mercredi 15 juin 2022

L'art selon Romain (Decoret)

 

Lew JETTON & 61 SOUTH

"Déjà Hoodoo" (Endless Blues Records)

Voici un grand chanteur-guitariste que Dan Auerbach a loupé, sans doute parce qu’il ne l’a pas rencontré. Lew Jetton est né dans le West Tennessee à Humboldt. En 1981 il termine ses études universitaires et présente la météo et le journal télévisé à Jackson, Tennessee. Le légendaire Carl Perkins lui conseille de se consacrer à plein temps à la musique et Lew Jetton est également coaché vocalement par le bluesman Snooky Prior. Dès 1994 il forme le groupe 61 South (oui, CETTE route-là) avec JD Wilkes des Legendary Shack Shakers. De 2000 à 2017, ils enregistrent 4 albums dont les fabuleux State Line Blues et Tales From A 2-Lane. Ces routes du Sud à deux voies, ils les empruntent en permanence pour tourner sans arrêt dans les juke-joints de Paducah, Kentucky jusqu’à New Orleans et Mexico. Le groupe est soudé comme peu d’autres et il teste les chansons devant le public. Waffle House Woman est une favorite des audiences, ainsi que Mexico, Move On Yvonne, l’ironique Who’s Texting You?, ou le très sérieux Will I Go To Hell?. Déjà Hoodoo a été enregistré à Jackson, Tennessee par Wes Hensley, ex-directeur musical du groupe de Carl Perkins. Interventions lumineuses de Bob Lohr, pianiste de Chuck Berry et du spécialiste de Travis-pickin’ Alonzo Pennington. Rock & blues, recommandé à ceux d’entre nous qui sont fatigués des clichés. (Romain Decoret

 

 Robert FINLEY

"Sharecropper’s Son" (Easy Eye Sounda) 

La dernière découverte de Dan Auerbach est ce Louisianais qui n’est jamais là où l’on pourrait s’y attendre. Country-blues? Sans doute, mais il repousse l’enveloppe au maximum, capable de jouer de la soul-funk ou du jazz avec un feeling magnétique. Comme le dit Auerbach: "Robert Finley a une vista musicale impressionnante. Quand il pose sa guitare, il suffit de le mettre en face d’un orchestre et il sonne comme Ray Charles dès la première prise". Finley a eu une vie incroyable, depuis les champs de la ferme familiale en Louisiane, jusqu’à Beverly Hills, l’émission TV America Got Talent et des premières parties de Greta Van Fleet. Découvert sur le tard avec l’album Age Don’t Mean A Thing en 2016, alors qu’il avait 62 ans, il est ici enregistré à Nashville avec l’équipe de blues vétérans du Mississippi d’Auerbach. Kenny Brown, Eric Deaton, Bobby Wood, Billy Sanford et Gene Chrisman. Alors, bien sûr Country Boy, Sharecropper’s Son et Country Child sont du pur country blues qui évoque Lightning’ Slim ou Slim Harpo, mais Souled Out On You et Make Me Feel All Right vont au-delà, dans le royaume du Genius Ray Charles. Alors que All My Hope et Starting To See atteignent la dimension de Sam Cooke. Au moment où vous lirez ces lignes, Robert Finley aura fini sa tournée française en jouant au Trabendo à Paris… (Romain Decoret

 

Early JAMES

"Strange Time To Live" (Easy Eye Sound)

Early James est un pur produit de la scène très particulière de Birmingham, Alabama. A la sortie de son premier album, ce jeune songwriter a été perçu par la critique comme le chaînon manquant entre Townes Van Zandt et Tom Waits, alors qu’en réalité il est dans la tradition de John Prine et de "Hardrock" Gunter, auteur du classique Birmingham Bounce. On pensera aussi à Sturgill Simpson ou Jason Isbell et même à Jerry Reed. Ce second album est bien plus électrique avec un rack de pédales, alors que pour le premier - Singing For My Supper - Early James n’avait amené que sa guitare acoustique. Aucune chanson ne ressemble à quelque chose de déjà entendu et en même temps cette musique est comme gravée dans la pierre d’une tradition établie mais oubliée. Un mix très étrange et créatif avec Tom Bukovac à la guitare (Willie Nelson, Keb’Mo), le batteur d’Allen Toussaint, Jay Bellerose et Mike Rojas au piano. Textes inspirés par les auteurs sudistes comme Faulkner ou Erskine Caldwell. Murder ballads electrifiées avec Dance In The Fire ou folk contemplative sur If Heaven Is A Hotel. Pas d’interdiction de se sentir fou, car les vrais fous sont ceux qui ne doutent jamais d’eux-mêmes, comme Early James le chante dans Straightjacket For Two. Il est rejoint par la chanteuse Sierra Ferrell pour l’incandescent Real Low Down Lonesome. A voir absolument dès qu’il viendra en France… (Romain Decoret)

 

Walter TROUT

"Ride" (Provogue/Mascot Group)

Walter Trout a d’abord accompagné John Lee Hooker, Percy Mayfield, Big Mama Thornton et Joe Tex avant de rejoindre Canned Heat. Puis John Mayall l’engage. De 84 à 90, il forme l’un des meilleurs duos des Bluesbreakers avec le second guitariste Coco Montoya derrière John Mayall. Pendant cette période, il est self-destructif et c’est Carlos Santana qui le sort psychiquement d’une descente aux enfers. On verra que l’influence de Santana porte aussi sur l’évolution de son jeu de guitare, lui déconseillant de se laisser enfermer dans des schémas sclérosés. En 2013, en tournée, un docteur lui annonce qu’il lui reste 90 jours à vivre à moins qu’il ne subisse une greffe du foie. Il le fait et en guérit pour enregistrer l’album Survivor Blues en 2019. Son nouvel album, Ride, tire les leçons de sa rencontre avec Santana et il l’incorpore dans son jeu. Ghosts, High Is Low ou I Worry Too Much sont beaucoup plus que du blues-rock, avec une guitare chantante qui rappelle le "violoning" de Leslie West. Le disque sortira le 19 août. (Romain Decoret)

 

The ROLLING STONES

"Licked Live In NYC" (DVD - Mercury/Universal)

Pour la tournée 40 Licks , les Stones reviennent au Madison Square Garden et le show est ici retranscrit dans son intégralité, en un DVD et deux CD. On retrouve ce qui est le groupe ultime des Stones avec Darryl Jones à la basse, Chuck Leavell aux claviers, le sax du regretté Bobby Keys, Blondie Chaplin, Lisa Fischer et Bernard Fowler aux chœurs et la section de cuivre de Tim Ries, Kent Smith et Michael Davis. Si les greatest hits sont au rendez-vous avec Street Fighting Man, Satisfaction ou Brown Sugar, on appréciera des versions plus rarement jouées de Monkey Man, If You Can’t Rock Me, Thru and Thru, Starfucker et Can’t You Hear Me Knocking. Mieux encore les soundchecks d’Amsterdam en bonus offrent les inconnues Well Well et Extreme Western Grip. Deux autres documentaires en bonus sont intitulés Tip Of The Tongue et Backstage In Boston. Un coffret précieux avec 161 minutes de show incandescent en attendant la tournée française de cet été… (Romain Decoret)

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