mardi 26 septembre 2023

Du Côté de Chez Sam, par Sam Pierre

 

Josh GRAY

"Walk Alone" 

Après un EP sans titre en 2015 et Songs Of The Highway en 2019, Josh Gray nous propose un album de dix chansons, Walk Alone. Le titre reflète mal le son du disque qui apparaît dès Radio Stations comme un bel effort collectif. "On m'a dit / D'innombrables fois / Ne sais-tu pas / Que tu ne seras jamais connu / Mais je me connais très bien / Parfois on doit / Marcher seul" (Walk Alone, la chanson). Seul mais bien entouré par notamment Julio Matos (basse), Jason Munday (batterie), Sean Thompson (guitare), Brett Resnick (pedal steel), ou encore Ian Miller (claviers) et Kenzie Miracle (fiddle), Josh avance sans se retourner sûr de sa force et son art. À l'écoute, un nom me vient immédiatement à l'esprit, celui de Lee Clayton qui vient de nous quitter. Une chanson comme Money Or Blood (très rock) illustre particulièrement mon propos. Comme lui, il se situe à la croisée des chemins folk et rock, blues et country. Comme lui, il a une véritable qualité d'écriture qui en fait vite sa signature, alternant entre des ambiances un peu sombres (Cheyenne) et plus légères (She Thinks The World Of Me), avec un détour par New Orleans (Mystic Queen). Sur ces deux derniers titres, on peut entendre l'accordéon de Micah Hulscher. Lorsque s'égrènent les dernières notes de Building Paradise (chanté en duo avec Morgan Conners), on ne peut que se féliciter que nos amis néerlandais de Continental Record Services aient choisi de distribuer Walk Alone en Europe. Le songwriter de Nashville (qui est né à San Francisco et a grandi dans le Maryland) a un bel avenir devant lui et, s'il marche seul, je parie que nous serons nombreux à le suivre. 

 

Erin VIANCOURT

"Won't Die This Way" 

Née et élevée à Cleveland, Ohio, Erin Viancourt a grandi en écoutant Patsy Cline, Jerry Jeff Walker, Asleep At The Wheel, The Desert Rose Band, Eddy Arnold, John Denver, Dean Martin et situe elle-même sa musique comme faisant partie du monde de la country music à la fois traditionnelle et moderne. Il ne faut pas longtemps pour tomber sous le charme d'Erin et, dès les premières notes de Cheap Paradise, ode aux plaisirs simples de la vie et premier titre de Won't Die This Way, on est séduit et on ne va pas être déçu par la suite. Crazy In My Mind est un honky-tonk alors que Straight Down The Line a un côté country-funk revigorant. Des titres comme Old Time Melody et le très folk Mountain Boy sont plus paisibles et permettent d'apprécier le côté sensuel de la voix d'Erin. Le disque, produit par Kyle Dreaden et Erin Viancourt, a été enregistré à Nashville et publié sur Late August Records, label de Cody Jinks qui a participé à l'écriture du morceau-titre. Treize titres en tous constituent ce bel album, dix ont été écrits par Erin en collaboration alors qu'elle s'est chargée seule de Pray, Old Time Melody et Letters To Waylon (particulièrement touchant). On appréciera aussi B24 avec la pedal steel de Mike Daly, Should've Know Better, tout en retenue avec un solo de guitare (Jake Lenter) qui exprime une forme de colère. Won't Die This Way est un album plein d'énergie qui sait offrir à l'auditeur des moments de respiration, à l'image du dernier titre, Beautiful Night For Goodbye, un coup d'essai dont on sent qu'il a été mûri pendant longtemps avant de voir le jour et que l'on a envie d'écouter encore et encore. 

 

Les CHICS TYPES

"Comme Si" 

Voici Comme Si, sixième album du sympathique gang lyonnais Les Chics Types, composé de Christian Biral (chant, guitares), Éric Corbet (saxophone), Jean-Yves Demure (batterie), Pierre Nony (claviers) et Cédric Vernet (basse, harmonica). Si les racines du groupe se situent dans le territoire blues et rock (voir le morceau d'ouverture, Don't Let It Go), nos cinq amis ne cachent pas que la (bonne) chanson française fait aussi partie de leurs influences, comme le prouvent Les filles de l'aurore, reprise de William Sheller, et Quand la terre se dérobe, un moment très fort de l'album coécrit par Cédric Vernet et Christian Biral avec Kent. Ce dernier ajoute sa voix, avec Hélène Piris au violoncelle et aux chœurs. Le résultat fait penser aux meilleures productions de Claude Putterflam (Système Crapoutchik, Ilous & Decuyper). La nostalgie, jamais triste, comme un écho au phénomène vintage, a doit de cité avec En 504 aux accents sixties, Our Last Summer, bande-sonore d'une époque révolue, ou encore Ferme les yeux. Pour Ce qui se passe, avec un piano très rock 'n' roll, les Chics Types font sonner amplificateurs et guitares, gravant sur disque un titre qu'ils jouaient déjà sur scène. Dernier Western, dernier titre de l'album, trace un constat doux-amer sur une Amérique qui a perdu son âme et un monde qui se meurt lentement, c'est le scénario d'un film jamais tourné qui aurait parfaitement illustré la Dernière Séance d'Eddy Mitchell. La qualité de Comme Si tient bien sûr à celle des compositions et au talent plein de fraîcheur des musiciens, mais il ne faut pas oublier le sixième homme du groupe, le producteur et ingénieur du son québécois Frédéric Pellerin (alias They Call Me Rico) qui ajoute à l'ensemble quelques guitares, chœurs, percussions et claviers. 

 

Colline HILL

"In Between" 

Colline Hill (un pseudonyme, évidemment), est une Bretonne du Morbihan qui a posé ses valises et sa guitare du côté de Liège (Belgique) et qui s'exprime en Anglais. Après deux albums orchestrés (Wishes en 2012 et Skimmed en 2015), elle a publié Shelter, un EP de sept titres, en formule guitare-voix. L'accueil réservé à ce disque l'a sans doute convaincue qu'elle avait choisi la meilleure recette pour nous proposer son folk mélodieux et sensible tout au long des douze titres de In Between. Cette qualité est perceptible dans le jeu de guitare, mais aussi dans la voix, plus grave et mieux posée que jamais. La réalisation (enregistrement, mixage, mastering) a été confiée à Géraldine Capart qui réussit ici un véritable travail d'orfèvre. Colline cite parmi ses influences John Denver, Jim Croce, Patty Griffin, Karen Carpenter ou Eva Cassisy. S'il fallait se risquer au jeu hardi des comparaisons, je citerais Anne Vanderlove (une Néerlandaise adoptée par la Bretagne) pour les artistes de langue française et Tracy Chapman pour le folk anglophone. Elle partage avec ces deux-là un pouvoir émotionnel qui s'appuie sur ces deux piliers essentiels que sont la sincérité et l'authenticité. Le titre de l'album, In Between, est un peu le fil rouge de l'album. Cet état intermédiaire, cette sensation d'être entre deux mondes, entre deux personnes, suscite beaucoup de questions, souvent sans réponse, que l'on retrouve au long des douze chansons du disque. Dès le premier titre (premier extrait diffusé aussi), Make It Your Own, on en a un aperçu: "Resteras-tu ici ou vas-tu suivre ta voie? Resteras-tu ici ou vas-tu me suivre pour un autre jour? Et le présent est la réponse à beaucoup de questions que tu gardes ensevelies au plus profond de ton cœur". Comment réagir quand la vie bascule (Out Of The Blue), quand on ne sait pas exprimer ce que l'on ressent pour quelqu'un d'autre (Lonely, We Won't Be Friends)? Ne croyez cependant pas que ces questions que tout un chacun se pose confèrent une ambiance lourde à l'album. Si le pessimisme est l'envie de tout laisser tomber est parfois présent (Fare Thee Well), l'optimisme sait reprendre ses droits (Make It Your Own). De manière plus globale, il faut souligner la qualité de l'écriture, rare pour une francophone qui s'exprime en Anglais. Écoutez par exemple Winter, Kate, What If, Mary Jane. Et si Colline nous affirme que la vie est en permanence un forme d'aventure (Life's A Ride), elle termine In Between avec une mélodie d'un autre temps (An Outdated Song), pour montrer qu'elle n'oublie pas ses racines et, en même temps, remercier celles et ceux qui l'ont soutenue et apprécient sa musique. J'en fais désormais partie, au premier rang (avec un remerciement particulier à Tony Grieco qui m'a fait connaître Colline Hill). 

 

Hank WOJI

"Highways, Gamblers, Devils and Dreams" 

Hank Woji est à classer dans la catégorie des auteurs-compositeurs à l'ancienne, de ces troubadours qui chantent pour raconter des histoires et faire passer des messages. Jusqu'à présent, il avait cinq LP à son actif: Medallion (2005), American Dreams (2008), There Was A Time (2010), Holy Ghost Town (2013) et The Working Life (2014). S'il chante essentiellement ses propres compositions, les quelques reprises qu'il a enregistrées en disent long sur les idées qu'il défend. Il s'est ainsi fait l'interprète de Woody Guthrie (Deportee), Victor Jara (Plegaria A Un Labrador - Prière à un paysan), Tracy Champan (Talkin' Bout A Revolution), Bruce Springsteen (Factory). Cet expatrié du Jersey Shore a écumé pendant longtemps les scènes de l'Amérique du Nord, en qualité de bassiste pour divers groupes, de la Virginie à l'Ontario, avant de devenir un rat du désert basé désormais à Terlingua, Texas. Son nouvel album, Highways, Gamblers, Devils and Dreams, est double et comporte vingt-trois titres dont les reprises de I Ain't Got No Home (Woody Guthrie), I'll Be Here In The Morning (Townes Van Zandt), Sitting In Limbo (Jimmy Cliff) et Land Of Hopes And Dreams (Bruce Springsteen). Si l'on sent l'influence d'autres Texans (de souche ou d'adoption), tels que Townes ou Steve Earle, Hank nous offre ici un véritable panorama des musiques américaines, majoritairement folk et rock, avec des incursions vers le Tex-Mex, le Dixieland, le gospel ou le country & western traditionnel. L'album commence avec Don't Look Back et un autre titre de facture plutôt classique avant I Ain't Got No Home où viennent chanter Jimmie Dale Gilmore et Butch Hancock (Flatlanders). Avec I'm Gonna Hit The Number, les guitares s'électrifient pour le titre le plus rock de l'album où le piano de Radislav Lorkovic se fait entendre de belle façon. Pour I'll Be Here In The Morning, l'autoharpe et la mandoline de Karen Mueller viennent accompagner la guitare, le banjo et l'harmonica de Hank (sans oublier les harmonies de Jaimee Harris). Sitting In Limbo avec le sousaphone de Thomas Helton prend des accents Dixieland alors que I Don't Like The Rain évoque un certain Pete Seeger. Land Of Hopes And Dreams, avec la présence de cinq vocalistes et de riches orchestrations, devient un véritable hymne de plus de sept minutes où la voix pleine de conviction et l'harmonica de Hank, avant de laisser la vedette au fiddle de Jeff Duncan, sont soutenus par le rythme infernal de la batterie de Michael Mimza. Tous les titres cités jusque-là figurent sur le disque 1, assurément le plus fort. Ce ne signifie pas, loin de là, que le second CD soit mauvais, il est simplement plus varié avec parfois un ton plus léger, à l'image de la première chanson, le guilleret Runnin' With The Devil, très country, suivi de The Quid Pro Quo Rag, tout aussi joyeux avec le retour du sousaphone. Start Building Bridges sonne comme The Band de la belle époque et on retrouve des intonations de Pete Seeger dans Corporations Are People (avec la Telecaster de Bill Kirchen). Signalons encore le gospel Take Of Burden To The Lord And Leave It There pour refermer ce bien bel album avec Peace Unto You, une guitare, une autoharpe et trois voix, avec des harmonies à la Crosby, Stills & Nash.

 

Alex MILLER

"Country" 

Après un premier LP, Miller Time, présenté en ces colonnes en mars 2023, Alex Miller revient avec un EP de cinq titres dans lequel il déclare sa flamme à la musique qu'il aime et, tout simplement, intitulé Country. On commence avec Girl, I Know A Guy (coécrit par Walt Aldridge, Tim Rushlow et Danny Orton), chanson d'amour avec son lot de fiddle (Jenee Fleenor) et de pedal steel (Mike Johnson), tout ce qu'Alex aime dans la country music. Avec When God Made The South (C.Aaron Wilburn, Jerry Salley et Lee Black), on a un texte purement country que le producteur (Jerry Salley) a emmené dans une tout autre direction, très rock, quelque part entre George Strait et Kiss (?). Les trois autres titres ont été écrits par Alex et Jerry. Every Time I Reach For You nous ramène au temps des ballades à la Keith Whitley, alors que Puttin' Up Hay (écrit avec l'aide de Larry Cordle) raconte, avec renfort de fiddle et de guitare wah-wah (James Mitchell), la simple histoire d'un garçon qui ramasse le foin et récolte un peu de miel. Pour finir, Alex nous propose le plat de résistance de ce trop court festin, Gettin' Lucky In Kentucky, mélange de western swing et de guitar picking du Kentucky (sic), ode du chanteur à la country music traditionnelle. Encore trop peu connu par ici, Alex Miller symbolise plus que jamais le futur de la country music et l'on attend avec ce que ce grand jeune homme de tout juste vingt ans nous concocte pour demain.

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