samedi 13 août 2022

Du Côté de chez Sam, par Sam Pierre

 

Graham NASH

"Live - Songs For Beginners / Wild Tales" 

En 1970, on ne parlait presque que de Crosby, Stills, Nash & Young. Il y avait eu l'album du groupe, Déjà Vu, le troisième album solo de Neil Young, After The Gold Rush, et le premier album solo (sans titre) de Stephen Stills. 1971 démarrait de la même manière. Neil Young annonçait un double LP live acoustique (qui devait être différé de quelques décennies au profit de Harvest) alors que David Crosby offrait If I Could Only Remember Your Name. En avril, c'était au tour de CSNY de publier en avril le monumental 4 Way Street, enregistré en public. Tous ces albums ayant reçu un accueil triomphal, on se demandait ce que le discret Graham Nash nous réservait. La réponse arriva le 28 mai et se nommait Songs For Beginners, album à l'image de l'homme, à la fois plein de candeur et incitant à la réflexion avec de fortes connotation politiques (Military Madness, Chicago / We Can Change The World). Deux ans plus plus tard, ce fut le tour de Wild Tales, disque pas vraiment encouragé par le le label Atlantic et publié seulement en 1974. En 2019, Graham Nash réunit un groupe de musiciens, dont beaucoup n'avaient jamais joué avec lui, pour quatre concerts (avec seulement trois jours de répétition) afin de jouer l'intégralité des deux albums précités, dans l'ordre initial des titres, avec des arrangement fidèles aux originaux, dans le but de publier l'album live dont il est ici question. Shane Fontayne (guitares, lap steel, orgue, bouzouki, voix), Todd Caldwell (claviers, saxophone ténor, voix), Thad DeBrock (guitares, pedal steel, mandoline, voix), Andy Hess (basse), Toby Caldwell (batterie, voix), Don Caldwell (saxophone alto), Celisse Henderson et Grace Stumberg (voix) donnent ainsi une nouvelle jeunesse à deux albums dont on se rend compte qu'ils ont gardé la même fraîcheur et, souvent, la même actualité, à l'mage de Military Madness, en ce qui concerne les thèmes abordés.

 

Jack WILLIAMS

"A Tickle In My Soul" 

Autre vétéran, Jack Williams porte fièrement cheveux et barbe d'un blanc immaculé. Originaire de Caroline du Sud et établi en Arkansas, il a démarré sa carrière en 1958, alors qu'il n'était encore qu'un teenager, jouant de la trompette jazz et de la guitare classique, avant de se faire une renommée comme guitariste électrique (Peter Yarrow dit de lui qu'il est le meilleur guitariste qu'il ait jamais entendu). Sa carte de visite est impressionnante: il a notamment accompagné John Lee Hooker, Big Joe Turner, Jerry Butler, Hank Ballard, les Shirelles et les Del-Vikings, avant de se consacrer à une carrière d'auteur-compositeur et interpréte. Son premier LP, Highway From Back Home (le seul qui ne soit plus disponible) est paru en 1992. A Tickle In My Soul, son treizième album (il a aussi publié un DVD), est un nouvel enchantement pour ses supporters. Jack a composé sept titres, en a coécrit trois (le premier avec Geoff Bartley, le deuxième avec Donna Mulhollan, le troisième avec sa compagne Judy Smith. Il a aussi honoré deux amis disparus en reprenant If My Eyes Were Blind de David Olney et Affected By The Moon de Chuck Pyle. Jack chante et assure la plupart des parties instrumentales (guitares, évidemment, basse, mandoline et quelques instruments samplés), avec occasionnellement l'apport de Kelly Mulhollan (banjo, mandoline, ukulele, basse, voix), Randy Sabien (fiddle), Judy Smith (mandoline, voix), Donna Mulhollan et Lis Williamson (voix). L'ambiance est calme, avec parfois des moments plus enlevés, aux tonalités jazz, comme We're All Alike (un titre de 2003 revêtu de nouvelles paroles) et Swing High. Songs In My Head et Goodbye ont des accents de musique classique, alors que Old Solid Gold Rock & Roll est un clin d'œil à la musique et au mode de vie des fifties. Les mélodies sont toujours superbes mais ne font pas oublier la qualité des des textes. Qu'il raconte des souvenirs (Fly Away Home), chante son amour pour Judy (Twilight Song) ou aborde des sujets plus graves (Looking For A Rainbow, When The Light Has Gone), Jack Williams confirme qu'il est un maître et que, les années passant, il continue à se bonifier. 

 

Tom PAXTON, Cathy FINK & Marcy MARXER

"All New" 

Je ne vais pas vous faire l'affront de vous présenter Tom Paxton (85 ans bientôt et soixante ans de carrière). En revanche, on connaît moins ses deux partenaires avec qui il avait déjà enregistré Live In The UK en 2003 (disque en public constitué uniquement de compositions de Tom). La différence est qu'ici il n'y a que des titres inédits (d'où le titre All New), enregistrés en studio ou sur scène et tous composés par Tom et Cathy. Cette dernière chante et joue du banjo et de la guitare alors que Marcy chante et joue toute une palette d'instruments (guitare acoustique, guitare à résonateur, mandoline, washbord, cittern, banjo-violoncelle, banjo-uke). Il faut aussi noter le travail de Kimber Ludiker (fiddle et mandoline occasionnelle) et Alex Lacquement (basse et harmonica). "Le disque est une collection de vingt-huit chansons, écrites par deux vieux amis lors de sessions hebdomadaires d'écriture par Zoom alors que le confinement lié au COVID avait pris le le pouvoir. Il se trouvait que ces deux amis avaient du talent". Les thèmes abordés sont variés avec parfois du pur Tom Paxton comme Pete's Shoulders (The Power Of Song) dédié à Pete Seeger, To The Ones Who Gave It All (émouvant trio a cappella) ou encore Trump Lost, Biden Won, titre de dix-sept secondes et onze mots: "One great truth beneath the sun, Trump lost and Biden won" (une grande vérité sous le soleil, Trump a perdu et Biden a gagné). Mais ce disque est bien celui d'un trio, Cathy et Marcy ne jouant pas seulement les accompagnatrices de talent mais étant à leur juste part placées sous les projecteurs, Tom restant souvent en retrait (Dry Times, The Freedom Of Forgiving, Friends Like These, Me Too). On ne peut que s'émerveiller à entendre ce disque, car si chaque membre du trio a dépassé l'âge commun de la retraite, si la voix de Tom est parfois fatiguée, à aucun moment, on ne sent l'affaiblissement de l'enthousiasme et de la joie de vivre et de chanter. We're Still Here n'est pas qu'une déclaration, c'est une réalité. Folk, bluegrass, swing et mélodies celtiques se mélangent allègrement et Now, Not Then, qui conclut le premier CD est lui aussi chanté a cappella. 

 

Randy Lewis BROWN

"Wind Of Change" 

Comparé aux artistes précédents, Randy Lewis Brown est un gamin puisqu'il n'a que 70 ans et n'a débuté sa carrière discographqiue qu'en 1997 avec le groupe Jealousy Motel avant d'aborder une carrière solo en 2006. Wind Of Change n'est que son quatrième album solo, paru sur Berkalin Records, le label de Brian Kalinec, gage de qualité. Pour ce disque, Randy à confié les manettes d'ingénieur du son et de producteur (et de batteur) à Merel Bregante qui a connu la gloire avec Loggins & Messina, il y a lontemps de cela. Les douze compositions du disque sont originales, DeSoto Parish Nights, le premier titre évoque l'ambiance des chansons de Guy Clark, alors que l'ouverture de Highway 84 (coécrit avec Randy Palmer) me fait penser à Riders On The Storm des Doors. Je peux encore citer This Old Car, Living Is Hard (coécrit avec le talentueux Terry Klein), Wind Of Change ou Warm Wind mais il n'y a aucune composition simplement moyenne sur cet album. La voix chaude de Randy est mise en avant par les talentueux Mark Epstein (basse), Pete Wasner (claviers), Dave Pearlman (steel guitar, dobro et lap steel), Cody Braun (fiddle et mandoline), sans oublier le violoncelle de Dirje Childs (partenaire au sein de Jealousy Motel) ni les harmonies de Sarah Pierce. Randy nous explique ce que Wind Of Change représente pour lui: "Si j'ai appris quelque chose pendant mon court séjour sur terre, c'est que tout n'est que changement. Rien ne reste jamais pareil. Chaque chanson ici, à sa manière, est à propos du changement: la naissance, le vieillissement, la mort, la déception, les débuts, les fins et toutes les autres petites choses qui rappellent que nous ne sommes pas aux commandes. J'atteins 70 ans avec la sortie de ce disque et je voulais résumer les choses d'une certaine façon en vous donnant ma vision du monde à ce stade de ma vie". 

 

Jeff FINLIN

"Soul On The Line" 

Jeff Finlin est un artiste plutôt prolifique puisque Soul On The Line est son treizième album depuis 1991. Il a d'autres cordes à son arc et a écrit plusieurs livres (le dernier, Lightbox, poésie et prose, vient de paraître. Il varie aussi les ambiances musicales. Après The Guru In The Girl enregistré aux Pays-Bas avec les seuls BJ Baartmans et Sjoerd van Bommel), il est de retour chez lui, à Fort Collins, dans le Colorado (même s'il est né à Cleveland, Ohio, petit-fils d'un émigré irlandais, travailleur ferroviaire) pour enregistrer dix titres qui confirment son grand talent et nous font nous demander pourquoi sa notoriété n'a pas, ou si peu, franchi nos frontières. Nos presque voisins néerlandais, et en particulier le label Continental Record Services ne s'y sont pas, eux, trompés. L'ambiance du disque est plutôt sombre, très marquée par les angoisses du moment. Inutile donc de préciser qu'il s'agit d'un album qui incite plutôt à réfléchir qu'à faire la fête. C'est comme "une nouvelle musicale qui serpente spirituellement, émotionnellement, politiquement et écologiquement pour trouver notre destin écrit avec amour dans les étoiles". Musicalement, le disque est très électrique. Aux côtés de Jeff qui joue de la batterie (son instrument d'origine) et des percussions, des guitares et du piano on ne trouve que Taylor Tesler (basse), Joe V. McMahan, Eben Grace et Eric Straumanis (tous trois au guitares électriques) et Brian Keller (cuivres et accordéon). Si le disque est sombre, il ne bascule pas dans le pessimisme larmoyant et témoigne même d'une belle détermination à l'image du très rock Misery Man, du plus calme Round In The Circle ou du lancinant Hearts On High, au titre qui est presque un manifeste. S'il vous plaît, ne passez pas à côté de ce grand songwriter et, si vous avez le temps, plongez-vous dans sa discographie, il y aura forcément un album (et même davantage) pour vous séduire. 

 

 
"This Mess We're In" 
 
Deux ans après le pourtant excellent Die Midwestern, Arlo McKinley semble avoir atteint une autre dimension avec This Mess We're In. L'équipe de musiciens autour du producteur et guitariste Matt Ross-Spang est la même, mais quelque chose semble avoir changé, comme une confiance nouvelle audible dans la voix et qu'il sait faire partager à l'auditeur. Le fait que le disque ait été enregistré aux studios Sam Phillips a sans doute aussi inspiré le songwriter et son groupe. C'est l'album plus serein d'un homme qui a lutté contre ses addictions et qui, après le décès de deux amis proches et de sa mère au moment de la sortie de son album précédent, veut voir l'avenir avec plus d'optimisme. I Don't Mind (le premier titre) est à cet égard révélateur. Parmi les titres les plus remarquables, This Mess We're In, porté par le piano de Rick Steff apparaît comme comme un moment de beauté qui irradie l'ensemble. Sur la plupart des titres, l'importance des fiddles de Jessie Munson doit être relevée, c'est le cas notamment pour les deux chansons précitées ainsi que Back Home, I Wish I et What You Want Me. On n'oubliera pas non plus de souligner la qualité de la production de Matt Ross-Spang, qui perçoit et transmet parfaitement les attentes d'Arlo, ni son travail aux guitares qu'il partage avec Will Sexton. À l'écoute de ce disque, on comprend mieux que jamais pourquoi John Prine était un fan d'Arlo et combien cette soirée de 2019, où John était venu assister à son concert à Nashville, a inversé la courbe du destin de son jeune confrère.

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