"Suzy Sings Siebel Volume 1"
Il était temps que quelqu'un rende hommage à Paul Siebel, le songwriter de Buffalo, disparu en avril 2022. Certes, les reprises de ses titres abondent, de Bluegrass 43 à Jerry Jeff Walker, en passant par Iain Matthews (avec ou sans Plainsong), Emmylou Harris, Linda Ronstadt, Bonnie Raitt, The Flying Burrito Brothers, Eric Andersen, Ralph McTell & Wizz Jones, Kate Wolf, The Flatlanders, et tant d'autres, mais personne, à ma connaissance, n'avait enregistré un album entier de ses compositions. Ces dernières sont rares: vingt-et-une chansons réparties en deux albums, auxquelles s'ajoute Spanish Johnny, interprétée en duo par Emmylou Harris et Waylon Jennings mais jamais enregistrée par Paul lui-même. Suzy Thompson nous propose aujourd'hui Suzy Sings Siebel Volume 1, fort de dix titres dont un inédit, You Don't Need A Gun, que Paul avait enregistré mais jamais publié et que le producteur Peter Siegel a offert à Suzy pour cet album. Suzy est familière des chansons de Paul Siebel depuis les années 1970 et s'est replongée dedans lors de la crie liée à la pandémie, en interprétant quelques-unes dans des concerts en ligne, et même reprenant l'intégralité des titres de Woodsmoke And Oranges dans l'un d'entre eux. Paul Siebel, âgé et en piètre santé, a eu l'occasion de voir un de ces concerts par l'intermédiaire d'un de ses amis et en fut ravi. Un mail s'ensuivit: "Paul a aimé ton concerts. Il a souri, pleuré, chanté tout au long. Il veut que tu l'appelles, donne ton numéro de téléphone, s'il te plaît". Suzy et Paul ont ainsi eu quatre conversations longues et intenses avant la mort du songwriter, le 5 avril 2022. Voilà pour l'histoire derrière le disque. Ce dernier est produit par l'ami Jody Stecher et nous offre un casting de première classe. En plus de Suzy (chant, guitare et fiddle) et de Jody (mandoline, guitare, voix), on rencontre Cindy Cashdollar (lap steel et dobro), John Sebastian (harmonica), Molly Mason et Mark Schatz (basse), Bill Evans (banjo), Kate Brislin (kazoo, voix), Eric Thompson (guitare National) et Michaelle Goerlitz (batterie). Quant aux chansons, elle trouvent une nouvelle vie, avec de nouveaux arrangements, et de Bride 1945 à Long Afternoons, en passant par Louise, Nashville Again, ou Any Day Woman et sonnent comme des classiques intemporels qui permettront peut-être à Paul Siebel de connaître une gloire posthume, cette gloire pour laquelle il n'était pas fait et qu'il a rapidement fuie, nous léguant une œuvre inachevée, mais parfaite.
"New Roses"
Cela fait déjà quelques années que Ben de la Cour souffle son "americanoir" au creux de nos oreilles et qu'il suscite grand intérêt. Autant dire qu'après l'excellent Sweet Anhedonia paru en 2023, ce New Roses suscitait beaucoup d'attentes et d'espoirs. Ces derniers ne sont pas déçus, sauf peut-être pour ceux qui pensaient que Ben allait refaire le même album, encore et encore. Il y a en effet une approche totalement différente par rapport aux opus précédent. Tout d'abord, à l'exception du fiddle (Billy Contreras) et de la trompette (Josh Klein), Ben s'est chargé de toutes les parties instrumentales (guitare, basse, batterie, piano, clavier, synthétiseur, darkatron). Quelques harmonies ont été ajoutées par Gin Wife (I Must Be Lonely), Elizabeth Cook (The Devil Went Down To Silverlake), Emily Scott Robinson (Christina) et Misty Harlowe (New Roses). Ensuite, sur le plan de l'enregistrement et du son, tout a changé. Ben a écrit et enregistré l'album, seul chez lui, au cœur des nuits. Il a expérimenté et créé de nouveaux sons en partant souvent de couches de synthétiseurs sur lesquelles il a greffé des touches de guitare électrique ou acoustique, démontrant la qualité de son fingerpicking. Si certains titres sont toujours du domaine du folk (The Devil Went Down To Silverlake, Bad Star, We Were Young Together Once), d'autres prennent une tournure franchement rock (Beautiful Day, Stuart Little Killed God On 2nd Ave.). Avec Jukebox Heart, on croit presque à une résurrection de Jim Morrison et des Doors. Et que dire du traitement infligé à la seule reprise, le célébrissime Lost Highway de Leon Payne que notre ami torture pour en tirer la substantifique moelle au long de plus de six minutes, très loin de l'interprétation de Hank Williams. Juste après, le disque se referme sur New Roses, un moment de beauté calme, comme pour rassurer l'auditeur qui aurait pu être désorienté. Pour ceux qui en voudraient davantage, je les invite à écouter l'excellent album live … And The Crowd Went Wild publié par nos amis italiens de New Shot Records. C'est Ben de la Cour seul avec sa guitare acoustique, seize chansons enregistrées à Londres en juillet 2024, et c'est excellent.
"American Suburban"
Clark Paterson, basé à Nashville est un songwriter dont l'inspiration, entre folk et country, lui vient, entre autres, de Johnny Cash, Charlie Daniels, Hank Williams Jr et Jim Croce. Si son nom ne vous est pas familier, c'est en partie parce que sa carrière a été mise en pause pendant huit ans pour des raisons personnelles, santé et famille, et notamment de sérieux problèmes cardiaques et un divorce douloureux. Le côté positif de cette situation est qu'il a eu le temps et l'inspiration pour composer et peaufiner American Suburban, paru à l'été 2024 et fort de dix titres dont deux coécrits avec Mark Cline Bates (S-10 et Service Dog) et un avec Simon Flory (The Deputy). Si sa voix, légèrement voilée et un peu monocorde, n'est pas ce que l'on remarque en premier chez Clark, les mélodies et les arrangement, souvent teintés de rock, sont remarquables. Il sait également raconter des histoires, oscillant entre une certaine forme de tristesse et un humour teinté de dérision. Clark Paterson, au chant et à la guitare acoustique est ici accompagné d'un casting cinq étoiles, avec en premier lieu Simon Cline Bates (harmonies, guitare acoustique, piano, orgue), John McTighe III (batterie et percussions) et Brian Zonn (contrebasse). Il suffit d'écouter le très vivifiant On The Road 2 Long, où Billy Contreras au fiddle et Pat Bergeson à l'harmonica se rendent coup pour coup, pour en être convaincu. Ajoutez-y la pedal steel de Paul Niehaus pour Love You Till The End ou Good Ole Boy et la voix de Sierra Ferrell pour Drink Till I Die, et vous aurez envie d'écouter l'album jusqu'au bout. Vous pourrez ainsi savourer le très beau (et auto-dérisoire) Man Of The Year et The Deputy qui clôture l'album sur un tempo modéré. American Suburban n'et peut-être pas le disque de l'année (dernière) mais il donne envie de mieux connaître Clark Paterson.
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