mardi 22 mai 2012

Bee Gees 1st (1967)

Paru dans Best of Crossroads "1960-1968 - 100 albums essentiels"


BEE GEES
Bee Gees' 1st
Polydor (Europe) Juillet 1967 / ATCO (USA) Août 1967

Lorsque les frères Gibb (Barry, 20 ans, et les jumeaux Maurice et Robin, 17 ans), débarquèrent en janvier 1967 pour conquérir Angleterre, leur pays natal, ils étaient loin de se douter de ce que l'avenir leur réservait. Les Bee Gees étaient célèbres en Australie où ils avaient publié onze singles et deux albums entre 1963 et 1966, tout en tenant la vedette de shows radio très populaires là-bas. 

Ces fans inconditionnels des Beatles (mais aussi des Beach Boys, de Ray Charles, d'Otis Redding et de l'écurie Stax), lassés des inévitables comparaisons, avaient vite fait évoluer leur style, délaissant les guitares électriques au profit d'orchestrations moins rock. Car leur domaine, c'était avant tout la mélodie. 

Un premier single, en avril, les révéla au monde ébahi. Ce « New York Mining Disater 1941 », inspiré par une catastrophe minière les mit en lumière, suscitant un grand intérêt des deux côtés de l'Atlantique. Bee Gees' First parut en juillet et démontra que le groupe n'était pas seulement une éphémère machine à tubes comme l'industrie musicale en produisait plusieurs chaque mois. C'était un véritable album, du niveau de Revolver, dans sa conception comme dans sa diversité (les deux albums bénéficiaient d'ailleurs d'un artwork du même Klaus Voorman. 


 Bien sûr, les détracteurs se firent très vite entendre. Pensez-donc! À l'époque où l'on ne pouvait pas aimer à la fois les Beatles et les Rolling Stones, il n'était pas de bon ton de s'écarter des sillons tracés par les maîtres. Et l'on comparaît inévitablement les prétendant à l'un ou l'autre. En la bonne France du gaullisme finissant, dans la presse "rock", on parlait au mieux de variété, au pire de guimauve. 

C'était là vraiment passer à côté de quelque chose de grand. Bien sûr, les Bee Gees n'étaient pas un groupe de rock et c'était là leur grand crime. Ils étaient des mélodistes exceptionnels, leurs textes teintés de surréalisme volaient largement au-dessus de la moyenne du genre (que l'on mesure le chemin parcouru depuis « The Three Kisses Of Love », leur premier single de 1963), leurs harmonies vocales, fraternelles, ne ressemblaient pas à ce que l'on pouvait entendre par ailleurs (sauf quand ils avaient envie de ressembler aux Fab Four), mais rien n'y faisait. Très vite, sous peine de perdre sa crédibilité "rock", il allait falloir (en France en tout cas) mépriser les frères Gibb. 

Mais revenons-en à l'album, car il s'agit d'un véritable album, pas d'une suite de tubes avec quelques morceaux en plus pour remplir. On sent les influences, les Beatles, bien sûr avec « In My Own Time », Otis Redding avec « One Minute Woman »; « Please Read Me » (avec la première apparition d'harmonies falsetto) a été, selon Barry, inspiré par Brian Wilson et interprété à la mode Beatles. Et puis il y a les monuments. Les singles « New York Mining Disaster 1941 », génial de simplicité, « Holiday », le premier slow, et « To Love Somebody ». Ce dernier titre avait été écrit à l'origine pour Otis (qui périt avant de l'enregistrer) et, s'il n'obtint qu'un succès modeste en Grande-Bretagne, il fut en revanche très populaire aux USA. C'est le titre le plus adapté des Bee Gees: on peut citer Janis Joplin, Nina Simone, Eric Burdon (avec les Animals), Gram Parsons (avec les Flying Burrito Brothers)… Excusez du peu. 


 J'évoquerai encore « I Can't See Nobody » et l'extraordinaire partie vocale de Robin ou « Every Christian Lion Hearted Man Will Show You » qui démarre par des chants grégoriens soulignés par une ligne de mellotron. Et quand l'album s'achève par « Close Another Door », on sait que le trio (avec ses deux acolytes Colin Petersen et Vince Melouney) vient en fait d'ouvrir en grand les portes d'un succès durable en même temps qu'il a popularisé, à la même époque que les Moody Blues, ce que l'on aurait pu appeler le prog-pop.

Sam Pierre

Post scriptum

"Bee Gees 1st" a bénéficié en 2006 d'une réédtion chez Rhino Records avec un nouveau package luxueux, un son superbe et un livret fourmillant de détails, de commentaires et de photos inédites.


Le contenu est également très riche, puisque "Bee Gees 1st" est ici présenté en double CD. Le premier disque reprend les 14 titres de l'album original, en versions stéréo et mono. Même si la chose n'est pas d'un intérêt primordial en apparence, l'auditeur attentif notera, entre les deux mixages, des différences qui méritent de s'y attarder.

Le second disque propose 14 titres supplémentaires, jamais publiés jusque-là, dont 5 totalement inédits, les autres étant des versions alternatives de certaines chansons de l'album (dont deux pour le hit "New York Mining Disaster 1941". Des morceaux comme "House Of Lords" ou "Mr. Wallor's Wailing Wall" sont d'un niveau qui leur aurait permis de figurer dans la sélection finale.


La légende était en marche. Près de quarante-cinq ans après sa parution, alors que Barry Gibb est désormais seul à porter le flambeau familial, j'invite ceux qui pensent que les Bee Gees étaient un groupe disco à découvrir "Bee Gees First" et tout ses trésors...

1 commentaire: