mardi 23 août 2011

John Prine disque à disque - Bruised Orange (1978)

Voici la chronique de ce premier album de John Prine pour le label Asylum, telle qu'elle a été publiée dans le hors-série Crossroads "1976-1978 - 109 albums essentiels".



Si je ne devais retenir qu'un titre de "Bruised Orange", cinquième album de John Prine, ce serait sans doute le dernier, "The Hobo Song". Pour ses arrangements et son instrumentation; pour son "Hobo Chorus"; pour son texte et sa mélodie qui en font instantanément un classique du folk américain. Mais c'est peut-être le morceau le moins "prinien" de l'ensemble qui recèle bien d'autres trésors.

En 1975 était sorti le quatrième album de John sur Atlantic, "Common Sense", produit par Steve Cropper. Ce fut le premier à entrer dans le top 100 des charts, mais ce fut aussi le moins satisfaisant sur le plan artistique. Les compositions n'étaient pas en cause mais la production maison en altérait gravement l'esprit, plaçant John au milieu de la route, une route qu'il ne souhaitait pas suivre.

1978: notre homme plante un nouveau décor. Tout d'abord, un changement de label: John Prine quitte Atlantic pour Asylum, le petit label devenu grand qui laisse encore les artistes décider. Ensuite, un nouveau producteur, Steve Goodman, l'ami de toujours et un retour au pays. L'album est en effet enregistré entre janvier et mars à Chicago et non plus à Memphis et Los Angeles comme le précédent. Autre élément important, John Prine a cette fois pris son temps, évoluant dans son style, en particulier dans la concision de l'écriture, forgeant ce qui allait devenir sa marque de fabrique.

Dès les premières notes, on est aussi frappé par l'évolution du son, plus varié. Une première explication peut être trouvée dans la présence de Jim Rothermel. Ce magicien des instruments à bouche en tous genres, déjà entendu avec Steve Goodman, mais aussi avec Jesse Colin Young ou Van Morrison (dans "Veedon Fleece"), apporte des couleurs nouvelles et cela dès "Fish And Whistle" où il joue, précisément, du penny whistle. On le retrouvera plus loin au saxophone, à la clarinette, au recorder, intervenant toujours à propos, sans envahir.

D'une manière générale, et on peut en attribuer le mérite au producteur, il y a toujours cet équilibre entre une instrumentation relativement riche et des textes conçus pour être interprétés en public, avec une simple guitare acoustique. Jamais le message de l'auteur n'est masqué ou étouffé, bien au contraire. L'humour incisif et corrosif de John Prine n'a jamais trouvé un écrin qui lui convenait si bien. Car l'humour et l'ironie sont toujours présents, même dans ce qui pourrait être une chanson d'amour, "Aw Heck": "The cannibals can catch me / And fry me in a pan / Long as I got my woman". À noter que le titre du morceau n'existe que parce qu'il fallait bien une rime à "And put her loving arms around my neck"! Parler d'amour, oui, mais sans s'attendrir!

Humour toujours dans ce qui deviendra un pilier des concerts de John Prine, ce "That's The Way That The world Goes 'Round", qui déclenche l'hilarité du public, avec un sens de l'auto-dérision qui n'est pas si commun.


Sur le plan musical, il y a un relatif équilibre entre des ballades, jamais mièvres (à l'exception notable de "If You Don't Want My Love", coécrit avec Phil Spector) et les titres plus rythmés. Parmi les titres forts, il y a "Bruised Orange (Chain Of Sorrow)", petite réflexion philosophique sur la colère et son inutilité: "For a heart stained in anger / Grows weak and grows bitter / You become your own prisoner / As you watch yourself / Sit there / Wrapped up in a trap / Of your very own chain of sorrow". "Sabu Visits The Twin Cities Alone" décrit la solitude de l'artiste sur la route: une clarinette, un accordéon, une ambiance, une grande chanson avec quelques phrases magnifiques.

Et puis il y a "The Hobo Song", un modèle. Intrumentation sobre: guitare, harmonica, dobro et mandoline interviennent tour à tour, magnifiques. Le texte est en partie chanté, en partie récité, dégageant une poignante nostalgie que vient renforcer le "Hobo Chorus", un goupe d'amis et d'invités (parmi lesquels Ramblin' Jack Elliott, Jackson Browne et James Talley) reprenant en chœur ce refrain: "Please tell me where have the hobos gone to / I see no fire burning down by the rusty railroad track / Could it be that time has gone and left them / Tied up in life's eternal travelin sack". Constat désabusé de la disparition d'une certaine Amérique, celle de Woody Guthrie, celle des grands espaces, ce titre a un pouvoir évocateur sans pareil. Quand je l'entends, je vois la poussière soulevée par les talons du hobo qui poursuit son errance. C'est un morceau que j'écoute en boucle, à chaque fois. Un bien belle conclusion pour un album qui reste parmi les favoris des admirateurs de John Prine.


Titres:
1- Fish and whistle (John Prine)
2- There she goes (John Prine)
3- If you don't want my love (John Prine / Phil Spector)
4- That's the way that the world goes 'round (John Prine)
5- Bruised orange (Chain of sorrow) (John Prine)
6- Sabu visits the twin cities alone (John Prine)
7- Aw heck (John Prine)
8- Crooked piece of time (John Prine)
9- Iron ore Betty (John Prine)
10- The hobo song (John Prine)

Muisciens:
John Prine: vocals, acoustic guitar
Sid Sims:bass
Tom Radtke: drums, tambourine, percussion, finger cybal, handclaps
John Burns: electric guitar, background vocals, acoustic guitar, rhythm guitar
Jim Rothermel: penny whistle, alto sax, tenor recorder, soprano recorder, soprano sax, clarinet, tenor sax
Steve Goodman: background vocals, harmony vocal, acoustic guitar, electric guitar, rhythm guitar, handclaps
Len Dresslar: background vocals
Don Shelton: background vocals
Bob Bowker: background vocals
Leo LeBlanc: pedal steel guitar, Dobro
Corky Siegel: harmonica, piano
Bonnie Herman: background vocals
Jackson Browne: harmony vocals
Howard Levy: piano, accordian
Vicky Hubly: background vocals
Kitty Haywood: background vocals
Alan Barcus: strings
Diane Holmes: background vocals
Mike Utley : organ, piano
Bonnie Koloc: harmony vocal
Bob Hoban: piano
Harry Waller: handclaps
Mike Jordan : handclaps
Steve Rodby: acoustic bass
Sam Bush: electric guitar
Jethro Burns: mandolin
Hobo Chorus: Dan Cronin, Ramblin' Jack Elliott, John Burns, Bryan Bowers, Sam Bush, John Cowan, Jethro Burns, Fred Holstein, Steve Goodman, Harry Waller, Mike Jordan, Tom Hanson, Hank Neuberger, Tom Radtke, Jim Rothermel, Sid Sims, Earl Pionke, James Talley, Ed Holstein, Aldo Botalla, Mike Urschel, James McNamara, David Prine, Al Bunetta, Tyler Wilson, Bob Hoban, Jackson Browne, Tim Messer

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