jeudi 24 juillet 2014

Paul Siebel

Woodsmoke And Oranges

(Texte publié dans le blog Blue Umbrella le 13 février 2006)


Né en 1937 à Buffalo (New York), Paul Siebel n'a publié que deux albums: "Woodsmoke and Oranges" en 1970 et "Jack-Knife Gypsy" en 1971. Un album live enregistré en 1978, avec David Bromberg et Gary White, fut certes publié en 1980, Paul Siebel continua bien à se produire dans de petits clubs jusqu'au milieu des années 80, mais il retomba vite dans un anonymat qu'il n'avait sans doute jamais réellement désiré quitter.  

Paul Siebel, adolescent, passait des nuits entières à écouter à la radio Hank Williams, Jimmie Rodgers ou Hank Snow. Il acquit sa première guitare dont il devint un pratiquant autodidacte. À partir de 1960 il chanta et joua dans des endroits tels que Fort Knox (Kentucky), Fort Eustis (Virginia) et même… Nancy (France).  

De retour à Buffalo en 1962 il joua dans les clubs locaux avant de vivre à New York à compter de 1964 et de se produire régulièrement à Greenwich Village dès 1965 dans des endroits tels que "Four Winds" ou "Gerde's Folk City" où il fit l'ouverture de prestations de José Feliciano, pour sa première apparition rétribuée en 1966.

En 1969, il enregistra les maquettes d'une vingtaine de titres qui séduisirent le patron d'Elektra Records, Jac Holzman. Ce dernier n'avait cependant pas la conviction que Siebel avait une réelle volonté de réussir dans le "business", ce en quoi l'avenir lui donna raison. Il lui alloua donc un budget réduit pour réaliser un album en 4 sessions de 3 heures. Effectivement, 2 heures de répétitions et 4 soirées d'enregistrement donnèrent naissance à "Woodsmoke and Oranges", coup d'essai, coup de maître et quasiment chant du cygne de Paul Siebel, entre folk et country.

 Avant de connaître Paul Siebel, je l'ai découvert par des reprises: "Louise" par Plainsong ou Linda Ronstadt, "She Made Me Lose My Blues" par les Flying Burrito Bros ou Rick Roberts, "Bride 1945" par Ian Matthews. Et lorsqu'en 1975 je découvris au Marché Malik (Puces de Clignancourt) le précieux vinyle, je n'hésitai pas à me fendre de quelques francs pour en faire l'acquisition. Et pour l'amateur de Bob Dylan et de Gram Parsons que j'étais, ce fut un véritable choc. J'avais rarement entendu (et cela est resté limité à quelques grands) une œuvre me faisant une telle impression, immédiate et durable à la fois. Et plus de 35 ans après sa publication, je peux réécouter le disque en éprouvant les mêmes sensations que la première fois. Tout y est: les mélodies, les textes, la voix, les arrangements. On sent que l'artiste a mis dans son enregistrement tout ce qui est en lui, son cœur et son âme, comme s'il avait voulu tout dire, pour ne pas avoir à le refaire.
 
Chaque moment de l'album exprime une urgence en partie sans doute favorisée par les conditions de l'enregistrement.

Il faudrait citer les 10 titres, tellement chacun est fort et touchant, tour à tour tendre et acide. J'ai personnellement un faible pour les sublimes ballades que sont "Then came the children" ou "Long afternoons", mais des morceaux plus enlevés comme "Nashville again" ou "She made me lose my blues" n'ont rien à leur envier, et je peux en dire autant de chacun des autres.



"Jack-Knife Gypsy", publié peu après, est encore un album d'excellente facture, même si le souffle exceptionnel qui porte chaque note de "Woodsmoke and Oranges" a un peu faibli. Et puis vint le silence.
 


WEA a eu l'excellente idée de rééditer ces deux disques en un seul CD en 2004 (toujours disponible en 2014). C'est peut-être la dernière occasion de découvrir celui dont un critique écrivit:
"Like John Prine, Siebel is a singer/songwriter who has serious things on his mind, but doesn't forget to write memorable melodies to accompany the words. Although he'd never outdo his work on Woodsmoke and Oranges, few artists ever craft an album this good".

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