mardi 22 octobre 2024

Avenue Country (suite et fin), par Jacques Dufour

 

Josh TURNER

"This Country Music Thing" 

Question: qu’est ce qui ressemble le plus à un album de Josh Turner? Réponse: un autre album de Josh Turner. Le natif de Caroline du Sud dont la remarquable voix de basse fait frissonner l’échine des dames met trop souvent ses effets vocaux au service de chansons bien moyennes. Une seule vraie ballade et un unique titre rapide sur onze, c’est peu. Ce dixième album n’est pas mauvais mais il n’apporte rien et je vous conseille plutôt de vous replonger dans ceux des années 2000 où il nous offrait Your Man, Firecracker ou Long Black Train.

 

Leah SPROUL

"Wild Heart Queen" 

Leah Sproul est ma dernière découverte. Elle est fort mignonne et dans une revue je l’ai vue poser en compagnie d’un matou coiffé d’un stetson. Il m’en faut peu pour que je m’intéresse à une jolie jeune femme! Par un plaisant hasard il se trouve que l’album de cette délicieuse diplômée de l’université du Missouri, section musique, est l’un des trois meilleurs qu’il m’ait été donné d’écouter cette année. Son registre vocal, à la fois souple et puissant, est tout aussi remarquable que la diversité de son répertoire. Elle ouvre sur une chanson new-country pour tromper son monde puis passe à une country rapide, I Don’t Dance, où le violon est à son aise. Suit une ballade bien classique où cette fois la pedal steel guitare prend la relève. La seule reprise est une version supersonique de I’ll Be Gone de Dwight Yoakam. Le slow Sticks And Stones semble sortir de chez Tamla Motown. Darlin’Who nous renvoie dans les années 50 avec ses chœurs à la Jordanaires. Doin’ Fine nous offre un peu d’exotisme avec son accordéon et l’album se referme sur le rapide Wild Heart Queen auréolé de fiddle et de pedal steel. Pas de répit. Que du bon. Un nouveau grand talent sur qui il va falloir désormais compter. 


 

 

Maggie ANTONE

"Rhinestoned" 

Nous recevons une abondance de premiers albums émanant principalement de jeunes chanteuses. Ce qui est de bon augure pour l’avenir de la musique country, tout du moins de l’autre côté de l’Atlantique. Maggie Antone est l’une d’entre elles. Elle est originaire de Richmond en Virginie. J’ignore son âge mais son vocal a quelque chose de juvénile qui n’est pas sans nous rappeler Kimmi Bitter ou une autre chanteuse mentionnée dans cette rubrique. Ses chansons et sa manière de les interpréter me rappelle Kacey Musgraves sur ses premiers albums. Cette première œuvre souffre de l’absence d’un ou deux titres au tempo relevé. Donc, ne pas écouter les dix titres d’une seule traite pour éviter de sombrer dans l’ennui. 

 

Pony BRADSHAW

"Thus Spoke The Fool" 

L’album de cet auteur compositeur est présenté comme un hymne envers les Appalaches. Si vous maîtrisez suffisamment l’anglais et si vous avez parcouru cette région du sud-est des Etats-Unis vous trouverez certainement un intérêt à écouter cet opus. L’accompagnement musical est assez riche avec du dobro, du fiddle, de la pedal steel guitare et de la mandoline. Les rythmes sont variés et le vocal de Pony Bradshaw me fait penser à Dylan, en plus juste. Une bonne découverte. Et si vous ne trouvez pas sublime les 5 minutes 40 du titre final Rebel on vous rembourse votre abonnement au CRI. 


 

 

SWEET MEGG

"Bluer Than Blue" 

Parmi toutes ces jeunes chanteuses de country émergentes il en est une qui est peut-être un peu plus originale que les autres, et même aussi un peu plus traditionnelle puisqu’elle se permet de reprendre quelques classiques et notamment du Bob Wills. Il s’agit de Sweet Megg. Originaire de la ville de New York elle a étudié le jazz à Paris et dans sa ville natale avant de s’établir à Nashville en 2021. Elle a publié deux albums de jazz puis a décidé d’associer la country music à son style de musique initial. Cela nous vaut quelques belles reprises de San Antonio Rose, Please Help Me I’m Falling, Leaving On Your Mind ou encore la ballade bien classique I Wonder Where You Are Tonight. Un seul titre peut être qualifié de jazz pur façon Ella Fitzgerald, Lonesome Hearted Blues. Il s’agit bien là d’un album de country où le violon et la pedal steel guitare sont bien présents mais ils côtoient la trompette et parfois le saxophone. Les musiciens sont remarquables et soutiennent admirablement le vocal puissant de la chanteuse. Assurément une artiste à suivre.

mercredi 16 octobre 2024

Avenue Country, par Jacques Dufour

 

Cyrena WAGES 

"Vanity Project" 

Encore un album qui s’est glissé dans la pile par erreur. Mon rédacteur en chef sait que j’ai un petit faible pour les chanteuses aussi il a tendance à orienter dans mon casier toutes les demoiselles qui lui paraissent évoluer dans la country à la vision de la pochette. Apparence parfois trompeuse. Certes le vocal de Cyrena est accrocheur mais son style musical ne m’a pas envoûté. Imaginez une dizaine de slows ou ballades que je qualifierais de pop/alternative. Aucun rapport donc avec l’objet de cette rubrique. 

 

Eliza THORN 

"Somebody New" 

Un bel exemple d’americana nous est offert par cette nouvelle venue, Eliza Thorn. Son vocal est particulier et sa musique l’est aussi. Une voix de Lolita qui nous rappelle Emilie Nenni ou Kimmie Bitter. On accroche… ou pas. Mais on y décèle une tonalité jazzy qui est notamment en évidence dans l’unique western swing, hélas bien trop court avec ses 2 minutes15, Nobody But You. J’en aurais bien repris un petit deuxième. Autre titre intéressant , I Tried, avec un côté slow et un côté swing, bien appuyé par le fiddle et la pedal steel guitare. Plusieurs chansons sont davantage du domaine de l’alternatif mais avec un piano et du violon. Deux titres sont bien country. À essayer et peut-être adopter. 

 

George DUCAS 

"Long Way From Home" 

Sur un plan commercial George Ducas a mieux réussi en tant que compositeur plutôt que comme interprète. En effet il n’a réussi à obtenir qu’un seul Top 10 en 1994. Par contre ses chansons ont été enregistrées par Sara Evans (un n°1), George Jones, Garth Brooks, les Dixie Chicks ou encore Trisha Yearwood. Ça démontre le talent du bonhomme. Les années ont passé. La country a bien changé depuis les années 90 mais le natif de Texas City est toujours actif. Il a recentré son style sur la country traditionnelle ce qui est loin de nous déplaire. Avec quatre purs honky tonk en ouverture on se dit qu’on tient là le meilleur album de country classique de l’année. Cependant la seconde moitié est nettement plus paisible et conventionnelle. On reste néanmoins bien au-dessus de la majeure partie de la production actuelle nashvilienne. 

 

George STRAIT

"Cowboys And Dreamers" 

George Strait, une valeur sure. C’est comme avec Alan Jackson, un album moyen de ces deux-là se situeront toujours au-dessus de la majorité de la production de Nashville. Aucune usurpation du terme "country". À l’âge de soixante-douze ans et quarante-deux ans après son premier n°1 obtenu en 1982, Strait aurait pu se retirer sur son "front porch", on ne lui en aurait pas voulu. Après trente-six numéros 1 dans sa carrière. Mais la musique c’est sa vie et il continue de battre des records d’affluences lors de ses concerts: 110.905 personnes en juin dernier dans un stade au Texas. Cette dernière œuvre pour moi n’est ni meilleure ni moins bonne que ce qu’il nous a toujours offert. On est loin de l’époque où il nous servait du western swing sur chaque album. Seulement trois titres rapides sur treize sont au programme dont la seule reprise, le Waymore’s Blues de Waylon Jennings qui prouve qu’il a encore de l’énergie. Et l’un de ces trois titres est l’excellent Honky Tonk Hall Of Fame partagé avec l’une des stars actuelles de Nashville, Chris Stapleton. À noter encore le honky tonk The Book et la ballade bien classique Wish I Could. Certes George Strait a fait mieux. Mais nous ne sommes plus en 1987 où il chantait All My Ex’s Live In Texas


 

 

Hannah JUANITA 

"Tennessee Songbird" 

Certaines critiques qualifient la country de Hannah Juanita de traditionnelle. N’exagérons pas. La musique de cette native du Tennessee mais certainement d'ascendance mexicaine, certes country avec ce qu’il faut de fiddle et de pedal steel guitare dans son accompagnement n’a rien de Loretta Lynn. En revanche son répertoire est bien varié, voire parfois original avec par exemple la chanson en ouverture qui est abordée sur un tempo "cashien". Un piano et un accordéon contribuent à rajouter une dose d’exotisme et d’originalité. Le vocal d’Hannah ressemble un tantinet à celui d’Eliza Thorn évoquée dans cette rubrique. Certains peuvent craindre. Pour ma part j’adopte.


 

 

Jesse DANIEL 

"Countin’ The Miles" 

Voici le quatrième album de ce Californien qui figure parmi les jeunes représentants de la country musique traditionnelle actuelle (il n’a que trente-deux ans). Certains parmi vous l’ont peut-être découvert à Equiblues en 2023. À l’encontre de ce qui est devenu la normalité sur les albums country à l’heure actuelle qui consiste à vous abreuver de ballades souvent insipides, Jesse Daniel nous propose une abondance de country-rock, rock and roll et country au tempo trépidant. Il nous réserve quand même une ballade de style bien classique, When Your Tomorrow’s In The Past, dont il partage le vocal avec une certaine Jodi Lyford (son épouse). Peu de honky tonk au sens traditionnel mais tous les ingrédients de la country sont bien là. On ne risque certainement pas de somnoler dans une soirée animée par Jesse Daniel



mercredi 18 septembre 2024

Bluegrass & Co, par Dominique Fosse

 

AUTHENTIC UNLIMITED

"So Much For Forever" et "Gospel Sessions Vol. 2" 

Doyle Lawson & Quicksilver enregistrait un album chaque année, alternant albums gospel et profanes. Formé par trois de ses musiciens quand Doyle a pris sa retraite, Authentic Unlimited fait un choix à peine différent en sortant, tous les deux ans et simultanément, un disque gospel et un disque profane. Les deux premiers étaient parus en 2022 (chroniques de février 2023 et avril 2024 – pas au top de l’actualité sur ce coup-là). So Much For Forever et Gospel Sessions Vol. 2 forment la cuvée 2024. Les albums gospel de Quicksilver ont souvent été plus intéressants que les autres et c’est aussi le cas pour Authentic Unlimited. Dans les deux albums, tout est au cordeau, bien joué, bien chanté, très bien enregistré, pas un poil d’harmonie qui rebique. Mais c’est un peu trop lisse à mon goût, ça manque d’originalité, surtout en ce qui concerne So Much For Forever. L’album commence pourtant très bien avec Big Wheels, un titre rapide, dynamique, une composition du bassiste Jerry Cole, avec des harmonies vocales dans l’hyper-aigu qui captent l’oreille. Cette chanson de camion devrait servir de locomotive à l’album. Elle est d’ailleurs rapidement grimpée au sommet des charts bluegrass. Le titre suivant, Goodbye, est une émouvante chanson sur les difficultés de la séparation. Également écrite par Cole, elle est très bien interprétée par le guitariste John Meador, un tenor avec une voix "tout là-haut", douce sans jamais être mièvre. Je trouve la suite très bien faite mais un peu trop tranquille, avec une majorité de ballades et de countrygrass (Fall in Tennessee avec Jerry Douglas en guest au dobro, Ain’t Got Time avec des percussions), et quand les tempos sont plus rapides, ça manque d’un soupçon d’originalité (Reflection). J’ai préféré à ces chansons les deux instrumentaux, l’élégant A Drive At Dusk du mandoliniste Jesse Brock et le fiddle tune Benfield Line signé du violoniste Stephen Burwell avec de jolis passages en duo fiddle – banjo (Eli Johnston).

Gospel Sessions Vol. 2 n’est pas plus original mais, par nature, le classicisme sied au gospel (rares sont les formations comme The Steeldrivers qui réussissent à s’en éloigner (Tougher Than Nails – cf. avril 2024)). Comme Big Wheels dans So Much For Forever, un titre se détache, Wings Of Love, une des deux compositions signées des cinq membres du groupe. C’est un swing entrainant, avec un bel arrangement vocal en quartet dans le style barbershop, agrémenté d’un duo instrumental entre Brock et Burwell. Un autre quartet (You’ve Been A Blessing To Me) met à l’honneur la partie tenor de Meador et la voix de basse de Jesse Brock. Dans Thank You Lord For Grace, Meador chante un peu dans le style de Jamie Dailey (autre ancien de Quicksilver). Il y a une jolie fin a cappella sur Memories of Home. La ballade To The Cross est interprétée en duo par Cole et Meador. La moitié des titres sont chantés à quatre voix et les Authentic Unlimited maîtrisent parfaitement l’exercice. Pas un chef d’œuvre mais, à part les Steeldrivers, il n'y aura pas beaucoup de groupes en fin d'année pour les concurrencer pour l'album gospel 2024. 


 

 

Béla FLECK

"Rhapsody In Blue" 

Dans le livret qui accompagne cet album, Béla Fleck raconte avoir aimé très jeune et dès la première écoute Rhapsody in Blue de George Gershwin. De nombreux amateurs de bluegrass français ont pu découvrir l’adaptation qu’il en a fait lors de sa tournée européenne My Bluegrass Heart en janvier 2024 (elle est notamment passée par Maisons-Alfort). Cette version intitulée Rhapsody in Blue(grass) a été enregistrée avec les musiciens de la tournée. Elle figure en tête de l’album mais, chronologiquement, c’est la seconde créée par Fleck. C’est pendant le confinement qu’il a entrepris d’adapter au banjo la partie de piano de l’œuvre de Gershwin pour la présenter pour la première fois au public en 2023 avec l’orchestre symphonique de Nashville. C’est ensuite qu’il a pensé à l’adapter avec les musiciens bluegrass qui l’accompagnaient pour la tournée My Bluegrass Heart, Sierra Hull (mandoline), Bryan Sutton (guitare), Michael Cleveland (fiddle), Mark Schatz (basse) et Justin Moses (dobro). Pour compléter l’album, Béla Fleck a concocté une troisième version, Rhapsody in Blue(s) avec Sam Bush, Jerry Douglas (dobro) et Victor Wooten (basse). 2024 étant l’année du centenaire de la création de Rhapsody in Blue, Fleck a ajouté deux œuvres de Gershwin qu’il joue en solo. Rialto Ripples est un ragtime assez connu alors que Unidentified Piece for Banjo n’avait jamais été enregistré. C’est également un ragtime que Fleck joue sur un instrument à cordes en nylon avec la virtuosité qu’on lui connait. Des trois versions de Rhapsody in Blue, ma préférence va très nettement à l’arrangement pour instruments bluegrass. Je trouve la version symphonique artificielle. Il y a plusieurs dizaines de musiciens dont une quarantaine de cordes et c’est souvent déséquilibré à côté d’un banjo qui sonne tout sec parce que la mélodie lui impose de jouer en single string. Béla Fleck n’est pas le premier à s’essayer au mariage d’un instrument bluegrass et d’un grand orchestre (Krüger Brothers, Steep Canyon Rangers). Jusqu’à présent, aucune expérience ne m’a vraiment convaincu. La version bluegrass est magnifiquement arrangée. Les instruments se relaient pour présenter la mélodie. Fleck n’est pas systématiquement en single string comme dans la version symphonique, il y a un long passage en style Scruggs qui fait vraiment le pont entre bluegrass et musique classique. Avec cette œuvre, Gershwin avait l’ambition d’associer musique classique et jazz. Les phrasés jazz sont habilement repris par Cleveland et Moses. Sierra Hull et Bryan Sutton y ajoutent une touche manouche. C’est délicat, virtuose et intelligent. La version blues est une adaptation beaucoup plus libre (et beaucoup plus courte) de l’œuvre de Gershwin. Il y a même un solo de basse de Victor Wooten. Béla Fleck et Jerry Douglas sont en vedette, Sam Bush ayant davantage un rôle rythmique.

 

Chris JONES & the NIGHT DRIVERS

"Pages In Your Hand" 

Avec six titres seulement, Pages In Your Hand est ce qu’on appelle un EP (Extended Playing). C’est le second disque de Chris Jones avec la formation actuelle des Night Drivers soit Mark Stoffel (mandoline), Grace Van’t Hof (banjo) et Marshall Wilborn (contrebasse). Il n’y a que deux titres avec banjo, deux compositions de Chris Jones, dont The Price of Falling, chanson bluegrass typique qui devrait lui valoir une bonne diffusion dans les émissions bluegrass. Carley Arrowood est au fiddle sur le countrygrass Pages In Your Hand. Billy Cardine est en vedette au dobro dans la marche swing Blow Whistle composée par Wilborn. Les Night Drivers reprennent également un gospel peu connu de Ralph Stanley, Step Out In The Sunshine. Chris Jones est un bon chanteur mais à la voix plutôt monocorde. Il a eu la bonne idée de laisser un titre à Grace Van’t Hof (qui joue de la guitare tenor sur les titres où elle n’est pas au banjo). Elle a une voix très particulière, nasale, qui convient aux vieilles chansons country, idéale pour reprendre Those Gambler’s Blues de Jimmie Rodgers



Junior SISK

"If There’s A Will There’s A Way"

Depuis bientôt 30 ans (l’album de Wyatt Rice & Santa Cruz en 1996), Junior Sisk est une des principales voix du bluegrass classique. Typique, nasillarde et plutôt aiguë mais sans excès et avec beaucoup de nuances dans l’interprétation. Après une bonne dizaine d’années à la tête du groupe Rambler’s Choice (qu’il avait fondé avec son cousin le songwriter Tim Massey en 1997 et reformé en 2007 après une interruption consécutive à un accident de la route), Junior Sisk avait décidé en 2017 de continuer en solo. Mais depuis trois albums, c’est la même excellente équipe qu’on retrouve sur ses enregistrements et qui l’accompagne en tournée : Le couple Tony et Heather Mabe (banjo et guitare), le mandoliniste Johnathan Dillon (fidèle depuis Rambler’s Choice) et le contrebassiste Curt Love (depuis 2022 et l’album Lost & Alone – cf. mars 2023). Pour If There’s A Will There’s A Way, ils sont accompagnés par Tim Crouch au fiddle. Un album tous les deux ans, dix titres par album, à peine plus de trente minutes de musique, Junior Sisk ne se tue pas à la tâche mais la qualité est là. Du bluegrass bien rythmé, dynamique avec These Are They et Old Cold Shoulder, du classique typique des thèmes country (Nothing’s Good About Goodbye), une bonne adaptation d’un titre de Roger Miller (A Man Like Me) avec la contribution discrète de Dan Tyminski (même discrétion pour Ricky Skaggs sur le gospel des Stanley Brothers Memories of Mother). J’ai mis un peu de temps à apprécier Long Hard Road (de Rodney Crowell) tant j’ai la version de Nitty Gritty Dirt Band dans l’oreille mais l’interprétation en douceur de Sisk finit par s’imposer et c’est vraiment une jolie chanson. Même phénomène pour Bluegrass Country interprété par Heather Mabe. La version de Del McCoury (sur l’album Del & The Boys, un des chefs-d’œuvre de l’histoire du bluegrass) est tellement splendide qu’il faut être téméraire pour s’attaquer à ce titre. Mais, ici encore, il suffit de quelques écoutes pour apprécier l’excellente interprétation de Heather Mabe. Citons encore What A Wonderful Life, un midtempo rythmé, bien chanté par Sisk. Il y a de jolis trios sur les refrains (These Are They, If There’s A Will There’s A Way), les arrangements sont classiques mais très bien joués. Je n’aurais pas été contre une paire de chansons en plus.
 

 

mardi 20 août 2024

Du Côté de Chez Sam, par Sam Pierre

 

Danni NICHOLLS

"Under The Neem Plum Tree" 

Cinq ans après The Melted Morning (qui avait eu les honneurs du numéro 161 du Cri du Coyote), Danni Nicholls revient avec un album de huit titres (donc court, trop court), Under The Neem Plum Tree. Dès la première chanson, on a l'impression d'entendre un classique de la country music. Et pourtant, Under The Neem Plum Tree, est un titre original que Danni a composé avec Susan Peacock. C'est même le seul inédit puisque, à côté de cinq reprises, Danni réinterprète deux de ses chansons qu'elle avait déjà enregistrées, avec des arrangements et orchestrations différents (Between The River & The Rail Way et Ancient Embers). Les reprises, parlons-en, ce ne sont que des standards: My Happiness, Crazy, Blue Bayou, Can't Help Falling In Love et Tennessee Waltz. La jeune femme, originaire de Bedford, UK, et établie à Nashville, TN, place la barre très haut quand on pense aux interprétations originales et aux nombreuses reprises, généralement de haute volée, de ces classiques. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Danni peut regarder droit dans les yeux Elvis, Roy, Willie, Linda, Pee Wee, Patti, Frank, Emmylou et tous les autres, tellement elle est à l'aise sur ces mélodies, au rythme légèrement jazzy auxquelles elle insuffle une fraîcheur bienvenue et, pour tout dire, inespérée. Pour cet album produit et enregistré par Sarah Peacock, Danni, armée de sa guitare acoustique, s'est entourée d'une équipe réduite mais ô combien efficace, avec au premier plan Brett Resnick et sa pedal steel enchantée. Sarah Peacock joue du piano et chante, Shawn Burne est à la basse et à la mandoline et Emerald Rae au fiddle, et tous contribuent à faire de ce disque un des enchantements de l'été.


 

 

Martha FIELDS

"Bramble Bridge" 

Depuis le disque de Texas Martha & The House Of Twang intitulé Long Way From Home présenté en juin 2015 pour le n° 145 du Cri du Coyote, j'ai eu le bonheur de chroniquer tous les disques de Martha Fields alias Marty Fields Galloway et je me réjouis d'avoir vu juste, il y a neuf ans, lorsque je prédisais un bel avenir à cette artiste établie vers Bordeaux une partie de l'année. Comme un pont jeté entre les genres, les générations et les continents (Southern White Lies). Avec Bramble Bridge, il est question d'un petit pont situé dans le Comté de Wayne, West Virginia, qui est l'épicentre de l'héritage de Martha et nous conduit de façon virtuelle jusqu'au Texas et en Oklahoma et même au-delà, en Europe, là où Martha s'efforce de "faire un pont pour de bon". Dès les premières notes de All I Know, on sent que Bramble Bridge est dans la lignée de ses prédécesseurs. La guitare et la basse bourdonnent, le banjo marque un rythme déjà infernal et Martha, "prise entre le diable et la mer bleue profonde", emporte tout sur son passage. Vient ensuite l'émouvant hommage à Grandma, Irene's Mountain Railway, qui commence comme un country-rock et se termine sur des notes de gospel (Life's Mountain Railway) parmi lesquelles celles du violon se distinguent. Avec Rosabelle's Ghost, il est encore question du diable qui vient de Kankakee et n'a jamais quitté le Kentucky. Martha rugit de plus belle, de sa voix très soul, sur fond, entre autres, de guitare électrique, d'orgue Hammond et de pedal steel. Avec Nightrider Blues, il est encore question du diable et du blues (clin d'œil à Robert Johnson?), de la vie sur la route, de country music et d'Opry, avec un harmonica qui, déjà, se distingue. Introduite par quelques notes de guitares après lesquelles on s'attend presque à entendre la voix de Jim Morrison, Party Marty est un autoportrait décliné à la troisième personne: "Elle est trop country / Non elle est trop blues / Les garçons sont tous français". Sans doute des phrases entendues et qui font doucement sourire aujourd'hui. Martha enfile ses chaussures de danse, affirme que Marty et les garçons vont secouer la salle ce soir et conclut ainsi: "Vous vous sentez bien? / Je me sens bien! / Nous sous sentons tous bien". Et puis vient Are You Ready For Some Country? où le twang du groupe est de plus en plus envoûtant et pour lequel le disque s'habille aux couleurs de Bakersfield, de Buck et Merle. Marty retrace son itinéraire: "Eh bien tout a commencé en Kentucky et West Virginia aussi / Puis j'ai volé jusqu'en Californie /Mais je suis une Okie en dépit de tout / J'ai passé une vie au Texas pourtant la France est ma maison". Et c'est ainsi qu'elle a rencontré ces "hotshot pickers" dans sud-ouest. "Pas des cons", disaient-ils en se marrant! Et ce couplet en français: "Tu es prêt pour la country / On va t'emmener / Met tes santiags et ton joli chapeau / Ça c'est la cerise sur le country gâteau". Tout cela nous conduit sur les Country Roads Of France, et l'on retrouve le pont évoqué plus haut, celui qui est jeté entre les genres, les générations et les continents: "Sometimes we're so tired but the show must go on / Yes, that bridge is long and wide, Faire un pont, pour de bon" (Parfois nous sommes si fatigués mais le spectacle doit continuer / Oui ce pont est long est sauvage, faire un pont pour de bon). Ne m'en veuillez pas si j'y vois un clin d'œil personnel. On est en tout cas dans la country music du meilleur tonneau, celle qu'annonçait le titre précédent. Et cela ne se dément pas avec Biscay Bay où le dobro, le violon, la mandoline et l'harmonica se distinguent tour à tour. Pour Sweet Lips, c'est une guitare majestueuse qui introduit la chanson, avec encore des interventions remarquables du dobro et de l'harmonica. Martha se pose une question, "est-ce que tes lèvres pourraient être plus douces?". Je ne connais pas la réponse, mais je peux affirmer que ce blason les célèbre remarquablement. L'ambiance est moins légère pour Curse On The Greenbrier, une élégie où les instruments (violon et dobro notamment), adoptent des tonalités plus sombres, inquiétantes même. L'album se conclut avec le traditionnel Wayfaring Stranger, qui prend ici une dimension très émouvante, avec un rythme lancinant et des chœurs gospel. C'est un beau final pour un disque qui célèbre à la fois les racines familiales et musicales de Marty, mais aussi son présent et son avenir des deux côtés de l'Atlantique. Je vais éviter de trop manier le dithyrambe pour conclure mais Marty et son groupe (son Hot Band à elle) arrivent encore à m'épater. J'ai cité les instruments mais pas les musiciens. Ils méritent une sortie de scène sous vos applaudissements: Manu Bertrand (dobro, guitares acoustiques, pedal steel lap steel, Weissenborn, résonateur, banjo, mandoline), Urbain Lambert (guitare électrique), Olivier Leclerc (violon), Serge Samyn (contrebasse et basse électrique) et Denis Bielsa (batterie et percussions) mais aussi Christophe Dupeu (harmonica), Xavier Duprat (piano et orgue Hammond) sans oublier la touche américaine avec les voix de Jared Tyler, Jesse Aycock et Mallory Eagle. La dernière bonne nouvelle est que nous allons bientôt retrouver cette belle équipe pour un album en public, déjà enregistré. 


 

 

Greg COPELAND

"Empire State"

 Greg Copeland, natif de Californie du sud, fait un peu figure de légende. Son nom est apparu dès 1967 avec le premier album de Nitty Gritty Dirt Band et le titre Buy For Me The Rain coécrit avec Steve Noonan et qui fut un succès pour le groupe. À la même époque, il avait écrit quelques titres avec son ami Jackson Browne, publiés sous le manteau dans les fameuses Nina Demos. Il a fallu attendre 1982 pour le premier album de Greg, Revenge Will Come, et vingt-six ans de plus pour le suivant, Diana And James, avant The Tango Bar paru en 2020. Au bout de quatre ans, notre homme est (déjà) de retour avec Empire State fort de cinq titres. Comme The Tango Bar, cet EP est produit par Tyler Chester et l'on y retrouve à peu près les mêmes musiciens (Val McCallum,Tyler Chester, Greg Leisz, Jay Bellerose) avec, cette fois, Jennifer Condos à la basse. On sent beaucoup de spontanéité dans ces quatre chansons écrites par Greg (le cinquième titre est un enregistrement de cris de coyotes depuis le jardin de l'artiste), et aussi beaucoup de complicité entre les différents instrumentistes. Le disque commence avec Boon Time, tranquille et ensoleillé au départ avant de prendre un côté inquiétant, lié à la violence qui est de plus en plus présente dans la société, notamment en politique, et annonce un réveil difficile. We The Gathered conserve ce côté sombre, avec un rythme lancinant et guitares qui se répondent, la pedal steel de Greg Leisz, et la guitare électrique de Val McCallum. Tout cela confère au disque un aspect musical très actuel, pas évident a priori chez un songwriter plus que septuagénaire. Ce titre est pour Greg une sorte d'hymne qui décrit le long voyage vers le paradis. 4:59:59 bénéficie de la présence du violon de Sara Watkins qui se distingue particulièrement, avec la mandoline de Greg et les claviers de Tyler. Vient ensuite Coyotes, l'intermède cité plus haut avant que l'album ne se referme sur Empire State. Ce titre évoque un autrice-compositrice qui quitte son petit ami, New York et l'empire américain, le tout en même temps, se donnant le temps de réfléchir à ce qu'elle veut vraiment et à le faire. Empire State est une nouvelle preuve du talent de Greg Copeland et de sa capacité à poser les mots justes sur des mélodies qui ne le sont pas moins. Pour ceux qui ne le connaitraient pas encore, il est grand temps de découvrir cet artiste trop rare. 

 

Brock DAVIS

"Everyday Miracle" 

Brock DAVIS ne fait pas partie de ces artistes dont la renommée a franchi nos frontières. Élevé près de Vancouver, Canada, il est aujourd'hui établi à Santa Cruz, Californie, et je ne connais de lui que son précédent album, A Song Waiting To Be Sung, paru en 2022. Everyday Miracle marque à la fois une continuité et une évolution par rapport à son prédécesseur dans la mesure où notre homme se démarque des artistes qui l'ont inspiré pour aborder des thèmes plus profondément personnels. Sur le plan du son, on retrouve une production (due à Brock Davis et Zach Allen) qui alterne entre titres très propres et polis (un peu à la manière des disques country-folk de l'époque des débuts du CD) et d'autres plus dépouillés, avec une batterie moins en avant. C'est à ces derniers que vont ma préférence, et des chansons comme Rain Falling On The Water, I'll Always Be Your Dad, The Warrior ou encore September Rain mettent parfaitement en valeur un auteur-compositeur de premier plan. Les thèmes abordés vont des choses simples du quotidien (Everyday Miracle) aux joies de la famille (Make A Family - Brock est resté un certain temps éloigné de la musique pour prendre soin de sa famille) en passant par des sujets plus profonds (It Just Takes One, inspiré par #MeToo) ou simplement sentimentaux comme Angela (Please Say Yes) et My Promise To You. Ce disque est particulièrement agréable à écouter dans la mesure où il dégage une positivité et un optimisme de tous les instants (Ready For The Good Time, le titre le plus rock des treize ici présentés), même quand le thème est grave. Les musiciens enrôlés ont tous un pédigrée sérieux qui va de Bob Seger à Blake Shelton et ont pour noms Pat McGrath (guitare acoustique et mandoline), Rob McNelly et Justin Ostrander (guitares électriques), Duncan Mullins (basse), Marcus Finnie (batterie), Russ Pahl (pedal steel) et Michael Rojas (B3 et piano). Brock joue du piano et chante, accompagné par un groupe de vocalistes aux accents parfois grandioses de chœurs gospel (Give Forgiveness) qui contribuent beaucoup au côté solaire de l'album. Quand résonnent les dernières notes de cet album, on se sent bien, et l'on n'a qu'une envie, c'est de reprendre l'écoute depuis le début. 


 

Jeffrey MARTIN

"Thank God We Left The Garden" 

S'il est originaire de San Antonio, Texas, Jeffrey Martin, qui approche de la quarantaine est établi à Portland, Oregon, terre aujourd'hui bénie des songwriters où il côtoie souvent l'excellente Anna Tivel avec laquelle il a souvent collaboré. Thank God We Left The Garden est son quatrième et, si Dieu (ou la justice) existait, il marquerait la consécration d'un très grand songwriter, poète et guitariste de talent. J'avoue l'avoir entendu d'une oreille distraite il y a quelques années, et si l'ami Hervé n'avait posté un de ses titres sur Facebook, je serais encore une fois, sans doute, passé à côté. On retrouve dans cet album toute la magie des premiers disques de Townes Van Zandt, John Prine, Paul Siebel ou Sammy Walker (pour ne pas citer Robert Zimmermann). Jeffrey a enregistré les onze titres dans une cabane de 3m² installée dans son jardin et aménagée en studio, armé des ses guitares acoustiques, Jon Neufeld a ajouté quelques notes de guitare électrique sur trois titres, a mixé et mastérisé le tout, et le tour était joué. Les onze chansons sont autant de joyaux qui touchent immédiatement l'auditeur au plus profond, portés par une voix douce et chaude. C'est le type d'album qu'on ne peut écouter que dans le calme, sans rien qui ne puisse nous distraire. Dès lors c'est un régal permanent pour qui est sensible à la poétique beauté des mots, aux mélodies qui se faufilent subtilement, sans tapage, dans notre cerveau pour n'en plus ressortir. Le disque est souvent sombre, voire triste, à l'exemple du premier titre, Lost Dog, avec ce dernier couplet: "J'ai rencontré un ange, un homme ennuyeux près d'un arbre / Son feu a été volé par une éternité / Je serai mort dans un moment, rien qu'une respiration et je serai parti / L'amour est tout ce qui ne peut être gardé trop longtemps". Il est ensuite question d'un jardin, celui d'Adam et Ève, avec un arbre fruitier dans Garden (on retrouve ce thème plus loin dans Daylight), on croise un Quiet Man avec lequel il est encore question du paradis, de Dieu et du diable. Dans Red Station Wagon, la trahison semble être l'inspiration ("Je ne peux pas croire que je t'ai laissé tomber"). Si Paper Crown a un aspect désabusé, on retrouve un peu d'optimisme avec les titres suivants, mais un optimisme teinté de fatalisme, comme dans There Is A Treasure ("Le soleil se lèvera comme il le fait toujours, le jour où je mourrai") ou dans Daylight ("Et mes meilleurs rêves sont seulement une triste imitation"). I Didn't Know semble autobiographique et Jeffrey y évoque des souvenirs de Cincinatti et des moments de dur labeur de ses parents. Sculptor est un des grands moments du disque, avec en arrière-plan la guitare de Jon Neufeld qui sonne comme un violon électrique: "Mais tu as écrit une lettre comme une sculpture / Et j'ai pleuré et laissé le jour passer / Ta respiration sur mon épaule me manque". Le dernier titre, Walking, est un moment de pure poésie (c'est loin d'être le seul. "J'entends un chant au loin / Les ombres ont des visages plaisants / Elles valsent avec les arbres / Quand je sors marcher". Les derniers mots sont à l'image d'une grande partie du disque, doux-amers: "Oui, nous nous en irons sans rien / De la même manière que nous sommes venus / Alors je sortirai marcher". On ne sort pas intact de l'écoute de Thank God I Left The Garden, un disque qui nous incite à nous poser beaucoup de questions, avec pour seule certitude celle d'avoir découvert (enfin) un songwriter parmi les meilleurs se son temps.


 

Steve YOUNG

"Stars In The Southern Sky" 

"There are stars in the southern sky / Southward as you go / There is moonlight and moss in the trees / Down on the Seven Bridges Road". Ces quatre vers sont le début de Seven Bridges Road, l'une des compositions les plus connues de Steve Young qui est également le titre de son deuxième album solo. Mais Stars In The Southern Sky est le titre choisi pour la réédition de Honky Tonk Man, troisième album de Steve, paru en 1975 sur le label indépendant Mountain Railrod Records et faisant figure (relative) de rareté (même s'il a été réédité par la suite par Rounder Records en vinyle, puis en CD). Il ne s'agit pas cependant d'une banale réédition puisque l'album originel, en plus d'un titre bonus un peu anecdotique (Stanley And Henry par Jim Post & Steve Young), est agrémenté de deux CD supplémentaires enregistrés en public au milieu des seventies, soit un total de 34 titres jamais publiés sous cette forme. Honky Tonk Man, l'album studio, est constitué de douze chansons, la première moitié étant consacrée à des reprises avec notamment The Night They Drove Old Dixie Down (The Band), Ramblin' Man (Hank Williams), Rock Salt & Nails (Bruce "Utah" Philips). La seconde moitié, en dehors d'une adaptation très personnelle de Sally Goodin, est constituée de compositions de Steve: Traveling Kind, Alabama Highway, Vision f A Child, We've Been Together On This Earth Before et The White Trash Song. Dans la discographie de Steve, du moins dans sa première décennie, Honky Tonk Man est l'album pour lequel cet artiste, qui a toujours refusé de se compromettre, a bénéficié de la plus grande liberté de création grâce à son label et au producteur Stephen Powers. C'est ce dernier qui est aux commandes pour la réédition, assisté de Ted Olson et, en conséquence, le résultat ne peut qu'être conforme aux attentes de ceux qui ont suivi la carrière de Steve (1942-2016). Il va même au-delà tellement les titres enregistrés en public constituent un cadeau inespéré. Steve Young était la plupart du temps catalogué comme un chanteur country, parfois vu comme un des piliers du mouvement Outlaw. Le répertoire interprété ici démontre qu'il est bien plus que cela. Armé de sa guitare et de sa voix très blues, il n'hésite pas à s'attaquer à Hobo Blues de John Lee Hooker, à That's Alright Mama d'Arthur "Big Boy" Crudup, Tobacco Road de John D. Loudermilk, ou encore You Don't Miss Your Water de William Bell et même Midnight Rider des Allman Brothers. Ses confrères songwriters sont également à l'honneur: Townes Van Zandt (No Place To Fall), Bob Dylan (Don't Think Twice, It's Alright), Rodney Crowell (Home Sweet Home Revisited), Mickey Newbury (Frisco Mabel Joy) ou Tom T. Hall (The Day That Clayton Delaney Died). Tout cela n'est qu'un échantillon et, bien sûr, Steve n'omet pas ses propres compositions: Long Way To Hollywood, Ragtime Blue Guitar, Seven Bridges Road, Montgomery In The Rain, Lonesome On'ry And Mean, Traveling Kind, The White Trash Song, All Her Lovers Want To Be The Hero, Old Memories (Mean Nothing To Me), My Sweet Love Ain't Around, We've Been Together On This Earth Before. C'est un véritable best of, entendu pour la première fois dans une ambiance intime qui convenait si bien à ce véritable troubadour pour qui la scène, jusqu'au bout, a constitué un véritable bonheur. À son décès, Steve Young nous a laissé un héritage de dix albums solo de chansons originales, plus deux albums en public et un autre de réenregistrements d'une dizaine de ses titres phares (sans oublier un disque avec le groupe Stone Country). Un Live In Holland a été publié en 2019 pour notre grand plaisir que ce Stars In The Southern Sky ne fait qu'amplifier. 


 

mardi 30 juillet 2024

Avenue Country par Jacques Dufour

 

Lorrie MORGAN 

"Dead Girl Walking" 

Je suis particulièrement déçu par ce nouvel album de Lorrie Morgan, attendu depuis plusieurs années: neuf ballades ou slow précédés d’une country/pop en ouverture. Le seul titre vraiment country et avec pedal steel guitare est le slow What Will I Do composé par Mickey Newbury. Le reste est du domaine de la variété avec une reprise du classique soul de Sam Cooke, You Send Me, hors-sujet. On peut se poser la question: pourquoi les ex-stars des années 90 mettent si longtemps pour nous concocter des albums bien en-dessous du niveau de ce qu’elles faisaient avant? Pour ce qui est de Lorrie Morgan on ne peut que souhaiter une nouvelle association avec Pam Tillis pour un futur album qui soit cette fois du domaine de la country. 

 

NICOLETTE & The NOBODIES

"The Long Way" 

Origine atypique pour cette chanteuse puisqu’elle est la fille de Vietnamiens immigrés au Canada, en Ontario, après la guerre qui a ravagé le pays. Sur le continent américain Nicolette Huang a découvert Hank Williams, Loretta Lynn, Glen Campbell et George Jones. Mais c’est un aspect nettement plus rock de ses influences qu’elle nous dévoile avec ce premier album paru sous le nom de Nicolette et les Nobodies. Aucune trace de Loretta Lynn ou de Hank Williams dans les huit titres que nous offre la chanteuse. Le rapport avec la country music est même assez lointain. Deux titres seulement peuvent être rangés dans cette catégorie. Je retiendrai aussi deux slows et deux rock qui peuvent mériter le qualificatif de "and roll". 

 

The MAVERICKS 

"Moon & Stars" 

La pochette du tout nouvel album des Mavericks n’est guère alléchante mais on l’oublie pour se laisser séduire par le vocal si particulier et enjôleur de Raoul Malo. Quels que soient les tempos la musique des Mavericks offre toujours ce parfum d’exotisme ancré dans les origines latino du groupe. Le terme americana nous arrange bien pour qualifier la musique inclassable de ce quartet que l’on n’écouterait probablement pas s’il n’y avait son leader emblématique. Quelques titres se rapprochent un peu du mémorable All You Ever Do Is Bring Me Down mais le reste est un peu routine. Les amateurs de cuivres et trompettes ne seront pas déçus. 

 

Emily NENNI

"Drive & Cry" 

Cette nouvelle venue ô combien séduisante (oui, j’ai un petit faible!) vient de sortir deux albums en très peu de temps. Elle est originaire de la baie de San Francisco. Son vocal acidulé de petite fille (vous vous rappelez la France Gall des années 60?) est selon celui ou celle qui l’écoute soit énervant, soit accrocheur et émoustillant. L’éventail de rythmes est assez large passant de la ballade aux tempos rapides avec le soutien majoritaire du piano et de la pedal steel guitare. Pour moi le ramage correspond au plumage. 

 


 

 

RI WOLF

"Randall County Reverb" 

Ce chanteur nous propose neuf titres originaux, tous signés par un certain Darren Flowers (son patronyme véritable). Ses chansons auraient très bien convenu au regretté Don Williams. En effet il nous est offert ici de la country paisible, acoustique, parfois un peu monotone, mais soutenue par le violon et la pedal steel guitare. Certes il ne fera pas taper les bottes dans un honky tonk enfumé mais pour une soirée entre amis dans un bar cosy, pourquoi pas? 

 

Cody JINKS

"Change The Game" 

Cody Jinks est un artiste majeur de la scène texane avec une demi-douzaine d’albums à son actif. Il possède une voix puissante qui convient très bien aux nombreuses ballades que contient ce nouvel album. Les titres aux tempos plus relevés illustrent le sous-style texan du red dirt qui est une sorte de country proche du rock. C’est parfait pour chauffer l’ambiance en fin de semaine au honky tonk local. 

 


 

 

WESTERN EDITION

"Honky Tonk World" 

Western Edition est une formation country classique dont le vocal est assuré par une chanteuse dont la voix bien que correcte, n’a rien d’exceptionnel. Les douze titres, tous des originaux, présentent des tempos moyens, c’est-à-dire sans ballades ni morceaux rapides. L’atout majeur de cet orchestre de sept musiciens de l’Oregon est l’utilisation sans retenue du violon et de la pedal steel guitare. Sans nul doute voici un bon groupe pour animer une soirée sympa dans un honky tonk de l’ouest. 

 

Jay GAVIN

"Road Ready" 

Une découverte intéressante que celle de cet auteur/compositeur Canadien débarqué de l’île du Prince Edward. Il a grandi dans un petit village de pêcheurs, ceci dit pour l’anecdote. Son vocal est joyeusement enrayé et attachant et sa musique est loin d’être monotone avec des rythmes variés évoquant tantôt Johnny Cash et tantôt le conteur Tom Russell. Selon les titres Jay Gavin fait appel au violon, au dobro, à la steel guitare et à l’accordéon. Pas de rejet parmi les dix titres. 

 


 

 

Stella PRINCE

"Dear Future Me" 

Dans la musique country on ne compte plus les chanteuses ayant démarré leur carrière en étant encore adolescentes. Les plus célèbres d’entre elles se nomment Tanya Tucker et LeAnn Rimes. Elles furent bien sûr précédées par Brenda Lee, mais celle-ci était une chanteuse de rock à l’époque. Si des jeunes lisent cette rubrique (?!) j’irai jusqu’à citer Taylor Swift qui a commencé par la country à l’âge de seize ans. La rédaction du Cri me fait connaître la dernière en date de ces demoiselles, Stella Prince. Originaire de New York elle s’est déjà installée à Nashville à l’âge de dix-sept ans. Elle nous offre un premier EP de cinq titres qui baigne dans la douceur. Sa voix est pure, douce et bien en place. Certains critiques la comparent à Joni Mitchell. Mais si Stella Prince était plutôt la nouvelle Nancy Griffith? A noter une reprise surprenante, celle du Blue Moon popularisée par Elvis en… 1956. Une chanson qui à ma connaissance n’a jamais séduit les stars de la country. Elle s’en sort fort bien. Je souhaite le meilleur pour cette jeune artiste de l’americana. 

 

MOMMA MOLASSES 

"Take Me To The Country" 

Si Momma Molasses pratiquait la boxe elle figurerait dans la catégorie des poids lourds. En effet la demoiselle présente un embonpoint plutôt rare dans un univers qui privilégie les silhouettes affinées. Il y eut pourtant des précédents: rappelez-vous de Mama Cass, sans oublier Big Mama Thornton. Mais ce qui nous intéresse en premier lieu c’est sa musique et non son tour de taille. En dépit du stetson arboré sur la photo de pochette et du titre de l’album, le style de Momma Molasses se rapproche davantage du folk avec quelques nuances bluesy. La musique est acoustique avec fiddle et guitare. Toutes les compositions sont signées Ellen Elizabeth Patrick qui est son patronyme. Avec un seul titre rapide sur onze je trouve l’ensemble un peu… mollasson (pardon!). 

 

LOST DOG STREET BAND

"Survived"

Le groupe de la rue du chien perdu (?) se situe aux confins de la country acoustique, du folk et du bluegrass. Il s’agit d’une formation acoustique dont l’instrument dominant est le violon. Le dobro arrive en second. S’y rajoute un zeste de banjo et de mandoline. Les rythmes sont assez variés sans atteindre le très rapide fréquent dans le bluegrass, et sans aborder l’instrumental (fréquent dans le bluegrass, bis). Le vocal est masculin et il appartient à l’auteur de tous les morceaux.. Donc pas de reprises, pourtant fréquentes dans le bluegrass (je me répète?). Les infos fournies nous indiquent que le violon est joué par l’épouse du chanteur (ça c’est rare dans le bluegrass…). 

 

Hannah WHITE

"Sweet Revolution" 

La voix est douce et agréable mais le style musical de la demoiselle n’a rien à voir avec la musique country. Donc cet album qui évolue dans une pop nonchalante et même éloignée de l’americana ne saurait être commenté dans cette rubrique.