jeudi 8 juin 2023

Du Côté de chez Sam, par Sam Pierre

 

Malcolm HOLCOMBE

"Bits & Pieces" 

"Il fait partie des grands mais trop peu le savent". C'est ainsi que je terminais la chronique de Tricks Of The Tale, le précédent album de Malcolm Holcombe (Le Cri du Coyote, #170). Rien n'a changé, si ce n'est que Malcolm, déjà considéré comme un survivant à de nombreuses épreuves, a dû, comme son modèle John Prine avant lui, affronter un cancer diagnostiqué en 2022. Il a décidé avec son ami Jared Tyler, son double musical, ne sachant ce que l'avenir lui réservait, d'enregistrer quelques chansons qui pourraient éventuellement déboucher sur un album. Voici donc Bits & Pieces, treize titres composés par Malcolm et interprétés par les deux seuls hommes (Malcolm à la guitare acoustique et au chant, Jared se chargeant de tout le reste). La voix du songwriter évoque celle du Dylan des années 2000, et les performances de Jared, notamment au dobro et à la lap steel, illuminent des compositions au thèmes souvent sombres et aux textes empreints de sagesse et truffés de ce que ses amis appellent des malcolmismes. Écoutez attentivement, par exemple, Happy Wonderland ("Tu dois beurrer ton pain du bon côté / Ne siffle pas les filles autour de toi"), The Wind Doesn't Know You ("C'est une bataille quotidienne de se réveiller le matin"), Bring To Fly, I Been There, et vous entendrez autant de leçons de vie délivrées avec une bonne dose d'humour. Il fait souvent des constats sur la dureté de la vie, comme dans Fill These Shoes: "Des gens sont tués sans raison / Certains donnent leurs vie pour que d'autres continuent à respirer". Même si on ne comprend pas l'Anglais (le CD comporte un livret avec les textes, ce qui devient rare), on ne peut qu'être sensible au blues-folk de Malcolm Holcombe et à la complicité qui le lie à Jared Tyler. Bits & Pieces est son dix-huitième album, le cinquième depuis 2016 que je chronique pour le Cri du Coyote, et c'est sans un de ses meilleurs, même s'il fait preuve, depuis plus de trente ans, d'une constance dans la qualité rare à ce niveau-là. 

 

Brian KALINEC

"The Beauty Of It All" 

Brian Kalinec est, avec son épouse Pam, à la tête de Berkalin Records, un label qui ne se trompe jamais sur la qualité des artistes qu'il publie. Matt Harlan, Bob Cheevers, George Ensle, Jeff Talmadge, Tim Henderson, Jim Patton & Sherry Brokus, Libby Koch, Daniel Boling, Ordinary Elephant, Bernice Lewis, Curtis McMurtry, Jordi Baizan, Randy Lewis Brown, Randy Palmer, voici quelques-uns d'entre eux. Brian n'est pas en reste et il le prouve avec The Beauty Of It All, son troisième album en solo. Les précédents ont été Last Man Standing en 2007 et The Fence en 2012 (Le Cri du Coyote 129) auxquels s'ajoute Let's Get Away par Kalinec & Kj (Le Cri du Coyote #170). Le disque est produit par Merel Bregante (Loggins & Messina, The Dirt Band) et propose treize compositions originales ainsi que la reprise de Big Hearted (écrite par Steve Seskin & Kate Schutt). On est ici dans un registre proche de celui d'artistes comme James Taylor et Dan Seals, avec une belle brochette de musiciens qui ont l'occasion de se mettre en valeur. Outre Brian (guitares acoustique et électrique) et Merel (batterie et percussions), on entend Pete Wasner aux claviers, particulièrement brillant au "grand" piano, Cody Braun à la mandoline et à l'harmonica, Rankin Peters et Mark Epstein à la basse, Dave Pearlman et Paterson Barrett à la pedal steel, Dirje Childs au violoncelle, Michael Dorrien à la guitare, James Rieder aux cordes et à la contrebasse, ainsi que quelques vocalistes parmi lesquels Sarah Pierce, Jen Grove, Susan Elliott, Merel Bregante. De The Beauty Of It All (qui annonce bien ce qui va suivre) à River Of Kindness, en passant par Two Roads, Redwood Fence, Next Door Stranger (avec l'accordéon de Pete), Pizza And God (un clin d'œil à l'ami Jeffco), Fix-It Man (où la mandoline dialogue avec le piano), If You'd Only Ask Me, on se laisse charmer par cette oasis de calme au milieu d'une période troublée. Brian ne dit d'ailleurs pas autre chose: "Avec un peu de chance, cet album célèbrera quelques-unes de nos victoires tranquilles dans des vies trépidantes". 

 

Ags CONNOLLY

"Siempre" 

Depuis une bonne dizaine d'années (il a publié son premier disque, un EP, en 2012), Ags Connolly trace son sillon. Originaire d'Oxfordshire, Angleterre, il s'impose petit à petit comme un des meilleurs auteurs-compositeurs-interprètes du vieux continent dans le domaine de la musique country traditionnelle. Il a été adoubé par les plus grands, notamment Tom Russell et le regretté James Hand. Siempre est son quatrième album studio de compositions originales, auxquels s'ajoute un Live in St. Louis, MO, et un disque de reprises de chansons de cowboys. Pour Ags, il s'agit de musique texane, dans lequel le style tejano prend plus d'importance, aux côtés du honky-tonk, que dans les disques précédents. L'accordéon et les harmonies de Michael Guerra en sont grandement responsables. Ajoutons-y le fait que le chanteur, en plus de la guitare acoustique, joue du bajo quinto, que Billy Contreras est au fiddle, et l'illusion est parfaite. Il suffit de fermer les yeux pour se croire à la frontière mexicaine, tout près du Rio Grande. Et les chansons, dans tout cela? Elles sont toutes (10 dont la seule reprise, Half Forgotten Tunes de Wes McGhee) excellentes. Headed South For A While ouvre le bal, le titre évoque à la fois la route et le fait de vieillir. La voix (excellente, il faut le souligner) d'Ags est posée sur un fond d'accordéon avec un rythme presque rock. Avec Change My Mind, une polka, on tombe dans le plus pur style tejano. Doug Sahm, les Texas Tornados et Freddy Fender ne sont pas loin. Il y a aussi Overwhelmed, une "valse de salle de bar" où brillent la guitare de Rob Updegraff et le fiddle de Billy Contreras. Je peux encore citer la superbe ballade Tell Me What You Were Gonna Tell Me ainsi que Señora (Whatever Comes First), dont le titre suffit à définir le style, ainsi d'ailleurs que les autres titres, tellement cet album est vite addictif. J'accorderai juste une place à part à Turns Out, rien que pour la partie de dobro du légendaire B.J. Cole dont la pedal steel guitar, depuis cinquante-cinq ans, est comme un trait-d'union country entre l'Angleterre et le nouveau continent. Cet album paraît le 16 juin. Précipitez-vous sur le site d'Ags Connolly pour le commander, vous ne trouverez pas mieux dans le genre avant un moment 

 

Iris DeMENT

"Workin' On A World" 

Voici une artiste qui sait se faire oublier, n'enregistrant et ne publiant un disque que lorsqu'elle a quelque chose à dire, un message à faire passer. Workin' On A World n'est que son cinquième album de compositions personnelles, Après trois disques de 1992 à 1996 (Infamous Angel, My Life et The Way I Should), il a en effet fallu attendre 2012 et Sing The Delta. C'est l'élection de Trump qui a incité Iris à remettre l'ouvrage sur le métier, avec cette question: comment s'en remettre? Bloqué à mi-chemin par la pandémie, le disque a mis six ans à être réalisé avec l'aide de trois amis et coproducteurs: Richard Bennett, Pieta Brown et Jim Rooney. C'est Pieta Brown qui a donné le coup d'accélérateur au projet. Iris le raconte, "Pieta m'a demandé ce qu'il en était des enregistrements que j'avais faits avec Jim et Richard en 2019 et 2020. Je lui ai dit que j'avais pratiquement renoncé à essayer de faire un disque. Elle a demandé si elle pouvait écouter. Je lui ai fait envoyer tout ce que nous avions fait, et peu après, j'ai reçu un texto, plein de points d'exclamation: 'Tu as un disque et ça s'appelle Workin' On A World!'". Bennett de retour dans le studio avec elles, Iris et Pieta ont enregistré plusieurs autres chansons et ont mis la touche finale au disque à Nashville en avril 2022. On ne peut que bénir Pieta d'avoir insisté, tellement le résultat est convaincant. Huit titres sont de la plume d'Iris, deux ont été co-composés avec Pieta (The Sacred Now et I Won't Ask You Why), un avec Greg Brown (Let Me Be Your Jesus) qui a écrit seul Walkin' Daddy et mis en musique Waycross, Georgia du Révérend Samuel E. Mann. Accompagnée de son piano, avec sa voix reconnaissable et aux intonations quasi-religieuses, Iris nous offre treize titres comme autant d'hymnes, aux mélodie aussi belles que les textes sont profonds, incitant l'auditeur à se poser des questions. Workin' On A World (mission impossible?) ouvre le bal avant de laisser la place au long monologue qu'est Goin' Down To Sing In Texas où chaque mot a son importance. On y retrouve évoqués pêle-mêle le lobby des armes ("Je vais chanter au Texas / Où chacun peut porter une arme / Nous serons tous bien plus en sécurité là-bas / Le plus grand mensonge sous le soleil"), The (Dixie) Chicks qui défendent si bien la cause féminine en défiant l'establishment, Jesus qui a chassé les marchands du temple, un temple où, de nos jours, on laisse même plus entrer les pauvres qu'Il défendait. On croise aussi des Musulmans qui semblent être des personnes fréquentables, des criminels en liberté parmi lesquels un président qui a menti à propos des armes de destruction massive, des personnes de couleur sur qui la police peut tirer, etc. On n'est pas loin de Blowin' In The Wind avec, pour Iris, une conclusion dans laquelle elle affirme qu'elle ne fait qu'essayer d'être authentique et sincère. Je pourrais citer The Cherry Orchard, titre plein de symboles, ou encore Nothin' For The Dead, le seul où le piano est absent, Mahalia (Jackson), qu'Iris écoute chanter How I Got Over, ou enfin Warriors Of Love. Quel que soit le titre que vous écouterez, vous n'entendrez qu'un message d'amour, plus fort que la colère, de la part de cette infatigable combattante qui se bat sans répit contre les injustices et pour les droits humains et qui considère la musique comme une thérapie, comme une arme pacifique. 

 

Rodney CROWELL

"The Chicago Sessions" 

Cet album a pris naissance lors de la Cayamo Cruise, en 2020, à laquelle participaient Rodney et Jeff Tweedy. Les deux hommes se confièrent leur admiration mutuelle et Jeff invita Rodney à venir enregistrer dans son studio, à Chicago. Le marché fut vite conclu et nous avons aujourd'hui le résultat sous la forme d'un nouvel album de Rodney Crowell, produit par Jeff Tweedy. On pouvait craindre que Jeff ne veuille faire du Wilco mais il n'en est rien. Nous avons droit à ce que Rodney a publié de mieux depuis longtemps, comme revigoré par cet échange entre deux musiciens de générations différentes. Rodney a amené avec lui Jedd Hughes (guitares et mandoline), Catherine Marx (piano et orgue) et Zachariah Hickman (basse). Jeff Tweedy est aux guitares et au banjo et deux batteurs de Chicago complètent le casting (John Perrine et Spencer Tweedy (fils de…). Les compositions originales de Rodney sont complétées par une superbe reprise de No Place To Fall de l'ami Townes. Il y a aussi Everything At Once, coécrit et co-interprété par Rodney et Jeff. Du premier titre, Lucky, au dernier, Ready To Move On, on sent le souffle du rock mélodieux de la fin des fifties, celui de Buddy Holly et des Everly Brothers, mais on est également tout près du Hot Band d'Emmylou (rien de surprenant) époque Elite Hotel et Luxury Liner, notamment grâce à une excellente relecture de You're Supposed To Be Feeling Good (une première pour Rodney qui n'avait jamais enregistré ce titre). 

 

Chip TAYLOR

"The Cradle Of All Living Things" 

Jouons à remonter le temps. En 2021: Can I Offer You A Song (double CD). En 2020: Dad & The Monkey, Songs From The Lock Down, In Sympathy Of A Heartbreak. En 2019: Whiskey Salesman. En 2018: Fix Your Words. En 2017: A Song I Can Live In. En 2016: Litlle Brothers. En 2015: Human Passing Through. En 2014: The Little Prayers Trilogy (triple CD). En 2013: Block Out The Sirens Of This Lonely World (double CD). Je me limite aux dix dernières années en ce qui concerne les publications de Chip Taylor qui vient de fêter ses 83 ans. Vous noterez qu'il n'y a rien en 2022. Qu'à cela ne tienne, voici un nouveau double album: The Cradle Of All Living Things. Pour qui ne connaitrait Chip Taylor (aka James Wesley Voight) que pour un hit des Troggs dans les sixties et ses prestigieux liens de parenté, il reste beaucoup à découvrir. Son nouvel opus, copieux (vingt-sept titres), ne surprendra pas ceux qui le suivent depuis longtemps, au moins depuis 1996, année de son retour à la musique après vingt années où il avait plutôt passé son temps à se faire interdire des casinos. Le premier CD commence par The Cradle Of All Living Things où la Norvégienne Hege Brynelsen vient chanter avec lui (comme elle le fait dans True Love). Chip, lui, a toujours le même timbre, oscillant entre récitation et chant murmuré, sur le ton de la confidence. Et c'est sans doute cette intimité qu'il crée avec son auditeur qui fait que ce dernier l'écoute attentivement, presque religieusement, car Chip Taylor est un songwriter de tout premier plan, fin observateur de la vie, qui écrit des textes pleins de sens sur des mélodies très subtiles. L'accompagnement n'est pas envahissant. Il y a, aux guitares et au dobro, l'ami John Platania, présent à ses côtés depuis Gasoline en 1972 (il accompagnait aussi Van Morrison à l'époque). Il y a aussi à la basse sur Sofia, Tony Mercadante, vingt-cinq ans d'ancienneté, et Magnus Olsson à la batterie et aux percussions. Il y a encore (et surtout) GoranGrini, autre norvégien qui est là depuis une dizaine d'années, coproducteur et multi-instrumentiste (toutes sortes de claviers, harmonica, basses, autoharpe, samples) qui contribue grandement au son de l'album. Parmi les titres les plus marquants, je citerai Oh It Feels Kinda Different (où Chip évoque son ami John Prine comme il le fait dans Give Her Away Jonny), How Come That Always Happen, Closing Time, I Don't Know Which Song I'll Sing Tonight, That's What I Like About The Sky, Why Didn't I Think Of That Before. Cela étant, je vais me permettre un conseil au-delà de cette énumération: comptez deux heures devant vous, coupez vos téléphones et servez vous un whiskey que vous dégusterez et savourerez lentement, de la même manière que vous écouterez The Cradle Of All Living Things. Car Chip Taylor est comme la boisson ambrée: tout le monde n'aime pas mais, quand on l'aime, on l'aime vraiment et on a envie de se resservir, mais aussi de souhaiter à Chip un bon rétablissement. Il a en effet été diagnostiqué d'un cancer de la gorge fin 2022, ce qui l'a contraint à reporter les concerts qu'il devait donner en Europe cette année.

vendredi 2 juin 2023

Avenue Country par Jacques Dufour

 

Bobby RAY

"It's Not The Years It's The Mileage" 

Ce chanteur aurait mérité une meilleure production. Le son n’est pas top. Je ne suis pas accro à son vocal non plus. Après c’est une question de goût mais je suppose que Bobby Ray est un amateur qui enregistre dans son salon. En tant que compositeur par contre il est nettement plus crédible. Il y a deux rock and roll et le reste n’offre que des balades et il y en a quand même treize! 

 

Coke HENDRY

"Stress & Medicine" 

Si vous êtes surtout amateur de country classique vous ne serez pas réellement convaincu par la musique de Coke Hendry. Ses nombreux country-rock sont nettement plus rock que country. Par contre il nous offre avec Homegrown Angel un peu de rock and roll classique. La country n’est présente qu’avec deux chansons For You To Hear et Train From Santa Fe. Il faut certainement l’aborder dans un honky tonk surchauffé: il vous fera boire quelques bocks de bière. 

 

 

Jill BARBER

"Homemaker" 

Cette chanteuse nous offre un album intimiste de country/folk, plus folk que country. Je ne vous conseille pas de l’écouter le soir d’une dure journée de travail. Par contre les amateurs de douceurs pourront apprécier…

 

Remi MAE

"Remi Mae" 

Remi Mae est une jeune auteur/compositeur Texane qui nous offre son premier EP cinq titres bien variés. Une ballade, un rock, un slow et deux chansons interprétées en duo. Remi Mae lave son linge avec Cody Canada (ex-Cross Canadian Ragweed) dans Washing Machine Song et partage Classic Kind Of Thing avec Sunny Sweeney. Une piste à suivre… 

 

RI WOLF

"Randall County Reverb" 

J’ai trouvé cet album attachant, bien que sans prétention. C’est le genre de chanteur que l’on écoute au coin du feu. Une guitare acoustique et une pedal steel pour l’ambiance et c’est tout. Une veillée au saloon. Dehors le vent se déchaîne et le coyote hurle.

 

The DOOLIN DALTONS

"Love's Whisper" 

Je serais tenté de qualifier la musique des Doolin Daltons de country mélodieuse, voir moelleuse. J’imagine bien des Everly Brothers ou des Brothers Four des années 2020 avec un répertoire certes moins punchy mais présentant de fort belles harmonies vocales. C’est très bien enregistré, bien léché, mais un peu trop lisse quand même. La seule exception étant un bon petit rock and roll. Mais l’ensemble manque de peps. Plusieurs chansons par contre auraient fort bien convenu à Roy Orbison ou Raoul Malo

 

Shania TWAIN

"Queen Of Me" 

Il y a un an les fans de Shania Twain se sont vus gratifiés d’un album qui préfigurait le retour de la belle Canadienne avec la reprise de ses anciens succès contre un seul nouveau titre. Avec cette nouveauté 2023, Queen Of Me, ce sont enfin douze nouvelles chansons. Mais ne vous réjouissez pas trop vite. Si la country bien moderne de Shania préfigurait il y a vingt ans ce qu’allait être la country/pop des années 2020 elle a carrément basculé du côté de la pop avec un accompagnement des plus synthétiques. C’est dommage car le vocal est toujours aussi accrocheur. Il est hélas broyé dans une production pour discothèque. Shania ne retrouvera plus le sommet des charts mais il y aura quand même des chorégraphies pour les danseurs. 

 

TWO RUNNER

"Modern Cowboy" 

Cet album de huit titres démarre sur un rythme fort guilleret sur lequel dominent le fiddle et la batterie. On ne rapprochera donc pas ce duo féminin du bluegrass car la batterie est historiquement exclue du style popularisé par Bill Monroe. Les morceaux suivants d’ailleurs font plutôt pencher la balance vers le folk, voire la musique traditionnelle. Les balades acoustiques dominent. Outre le premier titre en intro l’album nous réserve un instrumental rapide joué au violon et un country/bluegrass sur lequel on retrouve la batterie ainsi qu’un banjo et le violon. Les harmonies vocales sont agréables comme il sied généralement à deux sœurs ou deux frères. Sauf que Paige Anderson (songwriter) et Emilie Rose (fiddle) n’ont en commun que le fait d’être originaire du nord de la Californie. Toutes deux ont commencé la musique très jeunes au sein de formations familiales. 

 

 

Andy HEDGES

"Roll On, Cowboys" 

Y a-t-il encore un public en 2023 pour les vieilles complaintes de cowboys ? Peut-être quelques rares collectionneurs nostalgiques d’une période musicale que même leur grand-parents n’ont pu connaître. En effet la musique contenue sur ces deux CD, soit dix-neuf chansons et trois narrations, nous reporte bien au-delà de l’ère des cowboys chantants tels que Gene Autry, Roy Rogers ou Rex Allen. Nous sommes au temps où la musique jouée par les garçons vachers le soir au bivouac ne s’appelait pas encore hillbilly music. La Carter Family et Jimmie Rodgers allaient arriver mais les vedettes de l’époque se nommaient Gid Tanner, Riley Puckett ou les Skillet Lickers. On parlait de string bands, de fiddle tunes et de musique old time. L’accompagnement du vocaliste est des plus sobre : une guitare acoustique, un banjo ou un harmonica. Cet aspect rudimentaire n’est franchement pas très attrayant, surtout pour l’auditeur qui ne maîtrise pas l’anglais, et la présence de quelques invités de marque tels que Ramblin’ Jack Elliott, Tom Russell ou Corb Lund n’y change rien. La musique de Andy Hedges a le mérite de faire revivre l’histoire d’une époque mis elle est fort monotone. Au moins les Riders In The Sky nous offrent leur humour et quelques yodels… 

 

Luke POWERS

"Time To Shine" 

Cet album correspond tout à fait à la triste banalité de son illustration de pochette. Nous avons là un chanteur sans conviction à la voix des plus quelconques interprétant des chansons lentes et fort ennuyeuses. Il a voulu se faire plaisir et peut-être pensé offrir son album à sa grand-mère. Aucun talent. Ne perdez pas votre temps. 

 

 

 

Wade SKINNER

"Flood" 

Rien de très original à l’écoute de cet album. Mais rien de désagréable non plus. C’est assez country pour qu’on y distingue le fiddle et la pedal steel guitar et c’est très bien enregistré. Seulement le résultat ressemble à des dizaines, pour ne pas dire des centaines, d’autres albums qui paraissent chaque année. Wade Skinner est un bon chanteur mais sans le petit truc qui le ferait sortir du rang. Les ballades défilent en l’absence de titres rapides et certaines sont excellentes comme The Old Days que l’on croirait tirée du répertoire de Jennings ou Like You’re Still Near, très country classique. Si Wade Skinner avait eu la bonne idée d’incorporer quelques honky-tonks dans le lot, c'eût été un très bon album. 

 

Haley E RYDELL

"Midwestern Daughter" 

Encore une photo de pochette étrange. Cette chanteuse devrait être ravie de nous présenter son album. Au lieu de cela elle fait la moue. Le premier titre ouvre sur un fond d’americana. Midwestern Daughter qui suit est une ballade agréable. Après ça se gâte un peu. Suit une série de ballades ennuyeuses relevées heureusement par des chansons americana plus gaies. Un album intéressant pour qui accepte de sortir du contexte country ou new-country. 

 

 

  Karen JONAS

"The Restless" 

Voici un album qu’on serait tenter d’acquérir pour sa pochette! Le précédent opus de Karen Jonas, chroniqué en son temps dans le Cri du Coyote, avait une illustration déjà un tantinet coquine. Cette chanteuse originaire de Virginie se situe en retrait de la country classique dans une ambiance americana qui lui laisse peut-être plus de libertés d’expression. L’aspect alternatif de certaines chansons peut freiner l’intérêt de l’amateur de country traditionnelle. L’atmosphère est cool en général mais il s’autorise un morceau swing sympa. Le vocal est agréable et cet album plaira aux lecteurs qui aiment les douceurs. 

 

 

Mike HUGHES

"Warm Red Wine" 

Certes, la perfection n’existe pas mais, dans la catégorie country music classique option honky tonk pur, il est difficile de trouver mieux. Cet artiste vétéran du Missouri a choisi de reprendre onze classiques du honky tonk empruntés à Ray Price (trois titres), Faron Young, Red Steagall, George Strait, Billy Walker, Bill Anderson, Charlie Walker ou Earl Thomas Conley (l’excellent country-rock Somewhere Between Right And Wrong). Il y a notamment plusieurs numéros 1 des années 50 et 60 auxquels Hughes ajoute un original, Warm Red Wine, dans la même veine. En 2023 c’est comme si on ressuscitait un tyrannosaure. En tout cas c’est l’album du semestre. 

 

 

The WOLFE BROTHERS

"Livin' The Dream" 

Cet album s’adresse à tous ceux qui écoutent habituellement Little Big Town ou Lady Antebellum. Je doute qu’il y en ait beaucoup parmi les lecteurs du Cri du Coyote. Ce duo que je découvre se livre à la pratique d’une musique que l’on appelle "nashpop". On apprécie ou pas car c’est bien fait mais cela n’a plus qu’un rapport très mince avec la musique country. Deux ballades agréables sur douze titres peuvent s’y référer et c’est tout. De la pop bien léchée. 

 

 

 

Matt PUDAS

"Working On Me" 

Je me plains peut-être trop souvent du fait que bon nombres d’albums servent à profusion des ballades ennuyeuses. Cette fois il n’y en a que quatre, contre six rocks, dont une qui bénéficie d’un fiddle et c’est ici le seul rapport avec la country music. Ce chanteur est certainement plus inspiré par Springsteen ou Tom Petty que par Jones ou Haggard. Ce n’est pas le style de rock que j’apprécie mais il peut accrocher certains lecteurs. 

 

 

 

 

ROSE'S PAWN SHOP

"Punch-Drunk Life" 

Ce qui frappe aux oreilles à l’écoute du premier titre avec ce groupe dont j’ignore tout c’est la qualité des harmonies vocales et de l’accompagnement musical. On peut se souvenir des groupes des années 90 tels Restless Heart, Diamond Rio ou Shenandoah. Il y a un peu de ça mais surtout un mélange d’americana et de son west coast sur des chansons majoritairement rythmées. Un seul titre sur les douze est typiquement country mais l’ensemble s’écoute avec plaisir.

 

 

 

Craig CAMPBELL

"The Lost Files, Exhibit A" 

Craig Campbell était jusque là perçu comme un artiste country relativement traditionnel au sein du milieu nashvillien. Ce qui explique peut-être la frilosité des radios country américaines à le programmer car sur treize années il n’a réussi à classer que six simples, aucun d’entre eux ne pénétrant le Top 10. Sa prestation à Gstaad en 2012 lui avait valu des critiques élogieuses. Après cinq ans de silence discographique voici le Géorgien de retour avec un album de seize titres. Et une fois de plus le vieil adage s’applique: quantité ne rime pas forcément avec qualité. Craig Campbell en 2023 semble davantage préoccupé à plaire aux radios nashpop quitte à prendre ses distances avec la country. User de titres tels que Johnny’s Cash ou Talk Country To Me pour nous asséner du rock qui n’a rien de country est une injure. Mais soyons justes: il nous reste deux ou trois ballades bien chantées et autant de country-rock assez juteux bien que conduits par des guitares acérées. Ajoutons quelques titres new-country passables et nous obtenons un album d’une dizaine de chansons écoutables. C’es peu et c’est dommage car Craig Campbell possède un bon vocal qui se rapproche de celui de Trace Adkins

 

Theo LAWRENCE

"Chérie"

 Il a fallu que je lise une revue anglaise pour apprendre l’existence d’un chanteur de country à Bordeaux. Cet artiste semble mieux connaître les médias britanniques qui ont chroniqué son album et ce d’une manière fort élogieuse, ce qui est peu commun. Aucune information notamment sur d’éventuelles prestations dans notre pays. On est un peu vexé d’autant que cet album est d’une qualité exemplaire. Je dirai même qu’il est surprenant à deux titres. D’une part l’aspect classique de la musique country que semble privilégier Theo Lawrence. Alors que la production française s’aligne plutôt sur la musique qui se danse en ligne, notre Bordelais baigne dans l’esprit des années 50 et 60 que seuls abordent les Subway Cowboys mais dans une orientation plus hillbilly/rockabilly. Et, d'autre part, je suis stupéfié (le mot n’est pas trop fort) par la qualité du vocal et par la restitution du son de l’époque concernée. Le premier titre, California Poppy, A Dime For A Nickel et I’ve Been Here Too Long, sont de vraies pépites de country bien classique comme les juke boxes en diffusaient dans les années 50. C’est quasiment du Bakersfield Sound. The Universe Is Winding Down est du pur honky tonk, Cherie sent bon la Louisiane et Liquor And Love pourrait figurer au répertoire des Mavericks. Il y a encore de la ballade, du slow rock et même de la variété pour teenagers des années 60. J’ai hâte d’en apprendre plus sur la réalisation de cet album qu’il faut découvrir absolument. 

PS : Theo, si tu lis ces lignes, peux-tu contacter la rédaction du Cri ?