vendredi 29 août 2025

Bluegrass & Co., par Dominique Fosse


 

Kristy COX

"Let It Burn" 

Les albums de l’Australienne Kristy Cox se suivent et se ressemblent, et il n’y a pas de raison de s’en plaindre. Jerry Salley est un peu moins présent dans ce disque. Il produit Let It Burn mais n’en a écrit que trois chansons (contre neuf pour Shades of Blue – cf. avril 2022). La plupart des titres sont des compositions originales de songwriters en vue (Lisa Shaffer, Pat McLaughlin, Honi Deaton, Josh Shilling). On retrouve quasiment les mêmes musiciens depuis plusieurs disques: les excellents Jason Roller (fiddle, guitare), Justin Moses (dobro, mandoline) et Aaron McDaris (banjo). Le seul nouveau venu est Jeff Partin (basse). Beaucoup de chanteuses bluegrass privilégient les ballades. Kristy Cox fait tout l’inverse avec cinq chansons à des tempos très rapides qui permettent à ses musiciens de montrer tout leur talent. Le swing This Side of Blue, Steady As The Rain de Dolly Parton (seule reprise de l’album – très bien chantée par Kristy), The Wrong Girl (avec d’excellents solos), l’énergique Let It Burn et Some Things Don’t Go Together sont toutes de belles réussites. Kristy et ses musiciens sont tout aussi à l’aise avec le countrygrass Broke Down In Georgia, la jolie ballade In My Dreams (coécrite par Kristy) et Sally Flatt qui reçoit un arrangement plus dépouillé. L’album souffre juste de l’uniformité des harmonies vocales qui apportent plus de volume que de couleurs aux refrains (Steady As The Rain excepté). Kristy Cox a donné quelques concerts en Europe au printemps dernier. Ceux qui ont pu l’entendre (même si c’était certainement avec des musiciens différents) ont eu de la chance. 

 


 

Andy STATMAN

"Bluegrass Tracks" 

Le nouvel album du mandoliniste Andy Statman n’a pas grand’ chose à voir avec le précédent, Monroe Bus, qui fut Cri du Cœur dans le Cri du Coyote n° 161. Son titre, Bluegrass Tracks, correspond bien à son contenu alors que Monroe Bus, malgré son titre cette fois, avait peu à voir avec le genre initié par le père du bluegrass: il s’agissait de compos de Statman dans lesquelles lui et Michael Cleveland donnaient libre cours à leur virtuosité, accompagnés par des claviers et une batterie. Pour Bluegrass Tracks, Statman a réuni un groupe bluegrass complet avec Bryan Sutton (guitare), Ron Stewart (banjo), Mike Bub (contrebasse) et Byron Berline (fiddle) dont c’est certainement l’un des derniers enregistrements. Le colosse de l’Oklahoma est décédé en 2021. Bluegrass Tracks comprend deux compositions de Monroe (Stoney Lonesome et Brown County Breakdown), deux traditionnels (Bile ‘Em Cabbage Down et Katy Hill) et huit compositions de Statman. On connait le goût de Statman pour l’impro. S’il en abuse dans Stoney Lonesome, c’est plutôt bien dans d’autres titres, Katy Hill et surtout Charleston Ramble, et il s’en abstient complètement dans les morceaux les plus lents (qui ne sont pas les plus intéressants). Il y a de belles interventions de tous les solistes et les duos de fiddle de Berline et Stewart font partie des meilleurs moments de cet album (Sycamore Street et Starday Hoedown en particulier). Tim O’Brien chante un couplet de Bile ‘Em Cabbage Down, Ricky Skaggs ajoute une seconde mandoline sur deux titres. Il y a un bon riff sur le blues I Wouldn’t Do It. Bluegrass Tracks est inégal mais, selon votre humeur, ce ne sont pas forcément les mêmes titres qui vous plairont à chaque écoute. 


 

 

The PO’ RAMBLIN’ BOYS

"Wanderers Like Me" 

Depuis qu’ils ont été élus "Révélation de l’année" par IBMA en 2018, les Po’ Ramblin’ Boys figurent parmi les plus en vue des jeunes groupes spécialistes du bluegrass classique (avec High Fidelity, the Kody Norris Show et Seth Mudler & Midnight Run principalement). Jereme Brown (banjo), CJ Lewandowski (mandoline) et Laura Orshaw (fiddle) jouent tous très bien, avec un son superbe, et dans le plus pur style traditionnel. Quelques solos de Josh Rinkel (guitare), moins courants dans ce contexte, s’inscrivent bien dans l’ensemble. The Po’ Ramblin’ Boys ont la chance d’avoir quatre chanteurs. Le chanteur principal est CJ Lewandowski. Une tessiture aiguë et une bonne présence rendent sa voix idéale pour ce style (Wanderers Like Me, Clouds in My Mind, The Condition of Samuel Wilder’s Will). Rinkel a un chant moins tendu, un registre un peu plus grave (The Old Santa Fe, Smokey Mountain Home). Brown est un pur tenor (Streets of Chicago). Les trois voix se complètent bien et les trios sont des modèles du genre. Ils interprètent entièrement à trois voix Lonesome Pine. J’aime moins la voix de Laura Orshaw. Elle a un style qui me semble daté. On peut considérer que c’est raccord avec la musique des Po’ Ramblin’ Boys mais je préfère nettement les titres interprétés par ses trois compagnons. Je ferai le même reproche aux Po’ Ramblin’ Boys que pour l’album précédent, Never Slow Down (avril 2022). S’il est difficile à un groupe pratiquant ce style traditionnel de montrer beaucoup d’originalité, je trouve quand même que ça manque de personnalité, d’éléments marquants. Le répertoire est pourtant en très grande partie original avec sept des dix titres signés ou cosignés par Rinkel et deux autres composés par un couple d’artistes amis (Clyde et Marie Denny), mais aucun n’a de signature particulière (Wanderers Like Me et Streets of Chicago se distinguent légèrement). La chanson qui m’apparait la plus remarquable est la seule reprise, The Condition of Samuel Wilder’s Will, un titre de Damon Black popularisé par les Osborne Brothers et qui doit beaucoup au motif de fiddle de Laura Orshaw dans la version des Po’ Ramblin’ Boys.


 

 

PITNEY MEYER

"Cherokee Pioneer" 

Un article de dix pages sur un groupe inconnu (Pitney Meyer) dans le numéro d’avril de Bluegrass Unlimited, il ne m’en a pas fallu plus, sans même vraiment lire l’article, pour commander son album. Piney Meyer est en fait un duo composé du guitariste chanteur Mo Pitney et du banjoïste John Meyer. Le temps de recevoir l’album en question, je me suis aperçu que j’avais déjà entendu Mo Pitney (bien) chanter la partie de basse du gospel Jordan dans le dernier disque de Darin & Brooke Aldridge et qu’il s’agissait d’un jeune chanteur country prometteur. De son côté, John Meyer a fait son apprentissage avec le groupe de Clay Hess et Band of Ruhks (Ronnie Bowman, Kenny Smith, Don Rigsby – pas mal !). Le moins qu’on puisse dire (écrire en l’occurrence), c’est que Cherokee Pioneer ne vaut pas dix pages d’article malgré la présence de bons musiciens (Nate Burie, mandoline; Jenee Fleenor et Ivy Phillips, fiddles). Deux titres lents sont très bien chantés par Pitney, le nostalgique White Corn Graves avec un arrangement presque réduit à la guitare et au fiddle, et Blue Water. J’aime aussi la seule reprise, Seminole Wind de John Anderson avec un bon arrangement typique du bluegrass (bon solo de Burie). Dans le même style, Trail of Tears et Banjo Picker sont agréables, même si cette dernière composition emprunte vraiment beaucoup au gospel Hot Corn, Cold Corn. Pour le reste, les harmonies vocales sur les gospels Lord Sabbath et Walk in the Way ne procurent pas de grand frisson, pas plus que la voix de Pitney sur le sentimental Old Friend. Mourning Dove, un midtempo bluesy beaucoup trop classique et je ne trouve pas les harmonies sixties de Bear Creek City réussies. Une moitié d’album sympa, ça ne valait pas plus de trois pages. 


 

 

MEAN MARY

"Woman Creature (Portrait of a Woman, Part 2)" 

Mean Mary est une artiste singulière, surtout connue comme banjoïste (c’est avec un banjo qu’elle pose le plus souvent, notamment sur la pochette de Woman Creature). C’est en fait une talentueuse multi-instrumentiste, chanteuse, auteur-compositrice et même romancière. Woman Creature doit être son dixième album. Les deux premières chansons sont sombres, voire inquiétantes, une atmosphère créée par les percussions et les chœurs dans Revenge, et par un banjo entêtant dans Woman Creature, chanson dans laquelle Mary fait rimer coyote et Don Quichotte (ce qui nous réjouit). Dans le même genre presque glauque, l’épique Murder Creek me rappelle Ode to Billie Joe. C’est une murder ballad revisitée, longue de 8 minutes, bien arrangée avec un banjo qui émerge dans une rythmique presque rock. Il y a des influences irlandaises dans l’instrumental Sweet SpringMary double fiddle et banjo 6 cordes (en duo sur une partie du morceau) et dans son chant scandé dans Oh Jane où elle joue un picking de banjo proche de ce que peut faire Jens Krüger. Mr What a Catch I Am associe rythmique caribéenne et chœurs dans le style de Johnny Clegg & Savuka. Mary passe au flamenco pour Portrait of a Woman avec encore un jeu de banjo original. Les trois autres chansons sont moins intéressantes, plus convenues, encore que le banjo et la guitare électrique s’entrecroisent habilement dans la valse Frozen Strings. Mary James (c’est le vrai nom de Mean Mary) a tout écrit ou coécrit. Elle a une large palette vocale qui lui permet d’être à l’aise dans tous les genres qu’elle aborde. Une artiste très originale qui mérite d’être découverte.


 

mardi 22 juillet 2025

Du Côté de Chez Sam, par Sam Pierre

 

Suzy THOMPSON

"Suzy Sings Siebel Volume 1" 

Il était temps que quelqu'un rende hommage à Paul Siebel, le songwriter de Buffalo, disparu en avril 2022. Certes, les reprises de ses titres abondent, de Bluegrass 43 à Jerry Jeff Walker, en passant par Iain Matthews (avec ou sans Plainsong), Emmylou Harris, Linda Ronstadt, Bonnie Raitt, The Flying Burrito Brothers, Eric Andersen, Ralph McTell & Wizz Jones, Kate Wolf, The Flatlanders, et tant d'autres, mais personne, à ma connaissance, n'avait enregistré un album entier de ses compositions. Ces dernières sont rares: vingt-et-une chansons réparties en deux albums, auxquelles s'ajoute Spanish Johnny, interprétée en duo par Emmylou Harris et Waylon Jennings mais jamais enregistrée par Paul lui-même. Suzy Thompson nous propose aujourd'hui Suzy Sings Siebel Volume 1, fort de dix titres dont un inédit, You Don't Need A Gun, que Paul avait enregistré mais jamais publié et que le producteur Peter Siegel a offert à Suzy pour cet album. Suzy est familière des chansons de Paul Siebel depuis les années 1970 et s'est replongée dedans lors de la crise liée à la pandémie, en interprétant quelques-unes dans des concerts en ligne, et même reprenant l'intégralité des titres de Woodsmoke And Oranges dans l'un d'entre eux. Paul Siebel, âgé et en piètre santé, a eu l'occasion de voir un de ces concerts par l'intermédiaire d'un de ses amis et en fut ravi. Un mail s'ensuivit: "Paul a aimé ton concert. Il a souri, pleuré, chanté tout au long. Il veut que tu l'appelles, donne ton numéro de téléphone, s'il te plaît". Suzy et Paul ont ainsi eu quatre conversations longues et intenses avant la mort du songwriter, le 5 avril 2022. Voilà pour l'histoire derrière le disque. Ce dernier est produit par l'ami Jody Stecher et nous offre un casting de première classe. En plus de Suzy (chant, guitare et fiddle) et de Jody (mandoline, guitare, voix), on rencontre Cindy Cashdollar (lap steel et dobro), John Sebastian (harmonica), Molly Mason et Mark Schatz (basse), Bill Evans (banjo), Kate Brislin (kazoo, voix), Eric Thompson (guitare National) et Michaelle Goerlitz (batterie). Quant aux chansons, elle trouvent une nouvelle vie, avec de nouveaux arrangements, et de Bride 1945 à Long Afternoons, en passant par LouiseNashville Again, ou Any Day Woman et sonnent comme des classiques intemporels qui permettront peut-être à Paul Siebel de connaître une gloire posthume, cette gloire pour laquelle il n'était pas fait et qu'il a rapidement fuie, nous léguant une œuvre inachevée, mais parfaite.


 

 

Ben de la COUR

"New Roses" 

Cela fait déjà quelques années que Ben de la Cour souffle son "americanoir" au creux de nos oreilles et qu'il suscite grand intérêt. Autant dire qu'après l'excellent Sweet Anhedonia paru en 2023, ce New Roses suscitait beaucoup d'attentes et d'espoirs. Ces derniers ne sont pas déçus, sauf peut-être pour ceux qui pensaient que Ben allait refaire le même album, encore et encore. Il y a en effet une approche totalement différente par rapport aux opus précédent. Tout d'abord, à l'exception du fiddle (Billy Contreras) et de la trompette (Josh Klein), Ben s'est chargé de toutes les parties instrumentales (guitare, basse, batterie, piano, clavier, synthétiseur, darkatron). Quelques harmonies ont été ajoutées par Gin Wife (I Must Be Lonely), Elizabeth Cook (The Devil Went Down To Silverlake), Emily Scott Robinson (Christina) et Misty Harlowe (New Roses). Ensuite, sur le plan de l'enregistrement et du son, tout a changé. Ben a écrit et enregistré l'album, seul chez lui, au cœur des nuits. Il a expérimenté et créé de nouveaux sons en partant souvent de couches de synthétiseurs sur lesquelles il a greffé des touches de guitare électrique ou acoustique, démontrant la qualité de son fingerpicking. Si certains titres sont toujours du domaine du folk (The Devil Went Down To Silverlake, Bad Star, We Were Young Together Once), d'autres prennent une tournure franchement rock (Beautiful Day, Stuart Little Killed God On 2nd Ave.). Avec Jukebox Heart, on croit presque à une résurrection de Jim Morrison et des Doors. Et que dire du traitement infligé à la seule reprise, le célébrissime Lost Highway de Leon Payne que notre ami torture pour en tirer la substantifique moelle au long de plus de six minutes, très loin de l'interprétation de Hank Williams. Juste après, le disque se referme sur New Roses, un moment de beauté calme, comme pour rassurer l'auditeur qui aurait pu être désorienté. Pour ceux qui en voudraient davantage, je les invite à écouter l'excellent album live … And The Crowd Went Wild publié par nos amis italiens de New Shot Records. C'est Ben de la Cour seul avec sa guitare acoustique, seize chansons enregistrées à Londres en juillet 2024, et c'est excellent. 


 

 

Clark PATERSON

"American Suburban" 

Clark Paterson, basé à Nashville est un songwriter dont l'inspiration, entre folk et country, lui vient, entre autres, de Johnny Cash, Charlie Daniels, Hank Williams Jr et Jim Croce. Si son nom ne vous est pas familier, c'est en partie parce que sa carrière a été mise en pause pendant huit ans pour des raisons personnelles, santé et famille, et notamment de sérieux problèmes cardiaques et un divorce douloureux. Le côté positif de cette situation est qu'il a eu le temps et l'inspiration pour composer et peaufiner American Suburban, paru à l'été 2024 et fort de dix titres dont deux coécrits avec Mark Cline Bates (S-10 et Service Dog) et un avec Simon Flory (The Deputy). Si sa voix, légèrement voilée et un peu monocorde, n'est pas ce que l'on remarque en premier chez Clark, les mélodies et les arrangement, souvent teintés de rock, sont remarquables. Il sait également raconter des histoires, oscillant entre une certaine forme de tristesse et un humour teinté de dérision. Clark Paterson, au chant et à la guitare acoustique est ici accompagné d'un casting cinq étoiles, avec en premier lieu Simon Cline Bates (harmonies, guitare acoustique, piano, orgue), John McTighe III (batterie et percussions) et Brian Zonn (contrebasse). Il suffit d'écouter le très vivifiant On The Road 2 Long, où Billy Contreras au fiddle et Pat Bergeson à l'harmonica se rendent coup pour coup, pour en être convaincu. Ajoutez-y la pedal steel de Paul Niehaus pour Love You Till The End ou Good Ole Boy et la voix de Sierra Ferrell pour Drink Till I Die, et vous aurez envie d'écouter l'album jusqu'au bout. Vous pourrez ainsi savourer le très beau (et auto-dérisoire) Man Of The Year et The Deputy qui clôture l'album sur un tempo modéré. American Suburban n'et peut-être pas le disque de l'année (dernière) mais il donne envie de mieux connaître Clark Paterson.


 

jeudi 17 juillet 2025

L'avis d'Alain, par Alain Kempf

 

L'Avis d'Alain 
 

Karoline and the Free Folks

"Bat Girl" 


Une fois n’est pas coutume, c’est d’un vidéoclip musical qu’il est question. Bat Girl est une chanson écrite par Caroline Penot (Karoline), musicienne et chanteuse lyonnaise qui présente ainsi son texte (écrit en anglais), inspiré par ses moments d'insomnie et d'anxiété: "des moments où l'on devient chauve-souris quand sonnent quatre heures du matin, et que tous les monstres de l'esprit attendent derrière la porte, tapis dans l'ombre". Cette ambiance est joliment rendue dans la vidéo. 

Musicalement, Karoline se revendique de l’americana; la rythmique et le son des guitares sont bien dans ce registre. Mais Bat Girl a également un côté pop, avec une mélodie accrocheuse et une structure harmonique riche. La voix et le phrasé de Caroline constituent une signature personnelle. Elle est également une instrumentiste confirmée, ici à la guitare acoustique. Les guitares électriques sont jouées par l’impeccable Jimmy Josse, qui nous régale tout au long du morceau. À la contrebasse, Noémie Charmetant, est très efficace, avec un beau passage à l’archet (Noémie est aussi partenaire de Caroline Penot dans Cow Comino Train, bien connu des amateurs de bluegrass). Enfin, Tommy Rizzitelli assure un jeu de batterie très country.

Bat Girl est aussi disponible en single sur les principales plateformes audio où il sera rejoint le 14 juillet par un nouveau morceau, Bluegrass Left to Share. Je l’ai entendu sous forme de maquette acoustique et on peut s’attendre à un beau résultat final. Le premier album du groupe, Reckless Dances (12 titres, sorti en 2022) est disponible également, avec déjà la même patte musicale bien identifiable. 

 En septembre dernier, Karoline and the Free Folks était en couverture du Country Web Bulletin : si vous voulez mieux connaître le groupe et les projets de Karoline, une interview et plusieurs articles lui sont consacrés : https://www.cwb-online.fr/CWB/144.pdf 

Je me permets d’ajouter un point de vue “backstage” car j’ai eu la chance d’accompagner Karoline sur scène (en compagnie du mandoliniste Philippe Colleu) pour un petit set acoustique lors du European Bluegrass Summit à Prague il y a quelques mois. Bat Girl et ses autres compositions, même en version acoustique très dépouillée, "tiennent la route" et sont des morceaux très intéressants à jouer. Et quelle aisance vocale et instrumentale, c’était vraiment une belle expérience ! Suivez Karoline and the Free Folks, et aussi Cow Comino Train sur les réseaux sociaux pour assister à leurs concerts.

Alain Kempf 


 

vendredi 4 juillet 2025

Bluegrass & Co., par Dominique Fosse

 

Depuis une bonne trentaine d’années, les femmes se sont de plus en plus affirmées sur les scènes bluegrass mais il me semble que leur importance s’est encore accentuée récemment. Après Alison Krauss et Sierra Hull, Cris du Cœur dans la rubrique du mois de mai, ce sont Shelby Means et Heather Mabe (avec son groupe Red Camel Collective) qui sont à l’honneur cette fois-ci. 

 

RED CAMEL COLLECTIVE 

Cri du 💚  

Que font les musiciens de Jr Sisk quand le patron n’est pas là? Ce qu’ils savent faire de mieux, c’est-à-dire un groupe de bluegrass. Leur nom est d’ailleurs tiré d’une chanson de Jr Sisk (The Man in Red Camels, enregistré à une époque où aucun d’entre eux ne faisait d’ailleurs partie du groupe). Red Camel Collective a une base solide puisque Tony (banjo) et Heather Mabe (guitare) jouent ensemble depuis 2011 et avaient leur propre formation avant de devenir les accompagnateurs de Sisk il y a six ans avec Jonathan Dillon (mandoline) - aux côtés de Sisk depuis plus de dix ans - et le contrebassiste Curt Love. Le premier titre, Roll on Mississipi est une version bluegrass et accélérée d’une chanson de Charlie Pride qui nous embarque immédiatement avec sa jolie mélodie, son tempo rapide, l’interprétation splendide de Heather Mabe et les interventions des épatants Tony Mabe et Jonathan Dillon, épaulés par les guests Gaven Largent (dobro) et Stephen Burwell (fiddle). La qualité ne faiblit pas avec cinq très bonnes compositions de Heather, le countrygrass In Spite of Me, la douce mélodie de Daughter of the Stars où le chant de Heather fait penser à Amanda Smith, son interprétation sensible de la ballade All I Need, le tempo d’enfer de Dare to Dream (avec Tony Mabe et Burwell à l’abordage) et le magnifique et plus moderne Sincerity où la voix de Heather mêle douceur et énergie, joliment soulignée par le dobro de Jeff Partin. Le niveau baisse un peu quand Jonathan Dillon reprend un titre de Emerson & Goble (Leaving You and Mobile Too – ce qui évite d’y rester collé) mais remonte instantanément quand Tony interprète superbement Night Coach Out of Dallas (Faron Young) avec une voix de baryton et un phrasé qui font immanquablement penser à Johnny Cash. Heather Mabe ne chante pas que ses compositions. Halfway Down, un blues de Jim Lauderdale n’est pas la chanson qui lui convient le mieux, mais ce premier excellent album s’achève en apothéose avec une autre reprise, Last Time I Saw Him (déjà enregistré par des chanteuses aussi différentes que Dottie West et Diana Ross). Heather alterne le lead avec Suzanne Cox et Sharon White. Les refrains en trio sont dignes des plus belles harmonies des Ronettes ou des Shirelles. Cet album est entré directement à la première place des charts de Bluegrass Unlimited en avril dernier (il y est resté en mai et juin devant Alison Krauss & Union Station) et c’est amplement justifié.


 

 

Joe MULLINS & the RADIO RAMBLERS

"Thankful and Blessed"

  Le répertoire de Joe Mullins & the Radio Ramblers semble s’orienter de plus en plus vers le gospel. Comme Somewhere Beyond the Blue en 2021 (Le Cri du Coyote 170), l’album Thankful and Blessed est entièrement gospel, et plusieurs chansons de Let Time Ride, l’album paru entre temps (Bluegrass & C° juillet 2023), l’étaient aussi. Le groupe a un vrai savoir-faire, tant vocal qu’instrumental, pour ce style de musique mais Thankful and Blessed manque cependant d’originalité pour le répertoire comme pour les arrangements. Le titre qui ressort est une composition de Rick Lang, le swing Even Better When You Listen interprété par Chris Davis (mandoline) qui a une jolie voix claire, et mené par la contrebasse en walking de Zach Collier. There’s a New World a Waiting de Randall Hylton est chanté en quartet a cappella. Bien fait mais pas vraiment excitant, tout comme les autres refrains harmonisés à quatre voix. Il y a une bonne énergie dans One Breath Away, Journey On et No Stone Unturned. On note un bon solo de banjo de Mullins dans He Sees the Little Sparrow chanté par Adam McIntosh (guitare). He Set Me Free est une chanson plutôt quelconque mais elle a inspiré le fiddler Jason Barie. Un album court (10 chansons, moins de 28 minutes) qui plaira aux amateurs de gospel mais ne fera pas date dans la discographie de Joe Mullins & the Radio Ramblers


 

 

The SELDOM SCENE

"Remains To Be Scene" 

Le banjoïste Ben Eldridge, dernier des membres fondateurs à avoir quitté the Seldom Scene (en 2016) est décédé il y a un an, en ayant eu le temps d’écrire les notes du livret de Remains To Be Scene. Cela pourrait apparaître symboliquement comme le dernier lien entre la formation originelle (le groupe est né en 1971) et le Seldom Scene d’aujourd’hui, mais il faut se méfier des symboles et les membres actuels (pour la plupart présents depuis quand même trente ans!) réussissent au fil des disques à conserver l’esprit du groupe, tant pour les arrangements (importance du dobro de Fred Travers) que du répertoire. Comme d’habitude avec Seldom Scene, on retrouve des chansons issues d’autres genres musicaux, Last of the Steam Powered Trains des Kinks chanté par Lou Reid et A Good Man Like Me Ain’t Got No Business (Singin’ the Blues) de Jim Croce, interprété par Dudley Connell. Ce dernier chante aussi Farewell Angelina de Dylan dans une version que je préfère à celle – trop lente – de Tim O’Brien. Une autre chanson de Bob DylanWalkin’ Down the Line – fait le lien avec le répertoire bluegrass puisque the Seldom Scene reprend l’arrangement des Country Gentlemen. Les chansons bluegrass puisent dans le répertoire de Flatt & Scruggs (Hard Travellin’ de Woody Guthrie chanté par Ron Stewart), Don Reno (I Could Cry), Benny Martin (le swinguant The Story of My Life très bien chanté par Connell) et … Seldom Scene puisque Lou Reid reprend (superbement) White Line que le groupe avait enregistré sur l’album Live at Cellar Door du temps de John Starling. L’esprit de John Duffey plane sur les ballades Man at the Crossroads et Lonesome Day qui lui auraient parfaitement convenu. Elles sont ici chantées par Travers, soutenu par de jolies harmonies vocales (une des qualités historiques du groupe). Le gospel Show Me the Way to Go Home avec un refrain chanté à quatre voix complète ce répertoire typique. Remains To Be Scene n’est peut-être pas à la hauteur des premiers albums du groupe ou de Scenechronized et Scene It All mais il perpétue joliment la tradition du son Seldom Scene.


 

 

WATSON BRIDGE

"En Concert Setlist 1" 

Depuis dix ans, le duo Watson Bridge (les chanteurs et guitaristes Isabelle Groll et Jean-Paul Delon), enregistrent la plupart de leurs concerts. Ils ont décidé de nous en offrir les meilleurs extraits, en commençant chronologiquement par 15 titres datant de 2016 à 2019 qui constituent cette première livraison (ils annoncent plus de 50 morceaux, ce qui devrait remplir 3 ou 4 volumes). Il n’y a ici aucun doublon avec leur album studio Orion paru en 2020. C’est tout juste si on retrouve deux songwriters communs parmi les crédits, le quasi inévitable Bob Dylan (One More Cup of Coffee) et Sarah Jarosz (Run Away) – une vraie affirmation de leur identité pour le coup. Watson Bridge a les influences les plus variées, du bluegrass dans toute sa diversité (Bill Monroe, Del McCoury, Alison Krauss) au jazz (Chick Corea) en passant par le folk (Ralph McTell), le swing (Daddy’s Gone to Knoxville de Mark Knopfler), la variété pop anglaise (Katie Melua), la musique tsigane (l’instrumental Hora Lui Buica), la country (Hank Williams, Rodney Crowell), l’americana (Gillian Welch) et les songwriters US (Darrell Scott). Il y a une poignée de titres avec un ou deux musiciens supplémentaires (Dorian Ricaux ou Christophe Constantin – mandoline; Stan Pierrel - guitare électrique; Jean-Marc Delon – banjo). Sinon, c’est deux voix / deux guitares. Jean-Paul a juste rajouté une discrète contrebasse en studio (sauf dans The Lucky OneHubert Dubois joue dans l’enregistrement public). Si la plupart des titres sont connus, Watson Bridge en donne toujours des versions personnelles, grâce au duo vocal (Lovesick Blues, The Streets of London), aux arrangements de guitares (joli fingerpicking pour The Lucky One et Daddy’s Gone to Knoxville, solos en flatpicking pour River Take Me et I Feel the Blues Movin’ In). Ils réinventent aussi les morceaux en accélérant le tempo (Run Away, The Way It Goes et Tear My Stillhouse Down), en mariant Dylan et flamenco ou en chaloupant le rythme d’un vieux standard bluegrass (On and On). 


 

 

Shelby MEANS

Cri du 💚  

 

Dans d’autres genres musicaux, une jeune femme comme Shelby Means aurait certainement pu compter sur son physique pour accéder rapidement à la notoriété. Mais voilà, Shelby aime le bluegrass – un milieu musical où aucune chanteuse connue ne ressemble à un mannequin - et elle a patiemment attendu le bon moment pour enregistrer son premier album solo, faisant son apprentissage comme bassiste de Della Mae puis de Molly Tuttle & Golden Highway, tout en se produisant parallèlement avec son mari Joel Timmons (le duo Sally & George – on les a vus aussi à Bluegrass in La Roche en 2019 avec le quartet Lover’s Leap). Ceux qui déplorent l’arrêt de Molly Tuttle & Golden Highway en plein succès (Molly a complètement changé de genre musical, ce qui ne surprendra que ceux qui ont oublié que ses deux premiers disques solo n’avaient rien de bluegrass) pourront largement se consoler à l’écoute de Streets of Boulder, le premier titre de l’album de Shelby qui sonne comme du plus pur Golden Highway. Guère étonnant car les harmonies sont chantées par Molly et Kyle Tuttle. Shelby était la principale partenaire vocale de Molly dans Golden Highway et elle a une large palette qui lui permet de sonner comme Molly quand elle en a envie. Les harmonies vocales sont pour une bonne part dans la réussite de ce disque. Certains partenaires sont célèbres (Tim O’Brien dans Up on the Mountain, Billy Strings, assez discret mais parfait dans Suitcase Blues). Les chœurs de Rachel Baiman et Kelsey Waldron font toute la saveur de Farm Girl. Joel Timmons (le mari) et Maya de Vitry (la productrice de l’album) chantent dans la moitié des titres. A part Jacob Means, le frère de Shelby qui partage les interventions à la mandoline avec Sam Bush et se révèle excellent (solo dans Streets of Boulder), tous les musiciens sont des pointures: Bryan Sutton (guitare), Ron Block (banjo), Jerry Douglas (dobro), Brownyn Keith-Hynes, Michael Cleveland et Billy Contreras (fiddle) – Shelby est évidemment à la contrebasse. Parmi les titres bluegrass, Calamity Jane et Five String Wake Up ont un petit côté honky tonk. L’excellent Wild Tiger Rag est percutant, avec une énergie rock. Le dobro domine les ballades (High Plains Wyoming). Le seul titre dispensable est une reprise de Old, Old Home de George Jones. Bien joué et chanté mais manquant d’originalité pour une chanson trop souvent entendue. L’autre reprise (Shelby a écrit ou coécrit onze des treize chansons) fait partie des titres plus modernes. Il s’agit de Million Reasons de Lady Gaga, très bien adapté aux instruments bluegrass et chanté, avec les harmonies de Timmons et de Vitry. Fisherman’s Daughter est une jolie ballade assez folk. Il y a un excellent solo de Billy Contreras dans Elephant at the Zoo, une composition jazzy. L’album s’achève très joliment par Joy, autre très jolie ballade avec, encore une fois, des contributions décisives de Timmons, de Vitry et Jerry Douglas. Avec ce premier album, Shelby Means réussit tout: elle écrit de jolies mélodies, elle sait s’entourer des meilleurs musiciens et elle a des qualités d’interprète tant pour les titres rythmés que pour les ballades qu’on ne soupçonnait pas dans son rôle d’accompagnatrice dans Della Mae et Golden Highway. Une talentueuse artiste jusqu’ici dans l’ombre et qui prend très bien la lumière.


 

lundi 30 juin 2025

Disqu'Airs, par Jacques Brémond et Alain Fournier

 

 

Voici encore quelques sorties originales du label Bear Family, lequel, même après 50 ans de productions, trouve toujours, dans les archives discographiques, de quoi titiller notre curiosité: 
https://www.bear-family.fr 

 

Ooh-Eee! What You Do To Me?! - 
Stars, Inc. Rockers and Country Boppers from Atlanta, GA
 

Le tirage de cet album (LP 25 cm), limité à 500 exemplaires, en fait peut-être un futur objet de spéculation chez les amateurs de vinyles puisque ce support semble revenir en faveur d'un tout nouveau public. Dans un petit livret (8 pages) Bill Dahl nous plonge dans les années 1956-57 à Atlanta. Qui a lu l'important ouvrage de Richard A. Peterson (Creating Country Music) sait que, dès les années 1920, cette ville abritait une très vivace scène musicale (enregistrements, radios, maisons d’éditions) qui aurait pu en faire la première "Music City" avant la prédominance de Nashville et sa force de commerce (grâce au financement de son importante édition religieuse, mais ceci est une autre histoire)… On apprend donc que c’est un certain Bill Lowery, d'abord tout jeune DJ qui lance son label (Stars, Inc.) à Atlanta pour promouvoir la mode grandissante du rockabilly naissant. Il a senti qu’une esthétique était en train de prendre son essor auprès des jeunes de son âge. Ainsi découvre-t-on la fraicheur de tels exemples gravés en ce temps-là, avant que les étiquettes du marché imposent leurs catégories: You’re My Baby (The Night Hawks), My Baby Is Gone (Cleve Warnock) ou Did We Have A Party (Billy Brown) et Ooh-eee (What You Do To Me) par Chuck Atha et Ric Cartey. Les genres étant encore proches, Ten Wheels (Billy Barton) est dans la lignée des truck songs et on a même une (très) jeune artiste (Judy Tolbert, 11 ans) dont le I’m Wise To You Baby s'adresse au public adolescent qui fera une bonne partie de la fortune du rockabilly. Intérêt complémentaire pour les historiens musicaux, c'est le (bientôt célèbre) guitariste Jerry Reed qui apporte son talent à plusieurs productions de cet album compilation. Comme presque toujours avec Bear Family: un petit plaisir de la (re)découverte. (JB)


 

 

Rock-A-Ballads - Flipside Dreams And Loving Schemes Vol.1 

Le beau livret de 36 pages (par Bill Dahl) fort bien illustrées, détaille l'origine de ces 32 faces le plus souvent un peu ignorées des radios au bénéfice des titres les plus dynamiques des “rockeurs" placés en face A. Comme souvent dans ce genre de compilation, on trouve sans surprise un mélange d’artistes fort connus comme Patsy Cline (Walkin’ After Midnight), Richie Valens, Ricky Nelson (Poor Little Fool), l’inévitable Elvis Presley [Anyway You Want Me (That’s How I Will Be)], Jack Scott (My True Love), ainsi que Marty Robbins, Ronnie Hawkins, Rudy Grayzell, Ronnie Self, Sanford Clark, Marvin Rainwater... Bref, du beau monde. Reste à chacun de comparer avec sa discothèque pour éviter les doublons. En revanche, on peut supposer que peu d'amateurs auront les plages des inconnus (de moi je l’avoue) Gene Dunlap, Ral Donner, The Chaparrals ou Tooter Boatman. L'album donne plus dans la ballade que dans l'envie de danser, ce qui est sans surprise vu le thème général annoncé - entre rêve et douceurs sucrées - qu’on trouvait au verso des disques (45t), mais on peut, de temps en temps, aimer être bercé entre deux accès de fébrilité agitée du rock ’n’ roll ! (JB


 

 

That'll Flat Git It, Vol.50 - 
That'll Flat Git It! Rockabilly & Rock 'n' Roll 
From The Vaults Of Columbia and Epic Records
 

Jusqu'où s'arrêteront-ils dans les archives? Cinquante volumes (!) ont déjà été édités dans cette série qui mêle encore une fois des artistes “quelque peu oubliés” comme Dick Glasser, Dick Lory, Larry Hart et des stars confirmées des deux labels (Columbia et Epic): Carl Perkins (Pointed Toe Shoes), Johnny Horton (Lover’s Rock, The Wild One), les Collin Kids (The Rockaway Rock, Heartbeat), Marty Robbins (Long Tall Sally, un beau témoin de son ouverture vers le rockabilly, à côté de sa fabuleuse carrière “country") ainsi que Carl Butler ou les Maddox Brothers (avec la toujours très talentueuse Rose). Trente titres présentés dans un livret (36 pages) qui permet de retrouver également des mentions instructives sur Johnny Bond, Little Jimmy Dickens, Lefty Frizzell ou Charlie Adams et qui propose de découvrir des exemples de la jeune génération d’alors tombés dans les oubliettes de l’abondance de la production (Bobby Lord, Rick Tucker). L'histoire quasi officielle et universelle a retenu la prédominance du label Sun dans cette période, mais les "gros labels" et leurs hommes d'affaire du nord (qui ont senti le vent du show business) ont souvent su attraper de bonnes ondes au bon moment. Là encore, listez les apports éventuels pour compléter votre discothèque. Le reste est affaire de (bon) goût. (JB).


  

 


An Evening In Italy -
Dining, Dancing And Romancing The Italian Way
 

En guise de dessert, une curiosité avec la réunion de 28 titres comme des "clichés" sur l'Italie et ses charmes (l'amour en tête) détaillés dans un livret copieux (36 pages). Si le quotidien des uns est l'exotisme des autres, alors nul doute qu'on se sent en vacances avec la plupart des titres qu'on a entendus, mais peut-être pas toujours vraiment écoutés. Qui a échappé à Dean Martin, Louis Prima (Buona Sera), Elvis Presley (O sole Mio améri-canisé), Dion, Paul Anka ou même Mario Lanza (pour les moins jeunes) avec son Ave Maria? Ajoutons un peu de couleur locale avec des artistes de la botte plus ou moins connus: Renato Carosone (lien direct “Italie-USA” avec Tu Vuo Fa L'Americano), Natalino Otto, Fred Buscaglione ou Rocco Granata, et quelques américains dans l'air du temps qu’on découvre avec des qualités inégales: Norman Fox & The Rob Roys, Sharkey and His Kings Of Dixieland ou Camille Howard (O Sole Mio Boogie). Tout cela fait un ensemble léger et pittoresque de ritournelles souvent agréables, en hommage nostalgique à la communauté italienne importante dans les 50's et 60's et un zeste “d’airs de vacances” pour le reste de cette Amérique presque insouciante qu'on peut revisiter avec eux. Bonus coyotesque pour "ceux qui sachent": un clin d'œil à l’ami Jeff Blanc avec Lou Monte qui chante son Pizza Boy U.S.A. (JB)


 

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Randy WALLER & The Country Gentlemen
"Live in Holland"
Des harmonies vocales inspirées, une guitare, une basse, une mandoline et un fiddle...vous ne rêvez pas: c’est bien du Bluegrass! Et quel Bluegrass! Dès les premières notes, je retrouve le son des Country Gentlemen de ma jeunesse: virtuosité, rapidité mais aussi spontanéité. Cette première génération de gentlemen a fait place à une nouvelle - tout aussi talentueuse - emmenée par Randy Waller, le brillant héritier de son père Charlie! La tradition est assurée: bon sang ne saurait mentir… Ces "p’tits jeunes" ne sont plus des pied-tendres au royaume du Bluegrass. Leur assurance face au public va étonner plus d’un vieil adepte du "old Style". et ravir un public qui découvre cette musique chère à Bill Monroe. Ce concert enregistré en 2006 en Hollande par Pieter Groenveld est une merveille tant au point de vue de l’enregistrement que par la conviction des "New Country Gentlemen" à interpréter cet hommage aux Anciens, avec autorité et sans le moindre complexe! Outre les standards revisités avec élégance comme He Was A Friend of Mine ou Copper Kettle on remarquera la sincérité, l’émotion et la justesse de ton de Randy Waller, Mark Delany, David Kirk et Gary Creed face à un public prompt à les suivre sur la grand' route du Bluegrass. Un petit détour par Kris Kristofferson, Dolly Parton et de belles compositions signées David Randall Waller (patronyme complet de Randy) et nous voilà aux anges. Cet album de 22 titres proposé par Strictly Country Records (SCR-96) est un régal. Pieter a eu l’excellente idée de ressortir les bandes "endormies" depuis presque vingt ans et de nous en faire profiter. Une réussite! SCR@PieterGroenveld.com 
Alain Fournier Juin 2025

vendredi 20 juin 2025

Avenue Country, par Jacques Dufour

 

Nick GUSMAN & The COYOTES

"Lifting Heavy Things"

 Je qualifierai ces musiciens de groupe de bars et honky tonks sans que cela soit péjoratif. Il en faut. Le vocal est relativement banal mais le fait de ne pas pouvoir rivaliser avec celui de Randy Travis ou de Josh Turner ne doit pas vous empêcher de chanter. Cet album devrait plaire aux amateurs de "red dirt" car il est nettement plus rock que country. Les guitares électriques débordent trop souvent à mon goût. À noter un bon blues à la John Mayall, une country relativement classique et un très rapide country rock avec harmonica. Le fiddle se fait entendre par deux fois. Un groupe pour faire la fête et boire de la bière.


 

 

Paige PLAISANCE

"Louisiana Lonely" 

Un patronyme français qui s’explique par le fait que cette chanteuse est née dans le nord de la Louisiane près du Mississippi. Elle vit à présent à Austin pour sa carrière. Sa musique est bien country classique avec de légères senteurs de marais qui s’échappent dans Bayou Moon. Sinon le répertoire est plutôt orienté vers des morceaux paisibles qui ne feront pas lever les bottes dans les honky tonks de la capitale du Texas. À l’exception cependant de deux bons country rock et en espérant que Paige en garde d’autres du même acabit en réserve pour ses prestations. Son vocal acidulé se rapproche de ceux d’Emily Nenni et Olivia Harms que l’on a déjà évoquées. 


 

 

Remi MAE

"Remi Mae" 

Chaque bourgade du Texas abrite au moins un artiste de country. Plusieurs s’il s’agit d’une ville. Et comme cet état est nettement plus vaste que la France vous comprenez aisément pourquoi on en découvre tous les jours. Remi Mae Baldwin est auteur-composteur-interprète. L’échantillon de son répertoire qui figure sur ce mini-album est bien varié allant du slow au country-rock avec deux duos en prime sur des titres bien country. L’un avec Sunny Sweeney et l’autre avec Cody Canada, l’ex-leader du groupe Cross Canadian Ragweed.


 

 

Sterling DRAKE

"The Shape I’m In" 

Ce chanteur que je découvre possède au moins trois visages qui plairont à tous ceux qui se moquent des étiquettes. Mais si l’on vous confie la charge de décrire cet album cela vous oblige à faire des petits compartiments dans lesquels vous rangerez les chansons selon ce qu’elles vous inspirent. Sterling Drake possède un vocal très agréable qui convient fort bien à des ballades country conventionnelles. Mais il y en a peu. Un slow relativement intimiste en ouverture interprété d’une façon émouvante laissait augurer une suite alléchante mais on dérive assez vite vers le morbide ou l’ennuyeux. Drake aborde le folk avec de l’harmonica façon Dylan et cet aspect-là est plaisant. On a droit à deux reprises assez inattendues: The House Of Rising Sun sur un tempo plus rapide que la version des Animals, mais loin du vocal de Burdon et sans l’orgue d’Alan Price. Puis c’est un emprunt à Townes Van Zandt pour le seul titre rythmé, White Freightliner Blues, assez réussi. De l’americana au sens très large. 


 

 

The DOOHICKEYS

"All Hat No Cattle"

Il s’agit d’un duo constitué de Jack Hackett originaire d’Atlanta et de Haley Spence Brown qui entraîne des chevaux dans le Missouri. Cette dernière assure le vocal sur la majorité des douze titres et c’est au bénéfice de l’album car elle possède une voix bien plus plaisante que celle de son partenaire. À la base, la paire faisait des sketches car ils sont comédiens. Ils ont eu raison de s’orienter vers la musique car la leur est plaisante, alliant le swing, le country rock et la country plus classique. Le tout avec une abondance de fiddle et de pedal steel guitare. Je regrette de n’avoir pu décrypter tout le sel de leurs compositions car certains titres ne sont pas des plus conventionnels: I Don't Give A Damn About Football (J’aime Pas Le Football), This Town Sucks (Cette Ville Pue) ou Too Ugly To Hitchhike (Trop Laid Pour Faire Du Stop). Ah qu’il était plaisant d’avoir les textes des chansons avec les albums! À découvrir.


 

 

TURNPIKE TROUBADOURS

"The Price Of Admission" 

Bien qu’ils affichent déjà six albums au compteur, les Turnpike atterrissent pour la première fois sur ma platine. Je les écoute donc sans a priori et ressens un véritable coup de cœur pour leur violoniste qui pour moi est leur élément principal. Son coup d’archet est parfois proche du celtique et il est particulièrement remarquable dans les titres bien rythmés, lesquels, hélas, ne sont guère nombreux sur cet album. A un degré moindre je lui associerai le pedal steel guitariste, un peu trop en retrait quand même. Les harmonies vocales sont également intéressantes. Le seul bémol pour moi réside dans le répertoire de ce groupe créé en Oklahoma il y a vingt ans et qui se situe entre country et americana: une majorité de chansons manquent de relief et sont trop longues pour être programmées. Le violon ne sauve pas tous les morceaux. 


 

 

Ward HAYDEN & The OUTLIERS

"Little By Little" 

En entrée en matière, précisions que Ward Hayden est l’ex-leader du groupe Girls, Guns & Glory qui a effectué pas mal de dates en France. Ward Hayden & The Outliers est avant tout un groupe de scène avec un répertoire qui est destiné à mettre l’ambiance : country rock et rock and roll. Mais il y a quand même de la place pour les ballades et le vocal qui n’est pas sans nous rappeler un certain Dwight n’est pas pour nous déplaire. Attendons une prochaine tournée.