vendredi 10 juin 2022

Disqu'Airs par Éric Allart

 

Charley CROCKETT

"Lil’ G.L. presents Jukebox Charley" (2017/2022)

Boulimique de travail, Charley Crockett a sorti avec un rythme intense une pelletée d’albums marquants depuis 2017 qui l’ont propulsé dans le peloton de tête des revivalistes attachés au son et aux styles des années 60-70. Jukebox Charley est une nouveauté et paradoxalement son plus ancien album: il s’agit d’un état des lieux mis en boite en 2017 avec ce qui constituait alors le répertoire "live" d’icelui. Tous les éléments constitutifs de son admirable capacité à singulariser chaque titre sont déjà là, avec un équilibre dans les arrangements et une maitrise qui laisseront pantois les connaisseurs.

Emprunts à Johnny Paycheck et Porter Wagoner, George Jones, exhumation de Six Foot Under obscur bijou de Bob Fryfogle magnifié par l’orchestration des Blue Drifters, on attachera une fois encore de l’attention à la variété des schémas de percussions et de basse, toujours inventifs mais sobres.

La figure tutélaire du Jerry Lee Lewis et de Charlie Rich des années 60 plane sur Home Motel dont vous me direz des nouvelles.

Cerise sur le gâteau, Charley démontre sur ces plages qu’il est probablement déjà le meilleur pour l’usage des chœurs sucrés féminins typiques du Nashville Sound aussi bien que des Raylettes des années 60. On en ressort comme d’un grand voyage pour visiter des amis chers mais distants.

 

 

Vaden LANDERS

"Lock The Door" (2022)

Il n’y aura pas tromperie sur la marchandise, c’est du honkytonk brut qui se tient à l’écart de toute l’artillerie lourde des back-ups metal-red-dirt-pop-grunge que l’on tente de nous faire passer pour de la Country-Music. 

Amateurs des premiers Wayne Hancock, vous trouverez ici du fiddle, de la belle pedal steel, une pincée de slap bass et de lead guitares. Plus classique tu ne peux pas. Mais l’atout tient surtout à l’énergie déployée et à la dimension un peu rugueuse de l’ensemble. Ca ne sent pas la naphtaline compassée et la posture, ça envoie pas mal, les ballades alternent avec du shuffle et des blues yodelés. Ce jeune gars de 27 ans sait d’où il vient et où il va. 

Il compose, écrit, arrange et chante. Le timbre n’est pas policé et la voix n’est pas toujours de celles que l’on retient à la première écoute. Il n’y aura pas de révolution copernicienne et c’est pour cela que l’homme aussi bien que la musique me sont attachants. Rien n’est faux là dedans. 

 

The VIRGINIA CREEPERS

"Little Bird in the Bosque" (2022)

Voici une sympathique formation Old-Time du Nouveau Mexique qui se produit dans la région d’Albuquerque depuis les années 90. Habitués à des petites scènes, du bar et des évènements privés ils nous offrent leur premier CD de 19 titres où sur un rythme sautillant et enjoué ils savent faire vivre la candeur et la chaleureuse simplicité des pulsations de l’ancien temps. 

Si Sail Away Ladies et Billy In The Lowground n’apportent pas de surprise réelle au vu de leur omniprésence dans le répertoire obligé du genre, les 17 autres titres mettent en valeur la richesse harmonique des twin fiddles de Michael Robert et Jane Phillips

Les instrumentaux Grey Eagle et Grigsby Hornpipe donnent une furieuse envie de danser et illustrent le potentiel euphorisant que sait susciter cette musique. 

J’ai été touché par la puissance émotionnelle de Bella Donna Waltz aux accents cajuns. C’est une bande d’amis, qui se pratiquent depuis des années, cela se sent dans l’homogénéité du rendu, une invitation à partager cette sociabilité engageante. 

 

Brennen LEIGH featuring ASLEEP AT THE WHEEL

"Obsessed With The West" (2022)

Nous avions eu une belle surprise en 2009 lorsque Asleep at the Wheel avait mis en boite avec Willie Nelson au vocal un bel album hommage à Bob Wills et aux Texas Playboys (sans oublier Milton Brown) où enfin, on s’était rapproché avec crédibilité du son originel des années 40. Si le projet n’apportait pas grand-chose aux dévots du maître (dont je compte) à cause de son choix de répertoire archi connu, il avait le grand mérite de réactiver un patrimoine trop souvent ignoré des jeunes générations et surtout de prouver la capacité de la bande de Ray Benson à reprendre les gimmicks et arrangements originaux de façon convaincante. 

C’est la même impression qui se produit à la première écoute de cette grande réussite de Brennen Leigh, à la différence que le matériel est original et inédit. 

Bon sang de bonsoir, comme la musicalité de l’ensemble est riche! Le mixage est aussi réussi que le trop méconnu Electrically Recorded de Dave Stuckey, qui, lui aussi avait tenté avec talent de structurer un "all stars band" de Western Swing avec une élite d’instrumentistes en 2000. 

Le Swing est indéniable, la profusion des back-ups de steel, de cuivres, de piano est un régal et puise dans le patrimoine sans que cela paraisse de la copie servile ou du clonage stérile. Au service des chansons, avec la touche de naïveté désuète et parfois les percussions à dessein lourdingues d’une musique hédoniste faite pour danser, l’accompagnement souligne et contextualise les paroles dans le ton, qui auraient pu être imaginées il y a soixante dix ans. Brennen Leigh coule sa voix chaude dans l’ensemble avec humour et sincérité. 

J’avoue en toute partialité mon plaisir à y retrouver Chris Scruggs à la steel, confirmant sa maitrise totale des riffs adéquats, bien plus crédible dans cet environnement, pardon par avance, que les plages habituelles de la grande Cindy Cashdollar. Cet album est le chainon manquant entre les Tiffanys Sessions de Bob et la poignée de disques des Lucky Stars

Ahhh, si tous les derniers album du grand Ray avaient cette qualité ….

2 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. J'adore cette artiste vue sur Equiblues, nous y avons consacré une émission, superbe répertoire , j'ai ainsi découvert qu'elle était une grande amie de Sunny Sweeney

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