vendredi 25 février 2022

Du Côté de chez Sam

 

 
"Still Playin' Favorites" 
 
Don McLean nous avait offert en 1973 un album intitulé Playin' Favorites, à dominante rurale et acoustique, dans lequel il rendait hommage à quelques-uns de ses maîtres, de Buddy Holly à Jimmie Rodgers et où les morceaux traditionnels folk, blues et bluegrass étaient à l'honneur. Quarante-sept ans plus tard, il récidive avec Still Playin' Favorites paru en octobre 2020 (sous forme digitale). Cette fois, Don creuse davantage le sillon avec une approche plus rock. Plus de violon ni de banjo mais deux guitares électriques (Vip Vipperman et Michael Severs), un piano (Tony Migliore), une basse (Mark Prentice) et une batterie (Jerry Kroon). Bien sûr, en plus de sa guitare acoustique, Don McLean est venu avec son meilleur instrument, une voix qui n'a rien perdu de ses qualités en un demi-siècle. Les titres repris vont de Bessie Smith (Backwater Blues) à Johnny Horton (Got The Bull By The Horns) en passant par Johnny Cash époque Sun (So Doggone Lonesome), Hoyt Axton (Greenback Dollar), Elvis Presley (Little Sister, Treat Me Nice) et Bob Dylan (Most Likely You Go Your Way And I’ll Go Mine). Rien de neuf, sinon un réel plaisir qui donne une furieuse envie de se replonger dans les originaux. 
 

Julie CHRISTENSEN 

"11 From Kevin: Songs Of Kevin Gordon" 

Cette artiste est active depuis quatre décennies mais je ne la connaissais que parce qu'elle avait collaboré avec Leonard Cohen (je l'ai aussi croisée sur des disques de Bruce Joyner ou Neal Casal), après avoir co-fondé (et quitté) Divine Horsemen. Je découvre seulement sa carrière solo (alos qu'elle vient de fêter ses 66 ans) parce qu'elle a eu la bonne idée de consacrer un album entier à Kevin Gordon, qui mène depuis près de trente ans une carrière aussi impeccable que discrète, jalonnée d'albums de grande qualité tels qu Cadillac Jack's #1 Son, Down To The Well ou Tilt And Shine, le plus récent. Julie reprend donc onze titres qui rendent justice à l'un des trésors cachés du songwriting folk-rock américain. En fait il il y a douze titres car Heart's Not In It, coécrit avec Gwil Owen est enchaîné avec Down To The Well, coécrit avec Colin Linden, et cette suite de près de neuf minutes est à la fois le point central et le moment le plus fort de l'album. Si l'objectif était de mettre en valeur les compositions de Kevin, on peut affirmer sans hésiter qu'il est atteint. Mais il permet aussi d'apprécier les grandes qualités d'interprète de Julie Chistensen, accompagnée par des partenaires dont la carte de visite parle pour eux, tels que Sergio Webb, Gregory Boaz, Irakli Gabriel, Brent Moyer, Chris Binelli ou Chris Tench

 

JOHNSMITH 

"Backroads" 

Johnsmith a co-produit son neuvième album avec Tom Prasada-Rao. Cet homme, aussi discret que talentueux nous offre treize nouvelles compositions, tranquilles et bucoliques, au charme indéniable et pleines d'âme. Dès le premier titre, on a envie de se laisser bercer par les accords de guitare et la voix doucement éraillée de John. L'homme chante la campagne, adresse des mots d'amour à son épouse de toujours (Forty Years), à son pays, à son Wisconsin où il vit au bord du Mississippi. Les claviers (en particulier l'accordéon) de Radoslav Lorkovic répondent au bouzouki, au fiddle et au banjo de Tim O'Brien et à la pedal steel de Darrell Scott. Le parfum country de Virgil's Sweet Six String et Rattle My Bones alterne avec des titres plus méditatifs comme Out Across the Openness et Before I Go. Des chansons comme Trampealeau et On The Road To Los Alamos, très imagées, sont parmi les meilleures, au même rang que le morceau titre. Depuis ses débuts en 1990 avec Dan Sebranek (ici présent) avec qui il formait le duo Runaway (il s'appelait encore John Smith à ce moment), Johnsmith n'a cessé de se bonifier, d'affiner son art subtil et délicat. 

 

Bobby ALLISON & Gerry SPEHAR 

"Delta Man" 

Bobby Allison est né au Texas et a grandi au Nouveau Mexique, Gerry Spehar (dont je vous ai déjà présenté deux disques dans les colonnes du Cri) vient du Colorado. C'est à Denver, en 1981, que les deux hommes se sont rencontrés et ont commencer à travailler ensemble, enregistrant des maquettes. Quelques années plus tard, Gerry arrêta de se produire pour se consacrer à sa famille alors que Bobby poursuivait sa carrière en solo. Les deux hommes, comme deux frères, continuèrent cependant à écrire ensemble, se rendant régulièrement à Nashville pour enregistrer avec des musiciens tel que Pete Wasner, George Marinelli, Michael Rhodes, Lonnie Wilson ou Rick Plant. Kinda Like Love, Bite The Bullett, Baby's Got The Blues, River, Bubba Billy Boom Boom And Me, The Good Life et Train, Train, Train résultent de ces sessions de la fin des années 1990. Certains titres (Eye Of The Needle et Balmorhea) datent de 2005 alors qu'un autre (Here In The Pass) a été enregistré en 2015 avec les musiciens de I See Hawks In L.A. (Paul Lacques, Paul Marshall et Shawn Nourse). Les titres les plus récents sont: Money, Delta Man et 25 Miles To Brady. Quoique disparate en apparence, cet album de quinze titres présente une belle unité et résume parfaitement les quarante ans d'amitié et de complémentarité de Bobby et Gerry, aussi à l'aise sur des ballades folk que rock ou country-rock.

"Live At RPT's Library" 
Quand on entend Randy Brown, on a l'impression de l'avoir toujours connu. Il fait partie des songwriters qui ont ont toujours quelque chose à dire ou à écrire et le font bien. Il a commencé sa carrière au sein du groupe Jealousy Motel à la fin du siècle dernier avant de publier son premier album solo en 2006 (il n'en a sorti que trois, le dernier, Red Crow, datant de 2019). Cet enregistrement live en studio et solo date de 2017 mais Randy l'a jugé suffisamment bon pour le livrer à ses supporters et les inviter à passer un bon moment avec lui comme en témoignent Walked On The Moon, The Trouble With Me ou But Wait, There's More.
 
 

John PRINE and Friends

"Recorded Live at Newport Folk 2017" 

Voici bientôt deux ans que John Prine nous a quittés et, mise à part l'émouvante chanson I Remember Everything qu'il avait enregistrée peu avant sa disparition n'ont été publiés de lui que des documents live, pas toujours officiels, en concert ou pour des émissions de radio. La fondation des Festivals de Newport nous offre aujourd'hui un double vinyle (en édition limitée) d'un enregistrement au Festival Folk de 2017. Ce projet, annoncé en mars 2021 n'a abouti qu'en fin d'année compte tenu des délais de fabrication des 33 tours. L'objet est superbe, le contenu l'est autant. La face A nous propose John accompagné de son groupe (Kenneth Blevins, David Jacques, Pat McLaughlin et Jason Wilber) pour quatre titres: Love, Love Love, Glory Of True Love, Long Monday et Taking A Walk. Quatre titres encore pour la face B: Your Flag Decal Won't Get You Into Heaven Anymore, Bruised Orange (avec Justin Vernon de Bon Iver), Angel From Montgomery et Fish And Whistle. Au programme de la face C, on trouve All The Best (avec Jim James), Mexican Home, In Spite Of Ourselves (avec Margo Price), That's The Way That The World Goes 'Round et Sam Stone (avec Nathaniel Rateliff). La face D est un joli bouquet final: Hello In There (avec Roger Waters de Pink Floyd et Jesse Wolfe et Holly Laessig de Lucius), puis Lake Marie et, enfin, Paradise (avec les artistes du Festival). Cet album est un véritable best of, enregistré peu avant Tree Of Forgiveness, mais bien fidèle à l'ambiance des concerts qui ont suivi la parution de ce dernier disque, jusqu'à celui de Paris, le 13 février 2020. On écoute sans tristesse, tellement on se plonge vite dans l'ambiance. Un seul regret, John PRINE and Friends Recorded Live at Newport Folk 2017 n'est pas facile à se procurer, le quota de pré-commandes ayant été rapidement atteint. 

 

Various Artists

"Broken Hearts & Dirty Windows - Songs of John Prine Vol. 2" 

On ne se consolera pas forcément avec ce disque hommage, ni de la disparition de John Prine, ni de la difficulté à se procurer l'enregistrement de Newport. En revanche, on ne peut qu'être heureux de voir l'influence qu'avait et qu'à toujours John sur des artistes de générations différentes. Au générique (par ordre d'apparition): Brandi Carlile, Nathaniel Ratheliff, Amanda Shires, Tyler Childers., Margo Price, Valerie June, Jason Isbell, Bonnie Raitt, John Paul White, Iris DeMent, Emmylou Harris et Sturgill Simpson. Tous ont partagé à un moment ou un autre la scène avec John Prine, et les plus jeunes se rappellent la manière qu'il avait de les mettre en valeur. Quant aux titres repris, il faut noter que six sur douze proviennent du premier LP de 1971. Je m'attarderai cependant sur les plus récents, deux chansons nostalgiques et émouvantes: Summer's End, par Valerie June et I Remember Everything, par Brandi Carlile. Heartbreaking, comme on dit par là-bas...

mercredi 23 février 2022

Didier Céré, Rebelle du Rock par Jean-Christophe Pagnucco

 

Didier CÉRÉ "Rock Rebel" 

(Autoproduction, 2021)

Avec Rock Rebel, son tout nouvel opus et deuxième album solo en date, le mythique Bootleger Didier Céré, après une carrière bien remplie depuis plus de 35 ans avec le redoutable band du même nom, frappe très très fort. Le propos est rock’n’roll et même rockabilly, parfois country, et le pirate, redoutable d’habileté et de bon goût, défend ici un répertoire impeccable, épaulé par un casting de rêve, totalement inédit sur un album français. 

Pour le répertoire, Didier alterne entre compositions bien senties, en français comme en anglais, assez souvent irrésistibles (Daytona Beach, Rock Rebel, Vtwin Boogie, obsédantes à souhait) et reprises triées sur le volet, prélevées dans les recoins peu revisités des répertoires abondants de Moon Mullican (avec une redoutable version française de Seven Nights To Rock), de Johnny Hallyday (avec une version émouvante du trop peu connu Salut Charlie, œuvre commune de l’idole et de Michel Mallory, qui ont su créer, au cœur des années 70, d’authentiques bijoux de country francophone), de Zachary Richard (Zack Attack, issu de la période américaine du plus québecois des louisianais) ou encore de Little Richard Penniman (avec une adaptation française de Keep A-Knockin’, Tu peux frapper, des années après que le grand Clifton Chénier en ait fait un trésor zydéco sous le titre de Tu peux cogner mais tu peux pas rentrer.

Pour le casting de rêve, qu’on en juge: le grand guitariste de blues Buddy Whittington, les colossaux claviéristes Floyd Domino, Red Young, le dieu de la Telecaster Redd Volkaert, le pape de la pedal steel guitar Jean-Yves Lozach et, pour l’une de ses dernières apparitions en studio, notre regretté ami Patrick Verbeke, qui avait été si heureux de croiser le fer avec Buddy et Redd sur deux morceaux hautement jubilatoires. Au final, un album sans temps mort, qui passe comme un rêve rock’n’roll, intemporel et délicieux, servi par un chanteur au sommet de son art et de sa carrière, bien dans ses baskets, dans la générosité et jamais dans l’esbrouffe. Rock Rebel est un plaisir simple et puissant qu’il est urgent de s’offrir, et dont on espère qu’il pourra être défendu comme il se doit sur une scène le plus rapidement possible!

lundi 21 février 2022

L'avis d'Alain, par Alain Kempf

L'avis d'Alain

 
 

ROOTS ROCKIN’ 54

"Hillbilly Tuesdays" 

Voilà un groupe normand qui pousse la modestie à ne pas indiquer le patronyme des musiciens, ni sur la pochette du CD, ni sur la page Facebook! Cette dernière ne comporte que la mention laconique : "Groupe de hillbilly et early rockabilly des années 50". En tout cas, on n’est pas trompé sur la marchandise, c’est exactement ce qu’on entend! Sur la photo de pochette, les habitués du Cri reconnaîtront Frédéric “Walf” Mahieu (guitare solo et chant) et Éric Allart (steel guitare), deux membres des fameux Muddy Hill Boys chéris du public du festival de La Roche-sur-Foron (Éric nous régale par ailleurs de ses articles érudits dans notre magazine musical préféré!). Pas étonnant que le CD enchaîne 9 reprises de titres loin des standards rabâchés du rockabilly, de petites perles vintage qu’on prendra plaisir à découvrir, interprétées à la fois respectueusement des originaux et avec une énergie qui fait danser : Down In The Holler (Bill Browning), Go Boy Go (Carl Smith), False Hearted Girl (Delmore Bros.)… Ensuite, on a une belle version de Darling Corey, traditionnel du répertoire old-time et bluegrass revisité et l’album finit sur Goofy, un original composé par Frédéric, amusant et très réussi. Les autres membres du groupe sont Albert (guitare rythmique et chant), Astrid (chant et guiro) et Charly (contrebasse et chant). Il faut saluer le travail de ce bassiste qui slappe discrètement, fournissant une belle assise rythmique qui fait oublier l’absence de batterie. La mise en place instrumentale et vocale de ce CD autoproduit et la qualité du son nous font passer un excellent moment, dans l’ambiance du rock’n’roll naissant. On devine aussi qu’on ne doit pas s’embêter en rencontrant Roots Rockin’ 54 sur scène!

 

 

  GOOD ROCKING CAJUN 

"Lâchez-les" 

Le nom de ce groupe français annonce la couleur: un mélange de rockabilly et de cajun. La touche cajun est donnée par la présence de Roger Morand (dont on connaît le “Cajun Band”) au mélodéon (accordéon diatonique) et au chant. Il partage les solos et le chant lead avec Éric Lachasseigne (guitare électrique et chant) et la rythmique (d’enfer!) est assurée par Jean-Marie Ferrat (basse, chœurs) et Michel Droz (batterie). Le répertoire puise à diverses sources: des reprises de classiques du rockabilly (Matchbox Blues, Blue Moon of Kentucky, I’m Walking…), des morceaux cajun ou zydeco (La porte en arrière, Johnny peut pas danser…) et plusieurs compositions de Roger Morand (Ce type, Forty One Day…). Tout cela est joyeux et dansant, un parfait remède à la morosité!

 

STEREO NAKED 

"Unseen Course" 

Le deuxième album de ce duo de Cologne est une belle réussite : intéressant de bout en bout, à la fois sophistiqué et agréable à écouter, avec une belle diversité sonore et musicale et une forte personnalité. 

Dans le N°159 du Cri, je vous avais dit tout le bien que je pensais du concert du groupe (basé à Calogne) Stereo Naked à La Roche-sur-Foron, lors du festival bluegrass 2018, et de leur premier album Roadkill Highway sorti cette année-là. Comme le nom l’indique, il s’agit d’un duo jouant (en principe) dans une orchestration dépouillée: Julia Zech (chant, banjo clawhammer, piano) et Pierce Black (chant, contrebasse), auteurs des douze chansons de Unseen Course. On retrouve tout ce qui faisait le charme de l’album précédent : il y a l’ambiance folk et old-time qui se teinte selon les morceaux de jazz, blues, rock ou pop; Julia arrive à adapter son jeu de banjo aux contextes les plus divers; les deux voix se marient à merveille; la contrebasse porte le tout ; les textes sortent de l’ordinaire… 

Mais cette fois, Julia et Pierce font intervenir 14 autres musiciens et vocalistes qui donnent à chaque titre des colorations nouvelles, sans jamais étouffer la dynamique du duo originel. L’instrument additionnel le plus présent est la batterie, jouée par Nico Stallmann (7 interventions) et Peter Kowal (un morceau); il faut saluer leur travail impeccable qui contribue, en toute discrétion, à l’énergie d’ensemble (liste complète des intervenants ici). Le premier titre Drive Right In est le plus dépouillé: juste les deux voix, des percussions corporelles et un bourdon. Puis There We Go a des accents americana, avec un rythme syncopé. Would You? est le morceau le plus “old-time” avec un beau jeu de banjo de Julia. Old Solo est de toute beauté: une ambiance celtique envoûtante avec clarinette basse, nyckelharpa, contrebasse à l’archet et surtout une performance vocale vraiment émouvante. Homeward Bound me fait penser à du folk britannique et un insolite flugelhorn apporte un charme supplémentaire. Pierce devient crooner sur Give me Back My Mojo, drôle et jazzy avec une pedal-steel parfaitement employée. 

Sur Tunes With You, on est dans un rythme pop-rock, avec guitare électrique et trombone, et l’interprétation vocale de Julia est un régal. Sanity est un bijou de sophistication instrumentale et vocale, sur un texte radical: “Let’s dance like chickens with our heads cut off” (Dansons comme des poulets sans tête)! Peut-être le morceau le plus marquant de l’album, jugez-en en regardant le clip. Love Song Nr. 4 est une belle valse old-time; Patterns est une autre composition inclassable, rythmiquement complexe (superbe batterie!), et on admire la faculté de Julia à y adapter avec bonheur son banjo. Pierce Black nous raconte une belle histoire de retrouvailles inattendues avec un ami perdu de vue dans Dear Old Friend, plutôt bluesy, avec Julia au piano. L’album se clôt sur une ballade country à la fois psychédélique et délirante, avec pedal-steel et vocalises éthérées, qui m’évoque le grand Commander Cody : Take the Money and Run

 

SANTANA 

"Blessings and Miracles" 

Comme tout le monde, les groupes pop historiques cèdent à la mode du featuring; chez Santana, les invités sont principalement des chanteurs. Pour les lecteurs du Cri, c’est sans doute Chris Stapleton sur le reggae Joy et Stevie Winwood sur la reprise électro de A Whiter Shade of Pale qui retiendront l’attention, mais on a aussi le rappeur G-Eazy sur She’s Fire. Plusieurs titres sonnent très hard rock et on a la présence de Kirk Hammett (Metallica) sur America for Sale. Tout cela est richement produit mais tant les performances vocales que le traitement instrumental m’ont laissé froid. Ce sont les instrumentaux que j’ai préférés: Santana Celebration, avec percussions exubérantes, orgue Hammond et guitare “santanesque” des tous débuts; Song For Cindy, ballade guitaristique langoureuse à la Europa et surtout Angel Choir/All Together, superbe morceau de latin-jazz-rock qui accueille le pianiste Chick Corea, dont c’est probablement l’un des derniers enregistrements, puisqu’il nous a quittés en février 2021. 

 

NASH ALBERT 

"Yet" 

Les rares informations dont nous disposons sur ce chanteur-songwriter nous indiquent qu’il est originaire de Géorgie (celle du Caucase), a séjourné aux USA et est basé à présent à Moscou. Les onze titres de cet album peuvent être classés en “rock indé”. Ils sont chantés en anglais, dans une ambiance électrique souvent sombre, mais avec de l’énergie et du lyrisme. La voix est intéressante, fait penser parfois à Bowie (Sunrise) ou à Dylan (Monkey Blues). L’instrumentation alterne des arrangements très bruts, avec des accents punk (Love To Rest), d’autres sophistiqués et lyriques (Lost In Jerusalem, Autumn Rain). Un artiste digne d’intérêt. 

 

mercredi 16 février 2022

Avenue Country par Jacques Dufour

 

Gary BURR

"Shout" 

I Try To Think About Elvis (Patty Loveless) n’est que l’un des multiples succès que ce natif du Connecticut a composé pour les stars de Nashville. Reba Mc Entire, Collin Raye, Kathy Mattea, Suzy Bogguss, Tim Mc Graw, Wynonna, Billy Ray Cyrus, Doug Stone, Hal Ketchum, Lorrie Morgan, Garth Brooks, Tanya Tucker, LeAnn Rimes, Randy Travis, Faith Hill, Gary Allan ne sont que quelques uns des artistes qui ont bénéficié de ses chansons. Mais avant de s’installer à Nashville comme songwriter, Gary Burr fut un musicien à part entière, membre du fameux groupe Pure Prairie League qu’il intégra après le départ de Vince Gill en 1982. Quarante ans plus tard, après avoir fait chanter les autres, Gary Burr s’autorise un album à titre personnel. On s’aperçoit vite qu’il n’est pas George Strait. Son vocal est bien moyen. Seules deux chansons sont bien country, notamment le rapide No Business Being In Love. Le reste peut être qualifié de variété/pop ou "easy listening". Une question : pourquoi avoir choisi une photo datant de sa période Pure Prairie League pour illustrer la pochette ?

 

Jim LAUDERDALE 

"Hope" 

Il est le seul chanteur dont la cadence discographique égale celle de Willie Nelson. Nous avons droit chaque année à la parution d’un nouvel album. Le statut de méga star, voire d’icône, de la musique américaine de Willie peut expliquer sa boulimie de création artistique. En ce qui concerne Lauderdale, l’abondance de sa production (une trentaine d’albums sur trente ans) a de quoi surprendre car le natif de Caroline n’a jamais véritablement accédé au statut de vedette. Ses succès dans les charts ont été très limités: un unique Top 80 en 1988! Il est surtout reconnu en tant que compositeur. Bon nombre d’artistes lui doivent de nombreux hits à commencer par George Strait. Sa manière de chanter est particulière et une chanson composée par Lauderdale est souvent facile à reconnaître. Il aurait indubitablement mérité une meilleure reconnaissance commerciale. Cela dit, le vieil adage qui affirme que quantité ne rime pas souvent avec qualité s’applique fort logiquement et plusieurs chansons font office de remplissage. On n’a pas encore inventé la machine à débiter des chefs d’œuvre et c’est tant mieux. Une bonne moitié des chansons de cet album n’ont aucune consistance. Jim, prends plus de temps pour composer!

 

Jolina CARL 

"Mexican Overdrive" 

Jolina Carl est une chanteuse de country Allemande qui a une carrière bien établie avec plusieurs albums à son actif. Son style est plutôt traditionnel comme en atteste notamment sa reprise de She’s Got You de Patsy Cline. Ce titre semble être la seule reprise sur les treize chansons. En tout cas le seul classique. Jolina s’autorise deux ou trois morceaux assez musclés mais l’ensemble est plutôt calme. Un bon point pour l’énergique rock and roll Shut Your Mouth et pour la ballade acoustique en final, I Wanna Go. Un album assez varié et plaisant malgré deux ou trois titres plus moyens. 

 

Joy ADAMS 

"That Says It All" 

Joy Adams est une figure de la country music traditionnelle des antipodes. Sa country est très sage et, si j’osais, je dirais un tantinet vieillotte. Ancrée dans les années soixante-dix, période où le répertoire des Ann Murray, Liz Anderson, Tammy Wynette ou Barbara Mandrell était souvent plus proche de la grande variété. L’accompagnement, relativement sobre, est sans fioriture. Quelques honky tonk sont néanmoins sympathiques. Mais quinze chansons rétro d’affilée, c’est dur à avaler. A moins que vous soyez nostalgiques des Jean Shepard, Connie Smith, Jeannie Seely et autres chanteuses citées plus haut. 

 

Junior & Tanya Rae BROWN 

"His & Hers" 

Depuis son premier album solo paru en 1990 le maître de la "guit steel", guitare à deux manches, a réalisé une dizaine d’albums dont un en public à Austin en 2005. His & Hers est son premier album de duos avec son épouse Tanya Rae Brown. A ma connaissance peu d’artistes ont effectué cette démarche. Johnny et June Carter étant une exception ainsi que Waylon et Jessie Colter. Le vocal de Tanya Rae n’a rien de remarquable. Son type de country est celui des années 60 popularisé par Loretta Lynn, Connie Smith… Les chansons de Tanya en solo n’ont que peu d’intérêt mais sous forme de duos avec son mari cela fonctionne beaucoup mieux. On en espérait pourtant plus que quatre. Huit chansons sont interprétées en solo par Jr et ce sont principalement des honky tonk, à la seule exception toutefois d’une ballade acoustique chantée d’une voix de basse avec un effet dramatique et dans laquelle Brown cite Martin Luther King. 

 

KENTUCKY HEADHUNTERS 

"That’s A Fact Jack!" 

Voici un groupe sur lequel on aurait bien du mal à coller une étiquette. Aussi à l’aise dans la country avec une dizaine de succès au Billboard dans les années quatre-vingt-dix dont un Top 8 avec leur reprise de Oh Lonesome Me de Don Gibson, que dans le blues et le rock and roll. Le quintet a repris avec succès le Dixie Fried de Carl Perkins aussi bien que la ballade de Davy Crockett, Only Daddy That’ll Walk The Line de Jennings ou encore Singin’ The Blues. Ils ont sorti un album de blues tout en flirtant largement avec le rock sudiste. Du reste je suis curieux de savoir pour quel sorte de public ils se produisent car avec ce nouvel album ils persistent dans leur ambiguïté. Un seul titre, le douzième, justifie l’inclusion de ce disque dans cette rubrique. C’est l’unique chanson country, et même country classique. Tout le reste se partage entre soul, hard blues et rock sudiste avec des guitares souvent saturées . Un second titre, aussi incongru dans ce contexte que la country citée plus haut, est un rock and roll inspiré des années cinquante. 

 

Kyle SHOBE & The WALK’EM BOYS 

"Out Here"

Un album qui démarre avec un honky tonk rapide aussi trépidant, Find Me A Honky Tonk, a d’entrée toute ma sympathie. La suite s’avère plus calme mais essentiellement country avec abondance de fiddle et pedal steel guitare. George Strait pourrait trouver quelques chansons qui lui correspondraient si le hasard voulait qu’il découvrît cet album enregistré par cet artiste du Montana qui exerce la profession de commissaire priseur dans les foires et rodéos. Avec son groupe il se produit localement entre deux ventes de bétail. Il s’agit de son deuxième album et il est fort plaisant. Il se termine sur une reprise du fameux I’ve Been Everywhere adapté pour le Montana.

jeudi 10 février 2022

Labonne blague

 

Jon WILCOX

"Andalusian Highway" 

Mais qui est donc Jon Wilcox? Tout ce que l'on peut trouver le net se résume à la possibilité d'acheter ou d'écouter 1 ou plusieurs titres de cet album sorti en 2021 avec plein de sites dont AppleMusic, Amazon, Qobuz, Itsonlyrockandroll, Hbclub, Rabox et Spotify (qui, rappelons-le pour mémoire, préfère la vidéo d'un abruti antivax à tout ce que Neil Young et Joni Mitchell ont pu produire). Il n'y a rien sur Jon Wilcox, rien sur les musiciens qui l'accompagnent, qui a écrit quoi, où cela a été enregistré, pas une photo, pas une bio, rien du tout, ce qui, vous l'admettrez avec moi, est peu. C'est déconcertant et trop original à mon goût; c'est d'ailleurs la seule originalité du projet car, si Jon Wilcox chante honnêtement mais sans plus, ces chansons se suivent sans générer l'ombre d'un frisson. Quelques notes de mandoline sur Unfairweather Friend, une harmonie vocale sur Phantom Of The Grand Ole Opry qui sonne comme Emmylou Harris (mais comme on ne sait rien, on se contente d'imaginer), un simple arpège de guitare et une note de violon nostalgique sur Snowin’ On Raton, une valse d'influence celtique avec des tenues de notes de cornemuse et de tin whistle (Stones Of North Clare), une ballade avec une voix grave lorgnant du coté de Johnny Cash et un twang de guitare associé à la pedal-steel pour un arrangement très traditionnel de Homeless Heart et une ambiance mexicaine sur La Flor De Canon. Comme quoi, on peut être sobre sur le net et se prendre une bâche sur le blog du Cri du Coyote!

 

Suzanne VEGA 

"Before The Storm" 

L'inoubliable interprète de Luka et Tom's Dinner avait sorti en septembre 2020 un album enregistré live dans un club à New-York. Entourée d'un groupe, elle avait interprété ses plus grandes chansons ainsi que quelques reprises inédites mais curieusement, ce n'est pas cet album dont je parle aujourd'hui! Before The Storm est sorti plus récemment, fin 2021 mais a été enregistré en 1985. Elle reprend en live l'intégralité son 1er album ainsi que Gypsy et Tom's Diner tirés de Solitude Standing. Ici, elle est seule, elle chante en s'accompagnant à la guitare, sa voix est claire, vibrante et ses arpèges, aériens. La mélodie Knight Moves est toujours aussi entêtante et la tragédie de The Queen & The Soldier toujours aussi poignante. Je ne décrirai pas les qualités de cette artiste pour éviter d'écrire ce que les lecteurs connaissent déjà. Sa prestation live est vivante et ses chansons ponctuées de commentaires complices avec le public, comme celle qu'elle avait fait à l'Euterpe à Vaulx-en-Velin à cette même période et dont je garde un souvenir songeur! Elle sera à La Cigale le 17 février, à Lieusaint et Lille les 9 et 10 mars, à l'Olympia le 22 juin et enfin à Canet en Roussillon le 24 juin. Vous savez TOUT. 

 

The DOOBIE BROTHERS 

"Liberté" 

La sortie de ce 15ème album des Doobie Brothers est synchro avec leur 49ème tournée Nord-Américaine, la première depuis 25 ans et, coup de théâtre, pile poil pour célébrer dignement l'année de leurs 50 ans d'existence, ne sont-ils donc pas performants au niveau marketing? Et côté musique, ça donne quoi? C'est comme avant, on retrouve leur son, leur groove, leur patte. Tom Johnston et Pat Simmons sont toujours fidèles au poste en assurant guitares, chant et compositions comme à l'origine du groupe au début des années 70. Beaucoup de musiciens sont passés dans le groupe, notamment, Jeff “Skunk” Baxter (Guitare) pour d'homériques échanges de guitares électriques et Michael McDonald (claviers), connu pour avoir écrit et chanté les tubes les moins intéressants, à mon sens, de leur carrière. Ils remettent le couvert avec 12 nouveautés écrites avec John McFee, un jeune multi-instrumentiste (guitare, pedal steel, dobro, fiddle, chœurs). Pour la tournée, ils ont repris leur ancien clavier Bill Payne et complété le groupe avec Marc Russo (saxophone), Ed Toth (batterie) et John Cowan (basse, chœurs), oui, vous avez bien lu, le bassiste de Newgrass Revival. Pendant leur tournée, le public voudra entendre les tubes les plus connus, Listen To The Music, Jesus Is Just Alright, China Grove, Black Water et leur hymne, Long Train Runnin’ mais ils auront sûrement à cœur de jouer leurs nouvelles compos comme Oh Mexico qui sonne comme du Doobie Brothers AOP, grosse machine rock américaine, avec ses tubes en chromes rutilants, ses rythmiques aussi efficaces que prévisibles et ses harmonies vocales. Ma seule interrogation à propos de cette nouveauté concerne la présence de l'accent aigu sur le nom de l'album! 

 

The FELICE BROTHERS 

"From Dreams to Dust" 

Sorti en septembre 2021, cet album a été enregistré à l'automne 2020 dans une église située à Harlem, ce qui n'est pas idiot pour un combo New-Yorkais. Les thèmes abordés sont variés et sombres, entre solitude, désillusions, catastrophe écologique et chaos ordinaire. Rien de fun a priori mais la musique est plus lumineuse! Les 2 frangins, Ian (guitare et voix) et James (multi-instrumentiste) s'appuient sur la section rythmique assurée par le bassiste Jesske Hume et le batteur Will Lawrence. Dans un style situé entre jug-band et folk-rock indépendant, on entend une myriade d'influences englobant un Bowie des débuts pour le vocal ou Bob Dylan période Highway 61 pour l'instrumentation. Le résultat est proche de ce que beaucoup de jeunes créateurs produisent aujourd'hui, ceux là même dont les fondations se sont construites directement à partir de la discothèque des parents. To-Do List possède cet aplomb de jeune morveux et en véhicule une audace juvénile qui fait plaisir à entendre quand Land Of Yesterdays et Valium véhiculent un spleen communicatif. A écouter quand le bruit et la fureur du monde vous donnent envie de faire un break. 

 

The ARTISANALS 

"Zia" 

Constitué autour du leader Johnny Delaware et son guitariste Clay Houle, le groupe comprend Eric Mixon(basse) et Ian Klin (claviers) et propose un rock mélodique dans la lignée de Tom Petty. Après un 1er album en 2018, Zia a été inspiré par un voyage dans le désert d'Albuquerque. Que ce soit Driftwood ou Heading Somewhere, les twin vocals et les parties de guitares donnent une couleur proche du R.E.M. (de l'époque Reveal plus que Green) tout en gardant sa personnalité. L'intensité de la lead de Johnny Delaware se rapproche de Bono par moment et, si Fear To Fail est ponctué d'arpèges délicats, Always Taken Care Of donne à entendre une mélodie magnifique tandis qu'une slide guitare éthérée ferraille avec une disto bien sentie. L'arrangement de Plant The Seed est fastueux mais la mélodie reste accessible et Way Up qui est dans la lignée du She Will Be Loved de Maroon 5 prouve à quel point les influences des Byrds, Jayhawks et autre Wilco ont été absorbées, digérées et assimilées. D'après leur doc, She Is Looking For An Answer est dans la mouvance des Traveling Wilburys, ce qui n'est pas faux et je termine sur Violet Light dont le clip a été tourné sur un gratte-ciel. Si c'est un clin d'œil à un groupe de Liverpool, c'est bien cool. 

 

Josie BELLO 

"Resilience" 

Une guitare acoustique, une voix fière et vibrante, un backing band parfait avec une lead guitare exceptionnelle de bon goût et des chœurs en soutien, rien ne manque à la réussite de ce troisième album de Josie Bello. Cette chanteuse new-yorkaise d'origine italienne joue de la guitare mais également de l'accordéon dont les notes apportent sur plusieurs titres une couleur festive ou nostalgique mais jamais pesante. Resilience aborde la capacité à supporter le machisme ordinaire, I Am Empty rappelle la solitude du confinement, Love That's Real parle de ce qui compte sur un joyeux two-step. Killing Time raconte le thème délicat des couples qui se retrouvent désorientés une fois que les enfants ont quitté la maison : killing time is killing me est un aveu cruel. Coffee Shop Open Mic est le quotidien des musiciens qui doivent convaincre en 5 minutes un public qui ne se soucie pas des heures de répétition et Too Many Changes apporte une conclusion empreinte d'une certaine sagesse. Bref, des histoires ordinaires racontées comme des instantanés sur une musique sincère, authentique et, osons le dire, parfois bouleversante.

lundi 7 février 2022

Du côté de chez Sam

SPIKE FLYNN 

"Lunchtime At La Cantina" / "Mostly Smoke And Mirrors" 

Je vous avais laissés avec Spike FLYNN et Postcards From The Heart, son quatrième album, paru en février 2021, dans le numéro 168 du Cri du Coyote. Depuis, il a publié Lunchtime At La Cantina et Mostly Smokes And Mirrors à l'automne, à deux semaines d'intervalle. Ne croyez cependant pas que la qualité en a souffert. Spike semble avoir accumulé assez de compositions pour continuer à nous proposer d'excellents albums. De source bien informée (l'artiste lui-même) un autre disque serait envisagé pour les premiers mois de 2022. Le premier des deux albums est conforme à ce que l'on connaît de Spike. Sa voix éraillée navigue sur le fil de mélodies, entre folk et blues, portées par ses guitares acoustiques, avec l'appoint non négligeable de Gary Brown (guitare slide) et Andrew Clermont (fiddle, parfois jazzy, et mandoline). Pour mon grand plaisir, il y a The Mill, longue ballade de plus de sept minutes, comme peu de songwriters actuels savent nous en offrir. Le second disque est le premier de pure country musique de Spike, dont beaucoup de compositions sont inspirées par le genre, sans en revêtir nécessairement la forme. Pour l'occasion, Gary Brown a sorti sa pedal steel et son résonateur, Tony Eyers son accordéon, et Maryanne Burton y ajoute de belles harmonies vocales. Cette country made in Australia est une belle réussite, à l'image de May Your Sun Always Shine, qui en appelle d'autres. 

 

P.J LE MOAL 

"Stop ou encore" 

Patrick Le Moal nous délivre de temps à autre une carte postale depuis Toulouse, et ce Stop ou encore confirme qu'il fait partie, au même titre que son ami Jefferson Noizet, des meilleurs artistes musicaux de langue française. Il a toujours la même voix de bluesman qui traîne et nous entraîne au fil des accords d'une guitare qu'il manie, ma foi, fort bien. Il comble le vide laissé par Higelin ou Bashung, sans en avoir le succès, alors même que son œuvre est d'une qualité qui ne se dément jamais. Ses textes sont toujours aussi forts et finement travaillés, et incitent l'auditeur à réfléchir avec des armes que sont le second degré et la suggestion: "Des portes s'ouvrent et d'autres claquent / Le progrès est un leurre, juste un slogan / Hurlé par un savant en frac / A la vérité / Seul le changement" (Seul le changement). Les couleurs du disque changent au fil des titres. Parfois, un harmonica vient discrètement nous enchanter (Cactus & tequila), souvent ce sont les guitares d'Oswald Rosier (excellent) et Patrick qui se répondent soutenues par la basse de Dan Collet et la batterie de Franck Ridacker. À une ballade mélancolique (Au milieu du pont) succède un blues-rock (Vagabond) dans lequel P.J confesse chercher "un sens à tout ça". L'humour n'est jamais loin, parfois pour tenir éloigné un désespoir qui ne demande qu'à prendre le pouvoir de nos sociétés. Dans Immortel, la question "Immortel c'est combien? / Combien d'infirmières, combien de vaccins?" nous renvoie à une actualité pesante mais, quand l'artiste chante J'aime tout le monde même la Joconde, au-delà du clin d'œil, personne ne le croit vraiment. En revanche, s'il s'agit de décider Stop ou encore, le choix est simple à faire et je n'hésiterai pas à affirmer que ce disque est un des meilleurs de ces dernières années parmi ceux chantés dans notre langue. 

 

(self-titled) 
 
Martin Harley et Daniel Kimbro se sont rencontrés par l'entremise d'un ami commun, Sam Lewis et ont enregistré une paire d'albums ensemble (dont l'excellent Live At Southern Ground). Martin, originaire de Cardiff a une longue et riche carrière qui l'a amené à traverser les océans, du Mali à Nashville en passant par l'Australie, à la recherche des racines du blues. Daniel a, quant à lui, contribué, armé de sa contrebasse, à beaucoup de beaux projets parmi lesquels les plus récents sont Earls of Leicester ou le Jerry Douglas Band (notamment avec John Hiatt pour Leftover Feelings). Sam a été surnommé le Townes Van Zandt moderne et a publié quatre albums solo dont le dernier, intitulé précisément Solo, a été chroniqué dans le Le Cri du Coyote (#164). Les trois sont réunis pour un beau moment de partage où chacun apporte son propre talent sans chercher à tirer la couverture à lui. Les trois chantent (quatre chansons chacun) et composent (ensemble ou séparément). Si Sam se contente d'une guitare acoustique sur deux de ses compositions et de quelques percussions, Martin démontre ses qualités aux guitares (acoustique et électrique, Weisssenborn, résonateur, lap steel, slide) tandis que Daniel apporte un solide assise avec sa contrebasse (mise en vedette dans Creepin' Charlie) sans négliger guitares, banjo et synthétiseur. Ce super-groupe (par le talent à défaut de noms qui résonnent) nous offre un disque réjouissant de bout en bout, riche d'influences diverses, avec de vrais beaux moments comme Neighbors (Sam), Cowboys In Hawwaii (Martin) ou I Gotta Chair (Daniel).
 
 

David STARR 

"Touchstones" 

David Starr est connu pour ses qualités de guitariste et de songwriter et sa belle discographie en témoigne. Au moment de la publication de son album Beauty & Ruin (début 2020, cf. Le Cri du Coyote #165), il a dû comme les autres renoncer aux concerts et à la promotion de son disque. En 2021, il a donc mis à profit le confinement pour enregistrer et publier en ligne des titres qui lui tenaient à cœur. Les voici réunis dans Touchstones, onze reprises et une composition, où David se mue en interprète des autres. Entre Every Kinda People d'Andy Fraser (Robert Palmer) et One (U2), on rencontre les meilleurs: Bob Dylan (Gotta Serve Somebody), Jackson Browne (These Days), Van Morrison (Someone Like You), John Prine (Angel From Montgomery), Gladys Nights & The Pips (I've Got To Use My Imagination de Gerry Goffin & Barry Goldberg), The Cars (Drive), J.J. Cale (Magnolia), Blind Willie McTell (Statesboro Blues) et John Hiatt (Feels Like Rain). On peut difficilement faire mieux en douze titres parmi lesquels Cabo San Lucas de David ne dépare pas. La voix est inspirée, pleine d'âme, et les accompagnateurs, la fine fleur de Nashville, sont à la hauteur. Citons Dan Dugmore (pedal steel), Mark Prentice (basse, claviers et co-production), Jimmy Mattingly (fiddle) ou encore Irene Kelley et John Oates (voix). Les effets collatéraux de la pandémie peuvent parfois être positifs sur le plan musical. 

 

Steve DAWSON 

"Gone, Long Gone" 

Il existe au moins un autre Steve Dawson talentueux songwriter originaire de Chicago. Celui-ci est canadien de Vancouver, bien implanté à Nashville et on le connaît surtout comme producteur et multi-instrumentiste. Son précédent album solo (Lucky Hand) était instrumental. Avec Gone, Long Gone, il produit son premier opus de chansons depuis 2016, avec une nouveauté: il s'est associé avec quelqu'un d'autre pour l'écriture. En effet, en dehors de la réjouissante reprise de Ooh La La des Faces et de deux instrumentaux, tous les titres sont signés Steve Dawson / Matt Patershuk (dont je vous recommande une nouvelle fois l'album An Honest Effort (produit par Steve Dawson). On connaît le talent de Steve quand il s'agit d'instruments à cordes: guitares acoustiques, électrique, slide, pedal steel, Weissenborn, National. Il y ajoute ukulélé sur Kulantapia Waltz et claviers (mellotron, Farfisa, pump organ) sur I Just Get Lost. Parmi les musiciens qui participent, on note particulièrement Allison Russell et Keri Latimer (voix), Fats Kaplin (fiddle) Kevin McKendree et Chris Gestrin (claviers) Jay Bellerose et Gary Craig (batterie), Jeremy Holmes (basses). Voici un disque qui s'écoute avec un réel plaisir à l'image de son morceau-titre où Steve est accompagné d'un quatuor à cordes (virtuel car joué par les seuls Ben Plotnick et Katlyn Raitz). 

 

samedi 5 février 2022

Avenue Country par Jacques Dufour

Leslie BEIA 

"Wallflower" 

Cette chanteuse faisait partie d’un duo qui avait sorti un album il y a une dizaine d’années sous le nom de Copper & Coal. Leslie c’était le cuivre et sa copine le charbon. Ceci en raison de la couleur de leur chevelure. Appa-remment Wallflower est le premier album solo de Leslie Beia. Celle-ci est basée au Texas alors que le duo était fixé dans l’Oregon. Leslie Beia possède une voix agréable. L’album est riche en harmonies vocales et l’instrumentation est assez riche. Cependant les compositions de la chanteuse ont du mal à m’accrocher. Entre country acoustique, folk et americana je trouve qu’elles manquent de ligne mélodique. Le titre le plus country est Fallen Angel qui pourrait être une reprise de Patsy Cline. Si les huit autres chansons avaient été conçues autour de ce modèle, le Cri du Cœur était assuré. 

 

Mose WILSON 

"Mose Wilson" 

Nous réceptionnons encore assez souvent des premiers albums qui sont très bons, et c’est de nouveau le cas avec ce chanteur originaire du Tennessee. A l’âge de dix-huit ans Mose Wilson monte à Nashville puis émigre en Floride pour faire ses classes dans les bars avant de revenir à Music City pour réaliser son premier album dont il a composé tous les titres. Ce qui me frappe, outre la qualité de son vocal, c’est la diversité des styles qu’il nous présente. On démarre en honky tonk louisianais (Louisianna Two Step) pour finir avec un slow romantique. On sera passé par du pur rock and roll (Tennessee Rag), du non moins pur bluegrass avec le rapide Cornered, de la country cool ou rapide. I Don’t Need You est presque calqué sur le Workin’ Man Blues de Merle Haggard. This Time It’s You est dans l’esprit des Everly Brothers. Casey Driscoll au fiddle fait des prouesses et Trey Hensley à la guitare n’est pas en reste. Une excellente découverte. Mose Wilson est à placer parmi les artistes à suivre. 

 

BELLAMY BROTHERS 

"Covers From The Brothers" 

Pour les amateurs de nashpop les Bellamy Brothers apparaissent comme des fossiles. Des ersatz d’une forme de country obsolète pour tempes grisonnantes. Les frangins Howard et David ont connu leur premier n°1 en 1979. Ca va bientôt faire quarante-trois ans et ils sont toujours très actifs à soixante-dix et soixante-quatorze ans. La country bien traditionnelle des Bellamy’s leur a valu des invitations régulières dans de nombreux festivals européens. Ils ont obtenu leur dix n°1 avec des chansons originales mais pour ce nouvel opus les deux frères ont choisi de nous offrir leurs versions de douze chansons connues dans et en-dehors de l’univers country. C’est ainsi que l’on retrouve au programme les Righteous Brothers (1967), Billy Swan (1974), Bob Dylan (1973), Otis Redding (60’s) ou encore Stevie Wonder (1984). La country n’est représentée que par trois chansons dont deux furent n°1 : Most Beautiful Girl de Charlie Rich et Lord I Hope This Day Is Good de Don Williams. La troisième étant un titre de David Alan Coe, Ride’em Cowboy. Tous ces vieux succès rappelleront bien des souvenirs. Les Brothers les interprètent à leur manière sans les trahir et en respectant l’instrumentation country. Des reprises bien agréables de Bonnie Tyler à Otis Redding. Je me serais bien passé toutefois d’une nouvelle version de Knockin’ On Heaven’s Door

 

Jeannie SEELY & Jack GREENE 

"Together Again" 

Qu’est-ce que cette nouvelle entourloupe? Un album annoncé comme une nouveauté 2021 alors que l’un des deux protagonistes est décédé depuis près de dix ans? Jeanie Seely fut une chanteuse country populaire dans les années 60 et 70. Elle a aujourd’hui quatre-vingt-un ans et Jack Greene nous a quittés en 2013 à l’âge de quatre-vingts ans. Il fut également fort populaire dans les années 60. Un album pour les nostalgiques de la country de ces époques.  

NDLR: il s'agit de bandes inédites, retrouvées récemment, pour la plupart des enregistrements pour la radio. Publication validée par Jeannie Seely qui ne savait pas que ces documents existaient.

 

Reba McENTIRE 

"Revived, Remixed, Revisited" 

Les succès de Reba ont-ils besoin d’être ravivés, remixés et revisités? Si vous avez déjà plusieurs albums de l’une des plus belles voix de la country ce triple album ne vous apportera rien. Les maisons de disques capitalisent sur la renommée des artistes et la crédulité des fans pour proposer ce genre de rhabillage de succès anciens comme à l’époque où elles sortaient des "best of" avec un inédit. S’il s’avère que vous ne connaissiez pas l’ex-écuyère de l’Oklahoma et ses vingt et un n°1, l’achat peut néanmoins se justifier.

David FENLEY 

"Pocket Full Of Dirt" 

Ce chanteur a un vocal qui me rappelle Travis Tritt. Mais le côté rock du répertoire de Tritt. Cet album n’a de country qu’un seul titre, au demeurant excellent, If The Beer Stores Closed At Noon. C’est du reste le seul morceau rapide. David Fenley se complait dans les ballades rock pour lesquelles son vocal râpeux de chanteur de blues rock convient très bien. Une mention pour le country-rock Good Boy. David Fenley est un excellent chanteur soul qui a du beaucoup écouter Ray Charles ou Ronnie Milsap.

Cody JINKS 

"M3RCY" 

Cody Jinks a déjà été évoqué dans cette rubrique. Le barbu Texan a sorti une dizaine d’albums. Dans celui-ci les ballades abondent. Deux sont bien country avec le support d’une pedal steel guitare. Les autres sont plus alternatives. Le reste de l’album est proche du rock. Il n’intéressera pas l’amateur de country pure.