samedi 2 juillet 2022

Du côté de Chez Sam par Sam Pierre

 

 Rod PICOTT 

"Paper Hearts and Broken Arrows" 

Cela fait un peu plus de vingt ans que Rod Picott nous délivre des disques dont chacun donne l'impression qu'il est meilleur que le précédent. Paper Hearts and Broken Arrows ne fait pas exception à la règle. Il prend même une dimension supplémentaire, deux anx après la disparition de Dave Olney, que Rod admirait, se posant comme un de ses meilleurs héritiers. Le sens le la mélodie, les textes intelligents qui donnent à réfléchir, sans jamais négliger l'émotion, et même la voix, tout cela rapproche les deux hommes. J'y ajouterai une touche supplémentaire quant à l'attitude des deux vis à vis de la création artistique. Rod, comme Dave, fait venir ceux qui l'écoutent à lui, tout doucement, sans se compromettre, sans concession. Il s'est ainsi constitué une base de supporters qui le suivent dans toutes ses évolutions, participant avec confiance au financement de chaque projet, aussitôt qu'il est annoncé. Dès Lover, le premier titre, on est accroché par ces mots qui s'insinuent, "I'm so tired of flying alone", et cela continue avec le plus rythmé Revenuer puis Mona Lisa ("You're not the Mona Lisa, I'm not your James Dean") avant de croiser le hors-la-loi Frankie Lee ou le boxeur Sonny Liston. Lost In The South et Mark Of Your Father sont d'autres moment forts d'un disque parfait de bout en bout. Les valeurs talent et travail des artistes ne sont pas reconnues par nos dirigeants politiques car les saltimbanques, non-essentiels, ne produisent que du bonheur et de l'émotion. À moins de dormir avec son attaché-case et son costume 3 pièces, branché en permanence sur l'évolution du Dow Jones, on ne peut qu'être touché par Rod Picott, ses mélodies, sa guitare et sa voix, le tout parfaitement mis valeur par la production de Neilson Hubbard, entouré de quelques musiciens dont l'excellent Juan Solodzano à la pedal steel et à la guitare slide. 

 

Ian NOE 

"River Fools & Mountain Saints" 

Ian NOE fait partie de ces jeunes songwriters qui constituent une relève plus que crédible de leurs glorieux ainés. Originaire du Kentucky, plus précisément de Beattysville, triste ville conservatrice, il a égayé sa jeunesse en écoutant Neil Young, Bob Dylan ou John Prine. À 17 ans, en 2007 il gagne le grand prix de l'Appalachian Starsearch à Hazard, Kentucky avec sa composition originale Don't Let The Morning Bring Ya Down. Ce n'est pourtant qu'en 2019 qu'il publiera son premier album, Between The Country, qui lui vaudra un début de reconnaissance internationale. Premier album? Pas tout à fait car Ian avait enregistré dix de ses compositions pour un album sans titre où il sonnait, vocalement surtout, comme un jeune Neil Young. Avec River Fools & Mountain Saints, Ian s'affirme comme un réel talent, capable de peindre des portraits tels que River Fool, Tom Barrett ou Mountain Saint, de nous tirer une larme avec l'émouvant Ballad Of A Retired Man mais aussi de nous faire réfléchir avec l'épique Appalachia Haze. Entre folk (comme la ballade One More Night avec la steel guitar de Steve Daly et le French Horn de Jennifer Kummer) et rock, avec certains titres qui révèlent ses origines appalachiennes et d'autres dominés par un orgue ou un piano, Ian Noe nous propose un disque aux ambiances variées, s'éloignant de ses références (même si l'on pense encore parfois à Neil Young) pour tracer tout doucement son propre sillon. Les douze compositions de l'album sont de la plume de Ian Noe, la dernière, Road May Flood étant enchaînée avec une reprise de It's A Heartache

 

Chuck BRODSKY 

"Gravity, Wings, And Heavy Things" 

Chuck Brodsky est un de ces artistes pour lesquels j'ai une affection particulière, dans la lignée de John Prine, Paul Siebel ou Sammy Walker. C'est de ce dernier qu'il se rapproche le plus, par son sens de la mélodie, son jeu de guitare et, surtout, son timbre de voix. Gravity, Wings, And Heavy Things est le genre de disque qui me donne le sourire dès la première note, dès les premier mots: "Juste un simple chanson / À propos d'une paire d'ailes / À propos de la gravité / Et de son effet sur les choses" (It Takes Two Wings). Originaire de Philadelphie où il est né au début des années 60, Chuck vit désormais à Asheville, Caroline du Nord, une des scènes les plus riches des musique acoustiques actuelles. Pour son treizième album, l'homme a fait dans la sobriété avec en plus de sa voix et de sa guitare, deux de ses accompagnateurs favoris, Chris Rosser et Doug Pettibone. Le premier joue toutes sortes de claviers et d'intruments à cordes, y compris une guitare électrique sur le morceau le plus rock du disque, Bully Jim. Le second intervient sur la moitié des titres avec sa pedal steel et ou sa Weissenborn slide guitar. Cette dernière donne un couleur inimitable à mon titre préféré du disque, That's How I Changed His Mind. Je citerai aussi Cup Of Coffee ou encore The Country Needed Baseball. L'homme est un grand fan de ce sport et a publié en 2002 et 2013 The Baseball Ballads et The Baseball Ballads 2: "Le pays avait besoin de baseball / Les garçons étaient au-delà des mers / Se battant contre les Allemands / Et les Japonais". Chuck continue entre légèreté et gravité, à l'image du titre de l'album qui se conclut par une deuxième version de It Takes Two Wings où la voix de Chuck est seulement accompagnée du piano de Chris, conférant à cette chanson légère en apparence un côté plus grave que la première version.

 

The SLOCAN RAMBLERS 

"Up The Hill And Through The Fog" 

Ce trio canadien de Toronto est composé de Darryl Poulsen (guitare et voix), Adrian Gross (mandoline, mandole et voix) et Frank Evans (banjo et voix). Avec Charles James (basse et voix) il nous propose un album, leur quatrième, sur lequel on pourrait apposer l'étiquette de bluegrass progressif. Quatre compositions sont de Frank, deux de Darryl et cinq d'Adrian. Une seule reprise, A Mind With A Heart Of Its Own de Tom Petty complète parfaitement l'ensemble. Les instrumentaux (Snow Owl, Platform Four, Harefoot's Retreat) aux arrangements travaillés cohabitent parfaitement avec des titres plus classiques comme Won't You Come Back Home, Streetcar Lullabye ou The River Roaming Song. Les voix sont excellentes et les harmonies accentuent l'aspect moderne du groupe. Le disque a été conçu au plus fort de la pandémie, les membres ont perdu des proches: Darryl son frère et Adrian son père. You Said Goodbye (composition de Darryl) témoigne de l'attitude du groupe qui parvient à traiter un sujet grave en apposant un rythme joyeux sur des textes qui vous tirent des larmes. S'il fallait résumer le disque (et donc qualifier le groupe), j'utiliserais deux mots: talentueux et inventif. En tout cas, il s'agit pour moi d'une belle découverte.  


The LUCKY ONES 

"Slow Dance, Square Dance, Barn Dance"  

Eux aussi viennent du Canada, mais du Yukon. J'avais été séduit par leur premier album (sans titre) paru en 2021 et grande fut ma surprise de voir son successeur arriver si vite. Ian Smith (guitare, harmonica, voix), JD McCallen (guitare et voix), Ryan James West (mandoline, guitare et voix), Kieran Poile (fiddle et voix) reçoivent le renfort d'Aaron P. Burnie (banjo), Hayley Warden (basse), Aki Jonasson (accordéon), Jeff Dineley (harmonies et basse), Michael C. Duguay (piano) et Jo Lane Dillman (harmonies). Inspiré par le bluegrass aussi bien que par le honky-tonk, mais surtout par la vie dans le grand nord, le groupe rend une copie qui serait parfaite si elle n'était pas si courte (neuf titres et moins de vingt-sept minutes). Goodbye Train (qui pourrait figurer sur Desperado de Eagles), Keno City Love Song (superbe ballade d'amour nostalgique) ou encore Kate And Dan (qui narre l'histoire tragique de deux fameux criminels) ne sont que trois exemples de ce que savent faire The Lucky Ones, dont la cohésion, aussi bien musicale que vocale, et la capacité à trousser en trois minutes des petites histoires habillées de superbes mélodies sont remarquables.

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