegrass (avec le groupe Lovell Sisters). Les quatre titres que je préfère sont ceux où Rebecca chante de façon naturelle, sans forcer: If God Is A Woman, Pearls (pourtant un des titres les plus rock de l’album), Little Bit (un blues avec un chant plaintif qui convient beaucoup mieux à Rebecca) et surtout la ballade lente Bloom Again chantée à deux voix sur un élégant arpège de guitare…


 

 

I’M WITH HER

"Wild and Clear and Blue" 

Wild and Clear and Blue est le second album du trio I’m With Her, sept ans après See You Around. Le groupe est composé de trois chanteuses multi-instrumentistes qui se sont fait connaître par le bluegrass. Aoife O’Donovan était la chanteuse de Crooked Still. Sara Watkins s’est révélée très jeune comme violoniste et chanteuse du trio d’adolescents surdoués Nickel Creek. De son côté, Sarah Jarosz a sorti sept albums solo en 15 ans dont le premier à 18 ans avec Jerry Douglas, Stuart Duncan et Chris Thile. Leur musique peut être qualifiée de folk moderne (un album dont une chanson s’intitule Rhododendron ne peut être que folk), dominée par les superbes voix des trois chanteuses. Sarah et Aoife ont des timbres très purs, des voix qui se ressemblent et leurs passages en duo (Ancient Light, Different Rocks Different Hills) ont la même magie que si elles étaient sœurs. Les trois voix se confondent dans l’aigu (Standing on the Fault Line) mais dans les mediums, Sarah a une très légère cassure qui la rend identifiable. Elle a aussi une prodigieuse agilité vocale (Year After Year). Les trois jeunes femmes ont écrit ensemble les dix chansons de Wild and Clear and Blue. Il y a de très jolis motifs de fiddle (Sara Watkins) pour enluminer Ancient Light, Wild and Clear and Blue et Mother Eagle. Le banjo clawhammer de Sarah Jarosz rythme Different Rocks Different Hills et sa mandoline est en évidence dans Find My Way Home. Un très joli album. 


 

 

Molly TUTTLE

"So Long Little Miss Sunshine" 

Cri du 💚   

À la sortie de So Long Little Miss Sunshine, de nombreux amateurs de bluegrass se sont sentis trahis par Molly Tuttle. Avec Billy Strings, elle était devenue en une demi-douzaine d’années la nouvelle star du genre avec de multiples récompenses IBMA (guitariste, chanteuse, chanson, album de l’année) et même deux Grammy Awards pour chacun de ses derniers albums, Crooked Tree (cf. juillet 2022) et City of Gold (septembre 2023). Sentiment d’abandon accentué parce que la parution de So Long Little Miss Sunshine a aussi correspondu à la dissolution de son groupe Golden Highway, un des plus talentueux (et le plus sexy) de ces dernières années. Ce serait oublier un peu vite que, si la formation de Molly s’est faite par le bluegrass, elle avait sorti avant Crooked Tree et City of Gold deux disques qui n’avaient rien de bluegrass (When You’re Ready et l’album de reprises But I’d Rather Be With You) et un EP (Rise) qui ne l’était que très partiellement. Quant au split de Golden Highway, il était sans doute inévitable avec le succès des albums solo de Brownyn Keith-Hynes et Shelby Means et la sortie prochaine de celui de Kyle Tuttle. A part I Love It, reprise du duo suédois Icona Pop (ne vous inquiétez pas, moi non plus je ne connaissais pas – j’ai écouté l’original, c’est très différent de ce que Molly en a fait), la jeune artiste californienne a écrit toutes les chansons, la plupart avec Ketch Secor (Old Crow Medicine Show), les autres avec Kevin Griffin (chanteur de Better Than Ezra, je ne connais pas non plus). A côté de chansons sentimentales, il y a cinq titres très intéressants par leur texte. Everything Burns et Summer of Love (avec une double évocation des Beatles dans le refrain et le pont) traite de l’état du monde actuel et de son évolution. Rosalee est une murder ballad (plus rock que ballade en fait) avec un point de vue décalé (pour une fois, ce n’est pas un féminicide). Deux textes sont beaucoup plus personnels, Story of My So-Called Life et Old Me (New Wig) dont le refrain a donné son titre à l’album. C’est une chanson de rupture de Molly avec elle-même qui pourrait aussi évoquer l’évolution de sa musique (mais je suis persuadé qu’elle reviendra au bluegrass à l’avenir). Musicalement, l’album est complètement dominé par la guitare acoustique de Molly. Elle joue toutes les intros et tous les solos, sur fond de batterie, basse et claviers (beaucoup de B3). Le fiddle et la mandoline de Ketch Secor sont relégués au second plan, voire à peine audibles. Seul son harmonica surnage dans Old Me (New Wig). La moitié des titres est assez rock avec une bonne touche pop donnée par la reverb sur la voix de Molly. Les parties de guitare sont excellentes dans The Highway Knows, That’s Gonna Leave A Mark et Old Me (New Wig). Dans Rosalee, Molly utilise sa technique clawhammer adapté à la guitare qui a en partie fait sa réputation et dans Everything Burns elle recycle magnifiquement des plans de hard rock. Le monde du bluegrass pleure peut-être Molly Tuttle mais celui de la musique rit toujours. 


 

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