mercredi 28 décembre 2022

L'avis d'Alain par Alain Kempf

 

 L'Avis d'Alain 

 

WATKINS FAMILY HOUR

"Vol. II" 

Cri du 💚

Cette “famille” est un projet centré sur Sara Watkins et son frère Sean, respectivement violoniste et guitariste (et tous deux chanteurs) du légendaire groupe de bluegrass Nickel Creek (qui ressuscitera pour quelques concerts en 2023). Entourés d’invités divers (et généralement prestigieux), ils se produisent depuis vingt ans de manière très épisodique sous le nom Watkins Family Hour, en parallèle à leurs activités (par exemple le trio I’m With Her dont fait partie Sara). Cet album, comme son nom l’indique, n’est que le second sur cette longue période; il se compose de onze reprises de morceaux de styles divers, enregistrés avec des orchestrations variées, avec un grand talent instrumental et vocal de tous les (nombreux) participants et beaucoup d’inventivité. Les trois premiers morceaux sont des choix audacieux et rendent d’emblée l’album à la fois inclassable et mémorable. Tout d’abord The Way I Feel Inside, un morceau du groupe pop britannique The Zombies qui date de 1967, avec un arrangement vocal splendide. Ensuite Hypnotized, d’un obscur groupe de rock "indé" californien, avec un orgue lancinant, puis Pitseleh d’Elliott Thomas (un rocker décédé en 2003) aux remarquables arpèges de guitare électrique. On aborde ensuite un répertoire plus familier (à mes oreilles, du moins), mais traité de manière toujours originale : Thanks A Lot, le vieux tube d’Ernest Tubb est interprété sur un rythme syncopé à la Bo Diddley. Tennessee Waltz est chanté par Sara avec un accompagnement de piano nostalgique. Des vidéos sont disponibles pour The Late Show, de Jackson Browne, interprété en compagnie de l’auteur et She Left Me Standing on the Mountain, standard des Delmore Bros chanté avec Willie Watson (fondateur de Old Crow Medicine Show). Les amateurs de western swing se régaleront avec Remember Me (I’m The One Who Loves You), jadis chanté par Dean Martin et Johnny Cash: l’association de la pedal-steel de Greg Leisz et du violon de Sara, les vocaux avec la participation de Fiona Apple, tout est parfait! L’album se conclut par une valse country, Grief and Praise de Glen Phillips, qui se transforme en une sorte d’hymne au fil des refrains, avec un chœur où interviennent, entre autres, les Milk Carton Kids. Ce disque a été enregistré en trois jours, ce qui demande une sacrée maîtrise, vu la complexité des arrangements, mais donne aussi une belle spontanéité, avec une œuvre très vivante de la part d’une Watkins Family qui montre son éclectisme. Je n’ai pas regretté le voyage!

 

WE BANJO 3

"Open the Road" 

Ce quartet originaire de Galway (Irlande) est composé de deux paires de frères: les frères Scahill, Enda (banjo) et Fergal (violon) ; les frères Howley, David (guitare et chant lead) et Martin (mandoline). J’ai indiqué leur instrument principal, mais ils sont tous multi-instrumentistes. À l’origine, le groupe était un trio dont tous les membres jouaient (alternativement) du banjo, ce qui explique le nom We Banjo 3. Sur le disque, on entend aussi, selon les morceaux, du bodhrán, de la batterie, de la basse, des flûtes… En 10 ans d’existence et plusieurs albums, We Banjo 3 s’est construit une identité musicale singulière, qui a été qualifiée de Celtgrass : mélodiquement et harmoniquement, le folk irlandais est très présent, mais l’instrumentation et les techniques de jeu empruntent beaucoup au bluegrass. Toutefois, le banjo, particulièrement mis en avant, est essentiellement joué “à l’irlandaise”, en 4 cordes et au médiator et le jeu d’Enda Scahill est très spectaculaire. Toutes les chansons sont remarquablement arrangées, que ce soit instrumentalement ou vocalement. Je conseille de les découvrir sur la chaîne Youtube du groupe, notamment les extraits du concert donné en 2022 au célèbre Merlefest (Caroline du Nord) : Hummingbird, Open the Road, et Garden Song sont ainsi à écouter en version live. Les versions du CD sont tout aussi convaincantes, avec des instruments additionnels. On trouve aussi le clip de Gift Of Life, un morceau particulièrement sophistiqué qui lorgne vers la pop. Mais ma préférence va à l’instrumental The First Second Gentleman; je n’ai pas idée de la signification du titre, mais cette gigue complexe et virtuose vaut le détour. 

 

The RICHARD THOMPSON ACOUSTIC TRIO

"Live from Honolulu" 

Cet album réunit deux légendes du folk-rock anglais des années 60! Richard Thompson était le guitariste de Fairport Convention et mène depuis 1971 une carrière solo de chanteur, avec une discographie abondante, et des prestations innombrables de musicien de studio. Sur son site web il met en évidence une citation du Los Angeles Times : “The finest rock songwriter after Dylan and the best electric guitarist since Hendrix”. En toute modestie… Sur ce disque live, il interprète 13 de ses compositions qu’il chante remarquablement et joue à la guitare acoustique, d’une manière à la fois non-conventionnelle (il joue plutôt comme un guitariste électrique) fort intéressante. L’autre célébrité dans ce trio est le contrebassiste virtuose Danny Thompson (homonyme, mais pas apparenté à Richard) qui a fait partie du Alexis Korner’s Blues Incorporated et surtout du révolutionnaire groupe anglais Pentangle. Plus récemment, il a fait partie des fameuses Transatlantic Sessions avec les stars du bluegrass et de la musique celtique. Le troisième membre du trio est Michael Jerome aux percussions. Nous ne disposons pas d’autres informations sur cet enregistrement publié en 2022: ni l’endroit exact ni, surtout, l’année. Des connaisseurs le situent en 2006, mais en tout cas les participants sont en pleine forme et la musique sort des sentiers battus. Certaines chansons empruntent au jazz et au blues, comme Al Bowlly’s in Heaven, avec un magnifique solo de basse ou Mingus Eyes, dont il existe une version vidéo très proche de celle de l’album, qui vous donnera une bonne idée de la performance. Johnny’s Far Away est un morceau aux couleurs celtiques, Misunderstood sonne rock, One Door Opens nous rappelle le folk anglais de la grande époque, et le jeu de guitare de Richard est splendide sur Waltzing’s For Dreamers. L’interprétation vocale est tout aussi remarquable. 

 

The BROTHER BROTHERS

"Cover to Cover" 

Les harmonies vocales parfaites des frères jumeaux Adam et David Moss font indéniablement penser aux Everly Brothers ou à Simon & Garfunkel, sur ces douze reprises de chansons. L’album débute par That’s How I Got To Memphis et enchaîne sur These Days de Jackson Browne, avec un habillage de steel-guitare. Ensuite vient You Can Close Your Eyes de James Taylor, avec Sarah Jarosz en guest et toujours une orchestration country. If You Aint’t Got Love, moins connu (titre du groupe The Revelers) est plutôt pop-rétro; I Will, des Beatles est joliment orchestré avec du violoncelle et un violon qui joue pizzicato. La grande banjoïste Alison Brown est présente (avec classe!) sur deux titres et les sœurs Price, autres figures du bluegrass, chantent sur un titre jazzy. Tout s’écoute très agréablement et la technique vocale est impressionnante. Le hasard fait que sur cet album figure Waltzing’s For Dreamers de Richard Thompson, dont je venais d’écouter une version Live from Honolulu par l’auteur (CD chroniqué ici également), très rugueuse et poignante, alors que celle des Brother Brothers est toute “propre”, quasiment édulcorée. Même remarque à propos de la reprise très "lisse" du titre de Tom Waits Flower’s Grave. Bref, un disque très joli, mais parfois trop poli! 

 

Amy SPEACE

"Tucson" 

J’avais aimé l’album précédent de la chanteuse-songwriter américaine paru l’an dernier, dont les textes évoquaient le décès récent de son père. Elle a ensuite sombré dans une période de dépression qui lui a inspiré 6 des 7 chansons de ce nouvel album, le disque se terminant par une reprise de My Father’s House de Bruce Springsteen. Tout est bien interprété, dans un registre folk-rock mélancolique, mais musicalement rien ne m’a particulièrement accroché. 

 

Mary GAUTHIER

"Dark Enough to See the Stars" 

D’emblée on est captivé par la voix et la diction singulières de Mary Gauthier, par le texte simple et émouvant de Fall Apart World qui célèbre l’amour en rempart contre l’adversité. How Could You Be Gone, qui parle d’un deuil est dans le même registre, avec des structures harmoniques simples, un refrain facile à reprendre. L’ambiance musicale du disque oscille entre blues, soul, country et gospel avec une belle instrumentation où la couleur est donnée selon les morceaux par l’orgue Hammond, la guitare électrique ou la pedal-steel (voir par exemple la vidéo officielle du morceau-titre “Dark Enough to See the Stars”). On pourra regretter tout de même que les dix chansons soient toutes sur un tempo medium-lent trop uniforme.

 

DEAD HORSES

"Brady Street" 

Dead Horses est un duo basé à Milwaukee, composé de la chanteuse-songwriter Sarah Vos et du bassiste Daniel Wolff, qui sortent leur quatrième album (10 titres). On est dans un style folk-rock plutôt électrique, avec interprétation vocale très convaincante de Sarah Vos. Les morceaux sont construits sur des nappes de guitares qui créent des climats qu’on pourra trouver envoûtants si on accroche ou lassants dans le cas contraire. Vous pouvez vous faire une bonne idée à partir de la vidéo du morceau-titre Brady Street.

 

 

Michelle RIVERS

"Chasing Somewhere"

 Cette chanteuse-songwriter originaire du Montana, mais basée à Nashville, est bien entourée pour ce deuxième album (15 titres) : on y trouve par exemple le légendaire Al Perkins à la steel-guitare ou Barry Bales, le contrebassiste d’Alison Krauss. Le premier morceau Going West est très entraînant et combine l’instrumentation country (pedal-steel, guitare électrique, batterie) et bluegrass (banjo, fiddle). Gone est une autre chanson dans ce style, évoquant les grands espaces. Tout est bien interprété et bien produit, mais l’intérêt des pistes est irrégulier. 

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