mardi 15 novembre 2022

L'art (selon) Romain, par Romain Decoret

 

  L'art (selon) Romain

 

Joshua HEDLEY 

"Neon Blue" (New West) 

À Nashville, la country-music change en une décennie. La nouvelle génération est représentée par Joshua Hedley qui pose la question: "que serait-il arrivé si nous n’avions pas été submergés par les Dixie Chicks et Dolly Parton phase 6?". Son premier disque, Mr. Jukebox, était consacré au son countrypolitain de Nashville. Ce nouveau Neon Blue est résolument honky-tonk, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait qu’Hedley a été artiste résident chez Robert’s, en face du Ryman Auditorium, accompagnant le regretté Justin Town Earle, Willie Watson ou Johnny Fritz. Il était surnommé The Singing Professor pour sa vaste connaissance de la country-music. D’ailleurs la pochette du CD le montre au bar de Robert’s que les connaisseurs reconnaitront aux innombrables paires de bottes western. Accompagné par le nouvel A-Team de James Mitchell & Tim Galloway aux guitares, Scotty Sanders à la pedal steel, Victor Krauss à la basse et le batteur Evan Hutchings, Josh Hedley a composé des titres originaux de haut niveau. Bury Me With My Boots On est dédié à Joe Diffie, décédé du COVID en 2020, Country & Western est pour son surnom de Singing Professor, I Wonder If You Wonder est une de ces surprenantes incursions philosophiques nashviliennes. La seule reprise, particulièrement bien choisie, est River In The Rain du légendaire Roger Miller. Avec ce disque, Joshua Hedley prend place aux côté des grands du new-country comme Jason Isbell. (Romain Decoret

 

Jeremiah JOHNSON 

"Hi-Fi Drive By" (Ruf Records) 

Pour son 7ème disque, ce guitariste-chanteur de St. Louis, Missouri a travaillé avec Paul Niehaus, styliste de la production. Jeremiah Johnson (son père l’a nommé ainsi en raison du western de Sidney Pollack en 72) réunit des influences diverses, le jazz de St. Louis, mais aussi le R&B texan qu’il a joué pendant 10 ans au Texas avant de revenir à St. Louis. Il joue sur Telecaster et a été n°1 de la Billboard Blues Chart avec son disque Heaven’s To Betsy. Il réunit ici les meilleurs cuivres et choristes de St. Louis, dirigés par le légendaire Tom Maloney. C’est particulièrement original dans 68 Coupe De Ville, Ball & Chain (rien à voir avec Big Mama Thornton ou Janis Joplin), Hot Blooded Love. La connection Telecaster/cuivres est imparable dans Sweet Misery ou la soul-music de Quicksand. Les saxes et trompettes ont joué avec Johnnie Johnson (le pianiste de Chuck Berry), mais aussi avec Little Feat et Bob Weir du Grateful Dead. Jeremiah Johnson les met en valeur spécialement dans The Band. Ils ont dépoussiéré le songbook du rock’n’roll US. Maximum Volume… (Romain Decoret

 

Rick BERTHOD

"Tribute To Peter Green" (RB Music)

Lorsqu’il joue ses propres compositions, Rick Berthod tord les cordes de son ES-355 (signée à Las Vegas par B.B. King) dans son propre style, avec des influences venues de Larry Carlton, Warren Haynes et Robben Ford. Son dernier album, Peripheral Vision, a été un hit en France il y a deux ans. Mais il a aussi le don de retrouver exactement le son des guitaristes de son enfance, ce qu’il fait lors de shows dédiés à Cream ou Stevie Ray Vaughan. Il aborde ici le répertoire de Peter Green et utilise son don considérable d’arrangeur, retrouvant l’accord diminué du break de Black Magic Woman ou le son recherché de I Loved Another Woman, Jumping At Shadows et Need Your Love So Bad. Son groupe The Persuaders a été réuni pour lui originalement par son mentor, le regretté Albert Collins. On retrouve ici le bassiste Ronee Mac, Billy Truitt aux claviers et sur Stop Messing Around c’est le producteur Mike Varney qui ajoute un solo de guitare incandescent. Né à Colorado Springs, transplanté à Las Vegas et Hollywood, Rick Berthod a tourné avec Eric Clapton, John Mayall, J.J. Cale, Delbert McClinton ou Robben Ford. Le temps viendra où il sera en tête d’affiche. (Romain Decoret

 

Alex WILLIAMS

"Waging Peace" (New West)

Loin des productions à la chaîne nashvilliennes, Alex Williams est un rare prétendant au trône de star Outlaw pour rejoindre les pionniers Willie Nelson, Merle Haggard et Waylon "Waymore" Jennings. Songwriter et guitariste acoustique, il a connu les cahots inévitables d’une telle carrière: montée en puissance avec son premier disque, tentations de la route qui l’ont ramené en-dessous de zéro et le difficile chemin pour changer ses habitudes et trouver la paix intérieure. Tout est évoqué dans des titres tels que Old Before My Time, The Struggle, The Vice, A Higher Road et Waging Peace. Produit par Ben Fowler et enregistré à Ocean Way et Hillywood Studios, Nashville, Alex Williams tient la guitare acoustique, avec Noah Thomasson à la lead, Danny Dugmore à la steel , Ryan Fox et Coty Leffingwell pour la section rythmique. Un bon exemple des nouveaux musiciens de studio de Nashville. Alex Williams est en tournée jusqu’à la fin de l’année et retrouvera brièvement sa venue préférée, le Basement East de Music City. Pour l’instant, il semble utopique d’espérer le voir en France, mais ne le manquez pas quand cela se produira. (Romain Decoret)

 

Amanda SHIRES

"Take It Like a Man" (ATO Records / Pias)

 Amanda Shires est une star de la new-country mais aussi une musicienne de session recherchée (fiddle, guitare acoustique), pour les regrettés John Prine, Justin Townes Earle ou Neal Casal. Elle joue avec son mari, Jason Isbell dans le 400 Unit et a fondé les Highwomen, un groupe féminin influencé par les Highwaymen de Johnny Cash, Willie Nelson, Waylon Jennings & Kris Kristofferson. Avec son 9ème album solo, Amanda Shires aborde son séjour à l’hôpital pour une grossesse extra-utérine qui s’est déclarée alors qu’elle était sur scène et milite désormais pour le droit à l’avortement. Cette native de Lubbock, Texas (la ville de Buddy Holly & Waylon Jennings) a été barrel-cowgirl dans les rodéos avant de jouer du fiddle avec les Texas Playboys. La différence entre le fiddle et le violon réside en un chevalet plus plat mais surtout dans le jeu. Un violoniste joue assis, un fiddle player est debout et marque le temps avec son archet sur ses talons, tout en jouant à la vitesse de l’éclair. Sur ce 9ème album solo produit dans le légendaire studio B de RCA Nashville par Lawrence Rothman (Lucinda Williams, Angel Olsen) Amanda Shires utilise une imagerie comparable à celle de Tom Waits dans Hawk For The Dove, Faut Lines ou Empty Cups. Jason Isbell tient la guitare sur quelques titres de ce disque autobiographique où l’élue de son coeur se réimagine. (Romain Decoret) 

 

IVOR S.K.

"Mississippi Bound" (Blues Foundation)

Ce jeune australien de Sydney est un spécialiste du slide. Ses précédentes disques Delta Pines (2016) et Montserrat (2017) avaient déjà attiré l’attention. Ignorant la pandémie ("il est clair que ce n’est pas la peste bubonique") Ivor S.K. a traversé l’océan pour aller à New Orleans où il fut résident du vénérable club Chickie Wah Wah avant de jouer au Juke Joint Festival de Clarksdale, Mississippi, jammant avec Alvin Youngblood-Hart, Jumping Johnny Sansone ou Smoky Greenwell. Après avoir joué dans le Delta au Ground Zéro Club, il est revenu à New Orleans pour enregistrer ce disque, dans le studio Morris and Dauphine. Ivor Simpson-Kennedy (son nom complet) joue sur une Gibson J-40 acoustique. L’écouter est être téléporté dans un juke-joint ou un club de Bourbon Street, comme dans son Wheeling ou Down The Road. Tous les titres de l’album sont ses compositions, parfois ironiques avec Talkin’ Shit Again ou évocatrice de Robert Johnson dans Tomorrow Night. Excelsior! (Romain Decoret

 

The BEATLES

"Revolver" Réédition, Remix & Prises alternatives (Apple / Universal)

Après avoir commencé le transfert des 4 ou 8-pistes originales en 196-pistes ou plus s’il le faut, en Dolby Atmos, avec Sgt. Pepper's, le White Album, Abbey Road puis Let It Be, Giles Martin aborde aujourd’hui Revolver (1966) en faisant appel à un champ audio-spatial bien au-delà de la stéréo. Une alchimie audio qui prend tout son sens avec un bon ampli ou des écouteurs de qualité. Chaque intervention vocale ou instrumentale (par exemple les guitares acoustiques countrysantes de John & Paul) se voit attribuer une ou deux pistes séparée. Le double CD multi-formats, vinyle/CD/ numérique, présente d’abord le mix recréé du disque original. Le son en est très proche, sans bouleversement inutile, mais la définition est extraordinaire. Les choses s’approfondissent encore avec les prises alternatives soigneusement transférées et re-mixées par Martin. Bien des spécialistes considèrent que John Lennon s’était alors mis en retrait de McCartney, d’un point de vue créatif. Mais cela n’arriva pas avant le trop psychédélique Sgt. Pepper's. Les chansons relatent une autre histoire : Doctor Robert, And Your Bird Can Sing et Tomorrow Never Knows sont de John et dans la prise 15 de She Said She Said on l’entend distinctement diriger les Beatles: "Keep Going! Last Track! Last Track!". Sur I’m Only Sleeping prise 2 de John, il est clair que George utilise la partie rythmique de Zal Yanovski dans Daydream des Lovin’ Spoonful. De même sur la prise 8 de Got To Get You Into My Life de Paul, George Harrison expérimente des riffs joués avec une Fuzz-tone. Ces riffs seront remplacés ensuite par une section de cuivres. Quelques mois avant, le projet des Beatles d’enregistrer dans les studios Stax à Memphis était tombé à l’eau. On peut se demander ce qu’aurait pu donner un tel disque… Probablement dans les épisodes suivants de cette remontée dans le temps, le prochain sera consacré à Rubber Soul (1965), puis il restera encore Help! (1965), Beatles For Sale (1964), Hard Day’s Night (1964), With The Beatles (1963) et Please Please Me (1963), mais là c’est du 2-pistes mono à transférer… (Romain Decoret

 

Paul McCARTNEY

"The 7’’ Singles Box" (Pantheon / Universal )

Pour le shopping de Noël voici une extravagance destinée aux fans absolus du bassiste des Beatles en sol: un coffret édition limitée à 3000 exemplaires contenant 80 singles vinyl avec les pochettes originales, des inédits et raretés, ainsi qu’un livre de 148 pages, notes d’enregistrement signées Paul McCartney. Sous l’aspect d’une caisse en bois blanc fermée par deux courroies rouges on découvre d’abord 65 singles remasterisés et supervisés par Sir Paul. Ils sont originalement sortis dans divers pays, les pochettes sont originales. Mais le bonus est composé de 15 singles inédits, avec des raretés, maquettes et bizarreries. Ainsi la version inédite de Love Is Strange / I Am Your Singer, le single français de Goodnight Tonight / Daytime Nightime Suffering, le rare 45t japonais de 77 avec les versions live de Maybe I’m Amazed / Soily. Parfois c’est un EP 3 ou 4 titres comme No Other Baby / Brown Eyed Handsome Man de Chuck Berry et Fabulous de Charlie Gracie, tiré en 99 de l’album rock’n’roll Run Devil Run. Autres raretés: ce Summer Of  ’59 en face B de Jenny Wren ou les récents Find My Way / Winter Bird jamais sortis en single. Plus classique les originaux US de Uncle Albert/Admiral Halsey / Too Many People, la chanson de 71 qui rendit John Lennon furieux (elle commence par les mots "Piece Of Cake" qui en langage Beatles correspond à "Piss Off, Cake"). Ou le single allemand de 74 avec Jet / Let Me Roll It. Une vision labyrinthique du répertoire de Sir Mac, avec Wings ou en solo. (Romain Decoret)

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