mercredi 17 janvier 2024

L'Art (selon) Romain, par Romain Decoret

 

Alex MILLER

"Country" (Billy Jam Records)

Tout a changé à Nashville. On ne vend plus de disques ou CD, tout se calcule en streamings (plusieurs trillions) et les fans sont désormais des swifties, adorateurs de Taylor Swift. Heureusement le jeune Alex Miller est un spécialiste country, grand songwriter et attaché aux valeurs traditionnelles. Il chante les histoires d’amour entre cowgirl et cowboy dans Girl, I Know A Guy, les tâches de la vie de ranchero avec Puttin’ Up Hay ou la vie sudiste dans When God Made The South. Produit par Jerry Salley dans les studios Gorilla’s Nest du réputé ingénieur du son Chris Latham, Alex Miller a réuni les meilleurs musiciens actuels de Nashville. La steel-guitare de Mike Johnson évoque un train dans l’intro de Every Time I Reach For You pendant que le fiddle de Jenee Fleenor attise les flammes du desesperado abandonné. Pas moins de trois guitaristes acoustiques: Joel Key, Kerry Marx et Alex Miller lui-même, pour accompagner la lead électrique de James Mitchell. Gettin’ Lucky In Kentucky évoque l’État dans lequel Alex Miller est né. Il participe à une course de chevaux et gagne son pari, ainsi qu’une nouvelle fiancée. Un nouveau venu qui a joué au Ryman’s Auditorium ainsi qu’au mythique Bluebird Café où il est réputé pour son jeu de scène. Bientôt en France? (Romain Decoret

 

Charlotte MORRIS

"Wild Child" (CM Music)

Née en Pennsylvanie , cette jeune chanteuse est une spécialiste de la musique des Appalaches et de la folk-music. Charlotte Morris s’est installée à Nashville où elle a enregistré Good Kind Of Hurt, son précédent album. Pour ce second CD, elle s’est consacrée a des thèmes difficiles mais authentiques: les syndromes post-traumatiques et les addictions qui en découlent. Elle a observé la vie des Nashvilliens et autres en voyageant dans son minibus aménagé. Ce disque a été enregistré à Omnisound et au Castle Studio de Nashville avec son violon, sa guitare acoustique, celle de Larry Flint et le piano de Dane Bryant. Deux bassistes et un batteur forment une section rythmique de qualité. Les titres ne sont pas tous dramatiques: Tennessee est dédié à l’État où la musique est la plus intense, Wild Child réunit toutes ses influences personnelles, de Joni Mitchell à Brandi Carlile. Elle évoque dans If My Heart Had A Say son premier groupe, Lonesome Traveler qui la conduisit à s’installer à Music City. Charlotte Morris joue du fiddle (ce n’est pas la même technique que sur un violon académique) depuis l’âge de 4 ans. Ce disque montre bien son évolution, de l’enfant sauvage (Wild Child) à une femme tout aussi sauvage. (Romain Decoret

 

Dom MARTIN 

"Buried In The Hail"( Forty Below Zero / Distrib. Bertus) 

Tout change et parfois s’éteint dramatiquement: disparition des grands festivals (Lolapalooza, Burning Man), diminution des ventes de guitares; savoir-faire poétique. Qui aujourd’hui sait faire la différence entre l’assonance et une allitération ? Heureusement des guitaristes et chanteurs comme Dom Martin se lèvent pour changer les chose. Martin vient de Belfast et son jeu évoque aussi bien Rory Gallagher que John Martyn ou Van Morrison. Il. a aussi cette flamme poétique irlandaise inimitable. Son troisième disque Buried In The Hail (Enterré sous la grêle) évoque des commentaires tout comme le second: prochaine grande star, rare talent. Voici enfin un vrai successeur de Rory Gallagher qu’il ne cherche jamais à imiter. Le disque a été enregistré par Chris O’Brien et Graham Murphy au Golden Egg Studio de Dublin.avec le bassiste Ben Graham et le batteur Jonny McIllroy. Les compositions de Dom Martin sont impeccables: Unhinged, Daylight I Will Find ou Howlin’. Il reprend adroitement Crazy de Willie Nelson via Patsy Cline. Depuis 2019, Dom Martin a été nommé Album de l’année et a créé la sensation au festival d’Omaha, présenté par Joe Bonamassa. Espérons avoir le privilège de le voir bientôt sur une scène française… (Romain Decoret

 

Peter DEAVES

"Ceol Agus Grá" (Fargo / Le Poulpe)

Peter Deaves est un folk-singer né à Liverpool mais il a beaucoup voyagé et souvent : Californie, Colombie et aujourd’hui il vit à Fontainebleau. Ce disque explore ses racines celtiques et d’anciennes formes de vie: Ceol Agus Grá signifie Musique et Amour en gaélique. Il ne s’agit pas d’un disque de ballades irlandaises, bien que les natifs de Liverpool aient toujours été proches de la verte Erin, les instruments sont acoustiques mais plus proches de la country-music: lap-steel, banjo, mandoline, flûte et contrebasse. Les influences de Peter Deaves sont Townes Van Zandt, Rick Nelson et Elvis Presley, pour ses vocaux amples et profonds sur Opening Night en duo avec la chanteuse folk Bobbie. C’est une tentative réussie de recréer d’autres fameux tandems tels Nancy Sinatra / Lee Hazlewood ou Bobbie Gentry / Glen Campbell. De même le fingerpicking de Liverpool évoque Clay Pigeons par John Prine. Mais un natif de la Mersey ne peut échapper à l’influence des Beatles qui sont souvent évoqués dans Nowhere Boy ou Fallin’. La nostalgie de son enfance mène au superbe Bury Me Under The Mersey. Une cohérence étendue jusqu’à la pochette du CD, illustrée par une typographie empruntée au film Barry Lindon. (Romain Decoret

 

Ashley SHERLOCK

"Just a Name" (Ruf Records)

Ce disque a été enregistré à Nashville au cœur de l’hiver dans un moulin transformé en studio, le groupe serré autour d’un petit chauffage électrique.et de la guitare Stelfox électrique d’Ashley Sherlock. Guitariste, chanteur et songwriter, ses influences sont les Red Hot Chili Peppers, Jeff Buckley et Guns’N’Roses jusqu’à Marcus King, Chris Stapleton et Gary Clark Jr. Mais il va plus loin, il a intégré les leçons du thrashing et la virtuosité du legato... Dear Elisabeth rappelle Jeff Beck. Trouble doit beaucoup à Slash et Guns’N ‘Roses. La guitare est précise et la voix est acérée comme un couteau dans I Think That She Knows et Our Love. Il réussit la une vision moderne des sons du Deep South, avec ses vocaux fantastiques, son jeu de guitare virtuose et ses compositions personnelles. Ashley Sherlock est originalement de Manchester et après plusieurs années et des centaines de shows en solo il a avec ce disque formé son propre trio: mélodies vocales et section rythmique funk pour créer un son unique. On le verra probablement en France dans le futur. En attendant, il tourne avec la caravane de Ruf Records en compagnie de Will Jacobs et Ally Venable… (Romain Decoret

 

KRASNO / MOORE PROJECT

"Book Of Queens" (Universal / Concord)

Eric Krasno de Soulive et Stanton Moore de Galactic ont partagé la scène plusieurs fois en 25 ans. Chacun a obtenu un Grammy Award et joué avec de nombreux artistes en studio ou sur scène. Eric Krasno est un guitariste de Buffalo, NY alors que Stanton Moore est un batteur de New Orleans. C’est Krasno qui a eu l’idée du disque: interpréter en instrumental des chansons rendues célèbres par des chanteuses. Il a sans doute été inspiré par un disque de reprises des Beatles qu’il avait sorti voici quelques années. De son coté, Stanton Moore a fait venir de New Orleans Branford Marsalis, Cory Henry et Robert Randolph. Les titres choisis couvrent une longue période: You Know I’m No Good d’Amy Winehouse, Slow Burn de Kacey Musgraves, Stay High de Brittany Howard mais aussi le siècle précédent avec Fever de Peggy Lee ou A Natural Woman d’Aretha Franklin. Il y a aussi Nina Simone ou Sharon Jones. L’important est la pulsion funky de Stanton Moore qui a été élevé en écoutant les Meters, le Dirty Dozen Brass Band ou Professor Longhair. Le son est soul mais neuf; à la fois familier mais différent de tout ce ce qui a été entend avant. (Romain Decoret)

 

Mitch RYDER

"The Roof Is On Fire" (Ruf)

Mitch Ryder est semblable à la mythique Zone 51 du Nevada. Il n’attire pas l’attention mais il est le créateur du Detroit Sound original et il a inspiré le MC5, les Stooges, jusqu’à Nirvana, Metallica et les Foo Fighters. Ce double CD live a été capté pendant sa dernière tournée en Allemagne. Il réunit autour de lui, aussi bien de jeunes musiciens que des vétérans expérimentés venus des Detroit Wheels, son groupe original. L’intégrité, la haute énergie et le self-respect vont de pair avec une évolution quantique. Le premier titre, Betty’s Too Tight est évi-demment une relecture de Betty Lou’s Got A New Pair Of Shoes. Tough Kid est du pur Detroit Sound avec un interplay fabuleux entre le batteur Tobias Ridder et le guitariste Pitti Piatkowski. Le point fort est dans les reprises: Tuff Enuff des Fabulous Thunderbirds de Kim Wilson & Jimmie Vaughan, Heart Of Stone des Rolling Stones et le super-funky From A Buick 6 de Bob Dylan. Il n’hésite pas à reprendre Many Rivers To Cross de Jimmy Cliff et termine avec une version de 16 minutes de Soul Kitchen des Doors. Masterful! (Romain Decoret

 

Bernard ALLISON

"Luther’s Blues" (Ruf)

Avec ce double CD, Bernard Allison célèbre la musique de son père, allant du Chicago blues le plus funky au zydeco le plus essentiel. Bernard a choisi lui-même les titres en compagnie de son frère Luther T. qui est aussi son manager. Les titres sont de Luther Allison, parfois pro-duits par lui-même, d’autres fois par Bernard, certains par Jim Gaines ou David Z. Mais c’est Bernard et sa guitare Gibson ou Blade qui jouent le plus souvent. Hang On est co-écrit par le père et le fils. Too Many Women vient de séances pour Funkifino, album de Bernard Allison. Move From The Hood a été écrit spécifiquement par le regretté Luther pour Bernard, tout comme Life Is a Bitch. Le groupe actuel de Bernard est composé de George Moye, Eric Roberts et Matt Mwangi. Les chansons de Luther sont plus orientées vers le funk-rock que le blues traditionnel dans lequel il a été élevé à Detroit et Chicago. "I JUMP the blues" disait-il. Il a transmis cette attitude à Bernard, plutôt que copier ce qui avait été fait avant. Un superbe CD pour fêter le 30ème anniversaire de Ruf Records, label ami de Luther & Bernard Allison… (Romain Decoret)

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